Cet article est une sorte de réponse à un commentaire de Maltese 26 sur un de mes articles, intitulé « Un état d’insurrection permanente au lieu d’une révolution ».
Il m’a paru intéressant de faire un article sur ces questions, car ce sont des pensées qui reviennent souvