« Ce n’était pas à moi de partir » - Brochure

ou « Comment j’ai dû m’auto-exclure du milieu militant pour échapper à des violences psychologiques et sexuelles. »

samedi 13 janvier 2024, par mathurine.

Ça parle du moment où j’ai quitté la lutte antinucléaire à Bure en novembre 2021 et pourquoi j’ai dû le faire. Comment j’ai réussi à me sauver d’une relation d’emprise avec une personne qui participe à cette lutte et se dit « allié ».
Ça raconte ce que peuvent être les violences conjugales psychologiques dans le cas un peu particulier de relation amoureuse dans le milieu militant. Où l’on prétend à l’amour libre et à la remise en question de schémas normés.
Pourquoi je n’ai d’abord pas réussi à partir et comment j’ai dû disparaître des espaces militants pour m’en sortir et me réparer.

« Ce n’était pas à moi de partir » - Brochure page par page

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Ce qui s’est passé en novembre 2021 n’est pas une séparation amoureuse mais une fuite.
Je me suis littéralement sauvée d’une relation d’emprise dans laquelle je subissais des violences conjugales psychologiques. « Sauvée » comme on se sauve de la noyade et « sauvée » parce que je me suis enfuie.

La personne avec qui j’étais en couple m’a contrôlée, a colonisé mon cerveau, m’a maintenue dans la peur, le mensonge, m’a mise en danger à de multiples reprises, m’a isolée de mes ami-e-s, a été violente verbalement, n’a pas respecté mon consentement à plusieurs reprises, n’a eu de cesse de me mettre sur un piédestal et dans le même temps de me traiter pire qu’un chien (si tant est qu’on se permette encore d’utiliser cette expression et de maltraiter les chiens).

Il m’a maintenu la tête sous l’eau dans un moment déjà difficile pour moi, où j’avais du mal à remonter à la surface. Il a aspiré tout ce qu’il restait de vie en moi. Alors plutôt que de me suicider (voilà où j’en étais arrivée), je suis partie.

D’où je parle ?

Je construis depuis plus de dix ans ma vie en considérant les lieux militants, autonomes, anarchistes, féministes comme des lieux sûrs. En tous cas, aspirant à sortir des normes capitaliste, machiste, raciste...etc. J’ai habité dans ces espaces, beaucoup de mes ami-e-s en font partie, je me suis souvent sentie accueillie et j’ai pu y accueillir des gens, prendre soin, organiser des évènements. Ce qui m’est arrivé a créé un conflit interne intense entre l’envie de croire qu’on change des choses dans ces espaces et la réalité concrète : j’y ai vécu des violences sans être soutenue par ces mêmes collectifs en qui j’avais confiance.

Pourquoi cette lettre ouverte ?

Cela fait 2 ans que je me suis sortie de cette relation et j’ai besoin de tourner vraiment cette page de ma vie.
Je suis partie rapidement de mon lieu de vie sans pouvoir donner d’explications à des personnes que j’aimais et qui faisaient partie de mon quotidien et sans leur dire « au revoir ». Tenter d’expliquer oralement sur le moment était trop difficile et mon esprit était embrouillé.
Les violences psychologiques sont difficilement explicables et j’éprouve aujourd’hui le besoin d’enfin poser des mots, de savoir qu’ils seront lus.
Je pense que ce viol mental que j’ai vécu me cause autant de troubles et de conséquences néfastes que les viols physiques qui me sont arrivés et je n’ai pas trouvé d’autre cadre pour parler de ces violences.
Je me rends compte qu’on est plein à vivre/avoir vécu ça sans savoir nommer les choses par leur nom. On est pas mal à être parti.e.s d’espaces, à s’être retiré.e.s de lieux ou de collectifs, alors que nous n’avions rien fait alors que cela nous tenait à cœur de faire partie de ces endroits.

C’est quoi l’histoire ?

Je vivais près de Bure - où il y a une lutte contre la création d’un centre d’enfouissement de déchets radioactifs - dans une colocation proche d’autres espaces collectifs, j’étais très impliquée dans la lutte anti-nucléaire, dans le collectif féministe que nous avions créé là-bas : les Bombes Atomiques et dans un tas d’activités sur place.
J’avais commencé une relation amoureuse avec un type, je me rends compte que c’était assez flou notre rapport au début, sur les questions de non-exclusivité mais je crois que ça m’allait bien à ce moment là que ce ne soit pas clair. On se battait beaucoup, mais comme un « jeu ». De l’extérieur notre relation pouvait apparaître « passionnelle » ou « fusionnelle », une explosion d’amour.

Cette relation a commencé dans notre colocation dans laquelle on venait d’emménager avec 3 autres colocs, on avait mis beaucoup d’énergie tous les deux à aménager la baraque et c’est comme ça qu’on est « tombés amoureux ». Je mets entre guillemets parce qu’aujourd’hui je ne sais pas si on peut vraiment appeler ça de l’amour.

C’était gai, c’était le printemps 2019. Ça a été gai une semaine.

Après, plus jamais un moment n’a été tranquille, paisible. Chaque moment où je me sentais un peu bien finissait mal, et de plus en plus mal, et de mal en pis.

J’ai ressenti rapidement un malaise, une sorte de double-je, la figure insidieusement violente et égoïste qui m’était réservée dans l’intimité, et celle paternaliste, blagueuse, généreuse et protectrice montrée en public. Il agissait la plupart du temps à l’abri des regards, dans les paroles et les gestes quotidiens…

De l’intérieur de la relation, la colonisation de mon cerveau et de mon corps

J’avais l’impression d’être une souris de laboratoire et qu’il faisait des expériences avec moi. Je me sentais mal à l’aise avec son sadisme et son voyeurisme. J’avais l’impression de vivre avec un prédateur qui ne pouvait s’empêcher de séduire toutes les personnes autour. J’avais la sensation que mon corps disparaissait. J’ai en réalité perdu pas mal de poids (10kilos) à cette période. Je me sentais nulle et moche parce qu’il repoussait tous mes gestes de tendresse et dans le même temps il draguait d’autres personnes. A cette période, je me suis coupé les cheveux un nombre incalculable de fois, teinte en blonde, je me suis mise à me vêtir comme une poupée, à tout faire pour lui plaire sans jamais le satisfaire.

J‘avais l’impression de tout le temps marcher sur des œufs pour ne pas l’énerver, de ne pas pouvoir dire ce que je pensais, ni parler de notre relation sans qu’il se mette en colère ou disqualifie mes propos.

C’était comme une dictature. J’ai réussi à nommer plus tard que c’était de l’emprise. J’avais toujours peur de le déranger si je lui parlais. Je n’étais jamais rassurée.

Mon corps et mon psychisme étaient attaqués, j’étais en permanence hyper angoissée, hyper vigilante, je n’avais plus vraiment envie de rien. Je me battais pour ne pas déprimer complètement, j’allais voir ma psy mais j’avais l’impression que les mots ne voulaient plus rien dire.
Je m’étais complètement calquée sur son rythme parce que lui ne s’organisait pas à deux, donc je m’organisais à deux toute seule. Je me couchais plus tard pour être avec lui, tout en continuant de me réveiller tôt. Je me suis épuisée.
On était « ensemble » (symboliquement et concrètement) seulement quand il le décidait.

Je me suis sentie pas respectée quand il n’a pas assumé qu’il avait fait de la merde en couchant deux fois avec moi sans préservatif après avoir couché avec d’autres meufs sans capote. Il ne s’est pas plus que ça préoccupé de si j’avais eu une MST (sachant qu’une des deux avait des chlamydia). Je me suis sentie sale, pas respectée.

Quand je couchais avec lui c’était bien sur le moment mais après je me sentais inquiète. Ça me remuait toute la tête. Il faisait des commentaires doubles ensuite comme « c’était bien mais ça on me l’a déjà fait ». Il aimait que je le supplie, alors il faisait mine d’arrêter en plein milieu. Il voulait que je le désire mais pas que je jouisse, que je sois à lui. Il agissait sur moi comme une drogue provoquant de la dépendance affective.

Sur le ton de la rigolade, il me disait des phrases insupportables comme « tu es belle quand tu t’énerves », il disait que j’étais « zinzin », il m’appelait « ma vieille » ou « le diable ». Cela me faisait douter de qui j’étais, du fait que j’avais 30ans et pas 90, que je n’étais pas folle mais en processus de reconstruction et de soin et que je n’étais pas un monstre mais une femme libre.

J’étais tellement angoissée que j’étais tout le temps à la limite de l’accident de voiture. Quand ce n’était pas moi qui me mettais en danger c’est lui, en m’emmenant dans des chemins pas accessibles en voiture, en insistant jusqu’ à ce que je m’embourbe avec mon véhicule ou que je fasse une crise d’angoisse.

J’ai ressenti beaucoup trop d’angoisse en sa présence et sans cesse cela réactivait des flash-back des violences que j’avais vécues par le passé.

Il était facile pour lui de faire un autre récit de l’origine de mon mal-être, puisqu’une part était vraie : je venais de réaliser un viol ancien et cela me créait des problèmes physiques et psychiques. En réalité, il s’est nourri de mon histoire, ne me permettant pas d’en guérir. Il se nourrissait de ma souffrance comme un vampire. Le stress qu’il me provoquait réenclenchait sans cesse mon stress post-traumatique. Mon malheur le rendait terriblement tranquille et je ne compte pas le nombre de fois où je l’ai vu partir souriant de me voir pleurer dans mon lit, de me sentir insécure, fragilisée, en tension, ou en colère.

Le truc notable c’est que quand il n’était pas à la maison et qu’on était séparés, je dormais hyper bien. Je n’avais plus envie de mourir et je pouvais faire des choses avec mes colocataires. J’avais envie à nouveau de faire à manger, de me faire plaisir et de faire plaisir aux autres.

Ce qu’il renvoyait à l’extérieur, son personnage public

Il a réussi à faire croire à notre entourage, y compris nos colocataires, qu’il était un soutien pour moi : par exemple lorsqu’il s’est mis en tête de m’aider alors que je l’avais prié de ne pas le faire, s’est chargé de faire une association pour récolter de l’argent pour ma plainte pour viol, il s’est même placé comme co-président de l’association.
C’est quelqu’un qui sait se placer. Se placer aux bons endroits, se construire un personnage public généreux tout en manipulant son monde.
Par exemple, dans une assemblée, il distribue la parole à tout le monde, même aux personnes invisibles d’habitude, il leur donne une chance (quand bon lui semble) et puis tout à coup, il est capable de ne plus les calculer.

Il avait cette manière aussi de toujours dire « on » à la place de « je », ça donnait l’impression qu’il pensait collectif, mais non, cela lui servait seulement à induire que tout le monde pense comme lui, à emmener tout le monde dans sa direction.

Dans les organisations collectives, il se place partout où il y a de l’argent à gérer. Il prête de l’argent, se place dans les endroits de gestion, se rend indispensable. Il vient aux réunions pour se montrer. Il utilise les combats pour se valoriser.
Rien ne vient des entrailles, du vécu, tout est fabriqué, il ne ressent pas, n’a pas d’empathie. Il aide. Il montre qu’il aide. Il dit qu’il aide. Mais jamais gratuitement, on paye, soit en argent, soit en maltraitance mentale.
De temps en temps il a fait des actions pour renforcer son image. Quand elle a commencé à se déchirer à notre première rupture, il est allé voir une psy ! Deux mois, pas plus ! Évidemment quand il est revenu des premières séances il m’a raconté que ça ne lui servait pas à grand-chose car au fond il n’avait pas de gros problèmes comme moi. Que pendant les séances iels ne parlaient que de mes problèmes à moi, que du coup il allait arrêter : « C’est toi qui ne va pas bien » disait-il.

Il adorait que j’aille chez la psy, car cela justifiait totalement mon mal-être. C’est bien connu, les personnes malades vont chez les psy, les autres sont saines ! Cela l’exonérait de sa responsabilité.

Il a une bonne couverture dans le milieu autonome et féministe. Il se met en couple avec des meufs féministes, presque toujours plus jeunes. Il utilise le vocabulaire féministe et l’écriture inclusive. Il co-organise des évènements qui se targuent de prendre en charge les problèmes d’agression, il met du vernis. Il édite des textes féministes.

Un jour il m’a dit "j’ai toujours eu l’impression d’être le personnage principal d’une fiction dont les autres étaient les figurants". Je crois que j’ai mis du temps avant de comprendre le sens de cette phrase.

La censure et l’isolement au quotidien

Il m’empêchait de chanter fort dans les soirées, il me disait de me taire parce que « je dérangeais tout le monde ». Il faisait des crises, créait des disputes, juste avant ou la veille de mes concerts. Il n’acceptait pas que quelqu’un d’autre que lui puisse être au centre de l’attention.

Il créait des conflits avant les moments en mixité choisie, comme les rencontres des « bombes atomiques », il m’empêchait toujours d’exister complètement.

Il pensait que fumer c’était mal - d’ailleurs il a édité un bouquin en écriture inclusive pour aider à arrêter la cigarette - alors il écrasait mes cigarettes, je devais me cacher pour fumer.

Il provoquait ou alimentait des discussions sur des sujets qui m’angoissaient comme le sexe ou la drogue dans des moments où j’étais présente. Alors souvent je quittais la table et je m’enfermais dans ma chambre pour ne pas entendre.

Il m’interdisait de parler de nos problèmes relationnels à mes colocataires ou aux ami-e-s proches sous prétexte de « ne pas les déranger encore avec ça ».

Il dévalorisait mes amitiés avec mes colocataires, avec mes amies, mes relations avec mes sœurs, avec ma mère. Il le faisait en me disant du mal de mes colocataires, mes amies, mes sœurs et ma mère.

Il ne voulait pas d’une relation exclusive mais il ne supportait pas que j’aie d’autres histoires en son absence, après, à chaque fois, il se vengeait.
Il disait qu’il voulait vivre « l’amour sans l’amour » un truc impossible, en fait, il voulait être aimé sans avoir à aimer.

Quand je parlais sans arrondir les angles et sans censure de nos problèmes relationnels, il me disait que j’étais débile, que je disais n’importe quoi, il criait ou d’un coup se mettait à parler d’autre chose comme si je n’avais rien dit.

Il ne m’a jamais parlé de mon viol alors qu’il prétendait m’aider avec « cette histoire ». Je crois que ça l’amusait, c’était de la matière pour parler, pour se donner une image d’« allié » devant les gens. La vérité c’est que parfois il « restait à la maison avec moi parce que j’allais pas bien », alors il venait 5minutes me regarder pleurer debout à côté de mon lit sans parler et repartait à ses activités. Il constatait : « ça va pas fort », il me gardait. Que j’aille mal lui permettait de mieux me contrôler.

Inversion de culpabilité et victimisation

Je me suis souvent occupée de lui comme si j’étais sa mère. J’étais angoissée de ne pas faire assez attention à lui. J’ai passé énormément de temps à essayer de l’aider avec ses problèmes de sexualité. Je l’ai écouté sur tous ses problèmes existentiels et ses très grands problèmes d’eczéma.

J’avais réussi à obtenir qu’il parte un mois de la maison, pendant le deuxième confinement. Il a organisé des visios pour qu’on se voie quand même. Puis, quand il est revenu, il a dit que c’était un drame d’être loin de la maison. Alors que moi j’avais dû partir peu de temps avant, pendant plusieurs mois, pour être sans lui et ne plus le voir.

Quelques évènements violents vécus avec lui

Un jour nous allons à une soirée à Nancy et nous avons prévu de dormir après chez une amie. La soirée suit son cours et il discute avec son ex (comme il me le présentait c’était fini entre elleux), ça me met en situation de fragilité et de peur qu’il reparte avec elle mais je ne dis rien. Je le laisse vivre ce truc parce que je me dis qu’ils ont besoin de se parler, qu’iels viennent de se séparer, qu’il faut que je laisse de la place. Je me sens, à ce moment là, incapable de venir faire une scène de jalousie, notre situation de « couple » est récente, je veux le laisser libre de ses choix. En plus je me sens coupable par rapport à elle du coup je ne dis rien et j’essaye de ne pas y penser, je chante, très fort, avec une amie, je bois, beaucoup.
Et là il y a ce moment où on n’est plus que tous les trois, où je lui demande « mais alors tu dors avec moi ? » et où il me répond qu’il ne sait pas. Je vais aux toilettes. Quand je ressors, iels viennent de s’embrasser, je dis « alors ? » il dit encore « je ne sais pas ». Là, j’ai les jambes coupées, je réponds « Moi je ne veux pas dormir avec toi » et je pars hyper énervée et triste, je ne comprends pas. Je viens de me faire humilier devant l’homme que j’aime et son ex copine. J’entends mollement un « attends » de sa part mais il ne vient pas me chercher. Il ne vient pas me dire « On a dit qu’on dormait ensemble, on dort ensemble comme on a dit ». C’est un coup de poignard, il va dormir avec elle. La nuit je reste les yeux grands ouverts, je tremble, je pleure, je suis effarée, je ne dors pas. Le lendemain, iels passent la journée avec nous et la bande de copains à Ancrage, tous les deux à se trifouiller, complices, et il vient me voir avec à moitié l’air désolé mais pas franchement. Moi j’ai une pierre à la place du cœur. Un truc hyper lourd. Je fais semblant que ça va à peu près, j’essaye de tenir un truc pour pas m’effondrer comme une merde devant lui. Iels passent la journée ensemble devant mes yeux, la soirée aussi, iels se touchent. Je me demande Comment peut-on faire aussi mal à quelqu’un ? J’essaye de justifier ce qui se passe, de trouver des situations analogues dans ma propre histoire, je me convainc de ne pas être jalouse. Là je suis sidérée. Je me souviens quand je les reconduis après le concert dans la voiture je suis pétrifiée, l’homme dont je suis tombée amoureuse m’a fait ça.
Il ne m’a jamais donné des excuses correctes. Les images de cette soirée et de ce qu’il était capable de faire me sont restées dans la tête toute notre relation et m’ont mise dans un état d’alerte et de contrôle jamais rassasié, jamais rassuré par lui. Les explications qu’il m’a données ensuite ressemblaient à peu près à ça : « Tu chantais très fort avec ta copine c’était hyper énervant et pas respectueux envers mon ex. J’ai voulu prendre soin d’elle » Inversion de culpabilité sur le ton de la colère : « J’ai couché avec elle parce que tu as chanté » qui a complètement fonctionné.
Je ne comprends pas pourquoi, à ce moment là, je ne l’ai pas quitté. J’étais pétrifiée par la violence du geste. Je suis restée avec lui parce que j’étais « amoureuse ».

On était à une soirée, on est là plusieurs jours et il dit qu’il ne faut pas qu’on dorme ensemble dans la voiture, que mon ex qui est présent à la soirée va être triste. Je lui dis que ça n’a pas de sens, de toutes manière la situation d’être au même endroit est triste. Mais s’il préfère qu’on ne dorme pas ensemble, ça me va. Pendant la soirée, il parle avec une meuf. Il me dit qu’il va aller à sa voiture boire un coup d’alcool avec elle. Je suis au bar dans une discussion un peu intense. Je regarde le truc se faire. Je me sens bizarre. Mais bon. Je les rejoins comme 10minutes plus tard, lui est allongé dans le lit de sa voiture, elle assise sur le lit un verre à la main et franchement on dirait qu’ils vont coucher ensemble dans pas longtemps. Il ne lui a pas dit qu’on est en relation exclusive. Je comprends à son regard qu’elle ne sait pas que nous sommes ensemble. J’ai pas envie de faire ma meuf relou mais vraiment j’essaye de faire comprendre que je suis avec lui. Elle finit par s’en aller.
Quand je me suis énervée qu’il ait fait ça, il a rigolé et a dit que lui aurait aimé qu’on couche tous les trois ensemble. Ce à quoi je lui ai répondu que jamais je n’avais eu l’envie de ça. Après il m’a dit que c’était une blague. Plusieurs mois après j’ai revu cette fille et elle s’est excusée car elle ne savait pas qu’on était en couple et ne voulait pas du tout être dans cette situation.

Un jour qu’on faisait l’amour ensemble il m’a dit « Ta Gueule ». J’étais sur lui, je m’étais cognée au toit de son camion et je lui disais ça : « Je me suis cognée » et il a répondu « Ta Gueule ». Ce « Ta Gueule » a résonné pendant des semaines dans ma tête. Un jour je lui en ai reparlé, il a dit que c’était pour rigoler.

Il interférait complètement dans la relation avec une de mes colocataires, créant conflits et inimitiés entre nous deux. J’ai été obligée de rompre l’amitié avec elle pour me débarrasser de lui. Il était jaloux qu’on soit dans un collectif féministe ensemble. Je me souviens un soir, on est allées présenter les Bombes Atomiques à Besançon et il nous a accompagnées. Le lendemain matin, elle nous appelle pour déjeuner, juste à ce moment là, il commence à vouloir coucher avec moi. Comme ça arrive une fois tous les 4mois, je suis un peu émue. L’amie toque à la porte, il dit : « oui » pour l’autoriser à rentrer. Alors on est pour ainsi dire l’un dans l’autre sous la couette, je suis à moitié entrain de pleurer et elle nous pose des questions sur la suite de la journée. Elle s’énerve qu’on soit au lit, qu’on ne vienne pas avec elle et elle part. Je me sens mal à l’aise pour la copine et en fait surtout je me sens hyper mal qu’il l’aie fait entrer dans ce moment là et d’avoir été exhibée sans mon consentement.

Un jour après le premier moment où je l’avais quitté, on s’est retrouvé-e-s à la fête des Semeuses, chez un agriculteur du coin, impliqué dans la lutte à Bure. Il m’avait dit avant cette fête que ça le rendait triste, il y avait deux anciens amants à moi qui allaient être présents à la fête. Je lui ai dit que je ne ferais rien qui pourrait le blesser. Je n’ai pas parlé à ces amis pendant la soirée pour lui faire plaisir. A la fin de cette soirée, j’étais dans les dernières à traîner, je le vois assis dans un coin, il a l’air d’être hyper triste. Je vais le voir. Il dit qu’il voudrait bien qu’on dorme ensemble. Moi je l’avais quitté parce que notre relation ne fonctionnait pas, mais je l’aimais encore. Je lui ai dit oui, mais juste pour dormir, je ne veux pas de sexualité avec toi. Une fois dans le lit de ma voiture, il n’a eu de cesse de venir vers moi. Je lui ai dit « non » plusieurs fois. Après je me souviens, lui sur moi, entrain de « faire l’amour » (sans préservatif). Alors je lui demande (parce que ça fait plusieurs mois qu’on n’est plus ensemble), s’il a eu d’autres relations sexuelles. Il me dit « oui ». Je lui demande s’il a mis des préservatifs. Il me dit « non ». Je lui demande avec combien de personne. Il me dit « une ». Je lui demande s’il l’aime, si c’est une relation qui dure, il me dit « oui ». Là, tout est embrouillé dans ma tête, je me sens pas respectée, je me sens manipulée, je me sens blessée. Je lui dis de sortir de la voiture, je veux tout arrêter. Il reste. Il enrobe son discours. Il finit de « me faire » l’amour. Et ensuite je me sens coupable d’avoir accepté de dormir avec lui.
En écrivant ces mots je me rends compte qu’il s’agit d’une agression sexuelle enfin d’un viol

Pourquoi je suis restée ?

Une des premières réponses sera de dire qu’en partant j’ai perdu beaucoup.

J’étais attirée physiquement par lui. J’étais sous le charme. J’aimais qu’il me mette en valeur en public, malheureusement, c’était surtout pour se mettre en valeur lui.

Il savait appuyer sur les boutons crise d’angoisse de mon psychisme (et à ce moment là il y en avait beaucoup) et après venait me rechercher et faire le sauveur. Cela me donnait l’impression que je ne pouvais pas vivre sans lui, il me disait alors « je suis là », « je te protège », « je n’aime pas te voir pleurer », « je veux que tu ailles bien ». Je recevais des séries de chocs psychiques, ses injonctions paradoxales provoquaient de la sidération, et cela venait renforcer ma dépendance affective.

J’étais dans un processus long de plainte pour viol. J’ai été victime de violences sexuelles par le passé, j’ai déjà activé cet état de déconnexion et d’anesthésie qui me remettait inconsciemment à la place d’objet. Mon cerveau avait normalisé ce type de sensation (la dissociation traumatique) alors j’étais une bonne proie.
J’étais pas dans la meilleure période de ma vie et l’idée d’un déménagement après seulement un an dans cette grande maison où j’avais fourni beaucoup d’énergie me semblait au-dessus de mes forces. Il ne voulait pas quitter la maison. Je ne voulais pas quitter la maison. Je ne pouvais pas être / vivre seule dans ce moment là de ma vie. C’était plus simple de me fondre dans cette histoire d’amour, de me fondre dans son cerveau.

Les premières semaines à aménager notre maison avaient été vraiment gaies. Je me sentais bien dans cette maison (de plus en plus quand il n’était pas là, au fil de la relation), j’avais mis plein d’amour dans le petit jardin de plantes aromatiques devant, les peintures sur les murs, l’entretien des espaces communs.
J’avais une situation économique stable avec le RSA, le travail militant, la vie en collectif et tout ce que ça comporte de solidarité matérielle et financière sur les coups de mains, les courses, le loyer, ... de cette manière, ça tenait de ne pas avoir un travail salarié.

Je suis partie une première fois, ça faisait un an qu’on était ensemble, j’avais pris une bonne partie de mes affaires dans ma voiture et j’étais allée vivre chez une amie en Meuse. Je me suis éloignée, je suis allée voir d’autres amies en France, ça a duré plusieurs mois. Mais j’étais profondément triste et je trouvais ça absolument injuste que ce soit moi qui aie à quitter tout. Ne plus le voir nécessitait de sacrifier tout ce qu’il y avait autour, notamment de ne pas pouvoir aller à des évènements que j’avais organisés, quitter les collectifs qui me tenaient à cœur.

J’avais décidé de rejoindre la Lorraine pour la lutte à Bure en laquelle je croyais fort et pour être près de ma famille, j’avais habité seule pendant 6 mois avant d’emménager dans cette maison et ça me plaisait de vivre en collectif. J’aimais ce que je faisais à Bure, j’aimais mes relations avec les gens à Commercy.

On habitait ensemble, on faisait partie du même collectif de vie et de lutte. Je faisais partie d’un groupe féministe à Bure, les Bombes Atomiques, j’avais l’impression que ça me protégeait. On était forte, on avait impulsé un nouvel élan à la lutte qui était dans une phase d’éclatement intense. Je croyais que j’avais trouvé l’endroit à l’intersection des problématiques qui m’importaient.

Je ne me rendais pas compte que ça me faisait du mal notre relation, j’étais féministe, j’étais forte, au-dessus de tout ça. J’étais prête à lutter contre le patriarcat dans mon couple. Je pensais bien qu’il n’était pas un allié de la lutte féministe, je le pensais juste machiste. Je ne le pensais pas manipulateur. Je ne connaissais pas ce type de personnalité, je ne connaissais pas ces mécanismes. J’ai été prise au piège. Je prenais ça à la légère, comme si c’était une blague, puisque toute cette relation était sur le ton de la blague. Je minimisais.

Après la séparation l’été un an après le début de la relation, je suis revenue à l’hiver dans la maison. Et puis il est revenu me chercher et me dire qu’il m’aimait et qu’il voulait m’aider. Il m’a tannée pour qu’on se remette ensemble, a commencé à aller voir une psy qu’il a vue 4 fois, m’a écrit une lettre d’excuse longue comme le bras suite à laquelle j’ai cédé. Il a ensuite organisé une réunion des colocataires pour dire à tout le monde qu’on se remettait ensemble et que (ce qu’il avait proposé) : « si on se re-sépare on part tous les deux de la maison comme ça c’est équitable »

Dès mon retour à la maison, les idées noires sont revenues. Mon diaphragme s’est remis à palpiter, j’avais mal au niveau du plexus solaire. J’étais de nouveau fatiguée d’un coup. Alors que le moment où je l’avais quitté m’avait donné la force d’entamer mes démarches judiciaires pour un viol ancien.

A chaque fois que je voulais lui dire que c’était fini il me retournait le cerveau, souvent il disait : « le plus dur est derrière nous » « on va recréer de la confiance ». Après ces discussions je retombais dans la dépression et donc dans ses bras parce que je n’avais plus la force de ce qu’impliquait un départ.

Le moment de mon départ

Ce qui le rend fébrile c’est quand la façade qu’il s’est construite se fissure, alors à grands renforts de mails pour faire des réunions collectives pour parler de mon départ, il m’a exclue de ma maison et de la possibilité de revoir un jour des personnes que j’aimais, de leur donner des explications sans qu’il soit présent.

Cet homme a inventé un récit, aux yeux de nos connaissances, je ne sais pas quel est sont récit, j’ai dû partir loin. Pour ne plus l’entendre, ne plus le voir, sortir de l’emprise, retrouver la légèreté qu’il m’avait volée. Il s’agissait pour moi d’un combat pour survivre à cette grande noyade que fut notre histoire.

J’ai arrêté de le voir lui et j’ai dû arrêter de fréquenter des personnes qui le fréquentent encore. Il cherchait à m’atteindre au travers des autres. Je ne voulais pas qu’il connaisse mon adresse.

Ce qui a fini de me mettre au fond du trou

J’ai dû couper tous les liens avec ce prédateur pour me protéger.
La non-prise en charge et prise de conscience par le collectif de cette problématique de l’emprise et des violences psychiques m’a remplie de tristesse.
L’entourage, qui s’est voulu neutre, a fini par être complice en le laissant continuer sa vie comme si de rien n’était et en « acceptant » ou plutôt, fermant les yeux, sur mon départ.
J’ai arrêté d’espérer de voir cet entourage revenir vers moi un jour. L’isolement qui a suivi ce départ précipité et les mises-à-l’écart m’ont blessée douloureusement.

L’impossibilité de poser mon récit dans les oreilles des personnes qui auraient dû être concernées m’a rempli de désespoir de ce milieu militant qui prétend tenter de prendre en charge des questions de soin.

Comment je m’en sors aujourd’hui ?

Je suis, je l’espère, sur la fin d’une longue période de convalescence de cette relation d’emprise. J’ai beaucoup travaillé avec de nouvelles psychologues pour réaliser tout ça, pour vivre malgré l’injustice de ces séparations. Séparations de lui, de ma maison, de mon collectif de vie, du village dans lequel on vivait et de la lutte à Bure.

Je ne participe plus à la lutte anti-nucléaire même si au fond de moi cela me tient à cœur, je me suis éloignée des espaces militants liés à des luttes de territoire et rapprochée de groupes féministes.
Je prends conscience qu’il y a des personnes malveillantes qui profitent de ma générosité et de mon empathie et je tente de m’en préserver.

Au moment où je prends la décision et le temps d’écrire ce texte, je suis assez loin de la Lorraine, à la campagne, c’est paisible. J’ai pris mes distances. Je me sens beaucoup moins fébrile là-bas. Pas peur de le croiser ou de croiser des gens proches de lui, de la Meuse, de Bure (quand ça ressurgit, des douleurs chroniques reviennent, mon dos se bloque immédiatement).
Je sens qu’il est temps de lâcher. Je n’en peux plus d’être triste et en colère. J’ai le droit d’être heureuse, de faire sortir ce qui m’empêche d’avancer, par l’écriture, puisque c’est ma manière. Est venu le temps du calme émotionnel. J’ai droit à un peu de répit, beaucoup d’ami-e-s et beaucoup d’amour.
Je suis depuis peu dans une nouvelle relation amoureuse que l’on construit à deux qui me permet de réaliser ce qu’il m’a fait. En contrepoint. Je redécouvre ce que c’est d’aimer dans un échange mutuel, une réciprocité, des rapports sains et discutés. Mais il m’est toujours assez difficile d’accorder ma confiance.

L’entourage qui m’a aidé, ce sont les vieilles-vieux amies qui me connaissent depuis longtemps. La famille qui me connaît depuis toujours. Les nouvelles amies.
Ce sont elles et eux qui m’ont aidé à retrouver mon identité qu’il tentait de me faire perdre.

J’étais devenue une personne peu fiable et dépressive alors que ma tendance est à la vie et à la tenue de mes engagements.
Ces personnes m’ont aidé et m’aident encore à guérir de cette relation, à refaire confiance à des personnes pas à pas et à suivre mes intuitions…

Écrire est douloureux, réactive les douleurs enfouies.
Mais écrire c’est Re-vivre. C’est revivre les évènements dans sa chair mais c’est aussi vivre-à-nouveau.

Je voudrais remercier la personne qui fait du soutien post-trauma qui m’a soignée et aidée à comprendre l’emprise. Ma psychologue actuelle qui travaille avec les thérapies centrées sur les émotions.
Je remercie tout.e.s mes amix de ma compagnie de théâtre, et ma mère et mes sœurs et mes nièces, et tout.e.s les copines qui m’ont recueillies et qui continuent de venir me voir et de prendre des nouvelles malgré les distances et mon incapacité à me fixer quelque part par manque d’envie de recommencer à mettre de l’énergie dans un lieu et de devoir le quitter, par peur de refaire confiance à des gens...

pour l’instant…


Épilogue

On s’est écrit avec quelques-unes des meufs avec qui il a été en relation, souvent des échanges brefs, pas envie de remuer le couteau dans les plaies, des échanges aussi pour tenter de comparer les versions, partager la violence subie. C’était douloureux mais nécessaire et puis à des moments impossible, trop violent.

On s’est dit comment on s’est senties humiliées et comment il a essayé et parfois réussi à saper la sororité qui aurait pu exister entre-nous.

Comment avec ses mensonges et manipulations il a nuit à notre force, à notre estime de nous-même

On a pu se dire des choses pour rigoler de lui et de nous-même, et pas broyer du noir : qu’il est pas très intelligent. Qu’on a été naïves. Qu’il joue avec ce que la société nous a inoculé. Mais que nous, on se soutient.

Qu’il a été « notre pire cauchemar » mais que le cauchemar est fini, que la colère est devenue inoffensive. Qu’une fois sorties de ce flou dans lequel il nous mettait il a juste l’air d’un tocard.

Qu’on a subi des actes sexuels sans préservatifs de sa part en cédant à son désir dans des situations très délicates de séparation notamment. Qu’il disait les mêmes mots à l’une et à l’autre que c’était pour « fabriquer/recréer de la confiance". Que bien souvent son seul objectif a été que la situation tourne à son avantage/ que ses envies, désirs soient assouvis.

On s’est dit des trucs comme « oui ça ressemble à la scène 4 de l’acte II de Dom Juan ce moment où il relationnait avec nous deux et nous empêchait de nous contacter sous prétexte « qu’on allait se mettre en colère » ».

Que l’une d’elles aurait aimé écrire un truc sur le moment mais pas la force, parce que c’est un exercice trop lourd et puis c’est trop tard, et puis ça lui redonne de l’importance alors qu’il faudrait juste oublier ce minable.

Qu’il prend les gens pour des pions et qu’il joue à un jeu auquel il veut absolument gagner, et qu’il faut juste arrêter de jouer.

Qu’on n’arrive plus à être avec des gens qui le valident et craindre de le croiser.

Ressources

Le décodeur des pervers narcissiques, Hélène Gest-Drouard col. Valérie Guélot
c’est un tout petit livre à 3euros qui explique très rapidement et très bien ce type de personnage.

Tant pis pour l’amour, Sophie Lambda
ça c’est une BD vraiment géniale qui m’a fait penser à mon histoire.

Les sentiments du Prince Charles, Liv Strömquist

Ça me donne envie de te présenter mes excuses. Témoigner des violences verbales et psychologiques qui voguent dans l’intime.
sur les mécanismes d’emprise (sur infokiosques.net).

Une histoire banale de violences conjugales
brochure avec un témoignage très précis sur le mécanisme et le cycle des violences aussi (sur infokiosques.net).

Chansons :

Mansfield.TYA - Tes faiblesses
Patty Pravo - La bambola
Anna Melato - Canzone arrabbiata

P.-S.

BONUS ! Acte II, scène 4, Dom Juan de Molière

MATHURINE, à Dom Juan. Monsieur, que faites-vous donc là avec Charlotte ? Est-ce que vous lui parlez d’amour aussi ?
DOM JUAN, à Mathurine. Non, au contraire, c’est elle qui me témoignait une envie d’être ma femme, et je lui répondais que j’étais engagé à vous.
CHARLOTTE. Qu’est-ce que c’est donc que vous veut Mathurine ?
DOM JUAN, bas à Charlotte. Elle est jalouse de me voir vous parler, et voudrait bien que je l’épousasse ; mais je lui dis que c’est vous que je veux.
MATHURINE. Quoi ? Charlotte…
DOM JUAN, bas à Mathurine. Tout ce que vous lui direz sera inutile ; elle s’est mis cela dans la tête.
CHARLOTTE. Quement donc ! Mathurine…
[...]
DOM JUAN, bas à Mathurine. Ne lui dites rien c’est une folle.
CHARLOTTE. Je pense…
DOM JUAN, bas à Charlotte. Laissez-la là, c’est une extravagante.
MATHURINE. Non, non : il faut que je lui parle.
CHARLOTTE. Je veux voir un peu ses raisons.
MATHURINE. Quoi ?
DOM JUAN, bas à Mathurine. Je gage qu’elle va vous dire que je lui ai promis de l’épouser.
CHARLOTTE. Je…
DOM JUAN, bas à Charlotte. Gageons qu’elle vous soutiendra que je lui ai donné parole de la prendre pour femme.
MATHURINE. Holà ! Charlotte, ça n’est pas bien de courir sur le marché des autres.
CHARLOTTE. Ce n’est pas honnête, Mathurine, d’être jalouse que monsieur me parle.
[...]
MATHURINE. Est-il vrai, monsieur, que vous lui avez donné parole d’être son mari ?
DOM JUAN, bas à Mathurine. Pouvez-vous avoir cette pensée ?
[...]
CHARLOTTE, à Dom Juan. Dites.
MATHURINE, à Dom Juan. Parlez.
DOM JUAN, embarrassé, leur dit à toutes deux. Que voulez-vous que je dise ? Vous soutenez également toutes deux que je vous ai promis de vous prendre pour femmes. Est-ce que chacune de vous ne sait pas ce qui en est, sans qu’il soit nécessaire que je m’explique davantage ? Pourquoi m’obliger là-dessus à des redites ? Celle à qui j’ai promis effectivement n’a-t-elle pas en elle-même de quoi se moquer des discours de l’autre, et doit-elle se mettre en peine, pourvu que j’accomplisse ma promesse ? Tous les discours n’avancent point les choses ; il faut faire et non pas dire, et les effets décident mieux que les paroles. Aussi n’est-ce rien que par là que je vous veux mettre d’accord, et l’on verra, quand je me marierai, laquelle des deux a mon cœur. (Bas à Mathurine.) Laissez-lui croire ce qu’elle voudra. (Bas, à Charlotte.) Laissez-la se flatter dans son imagination. (Bas à Mathurine.) Je vous adore. (Bas, à Charlotte.) Je suis tout à vous. (Bas à Mathurine.) Tous les visages sont laids auprès du vôtre. (Bas, à Charlotte.) On ne peut plus souffrir les autres quand on vous a vue.


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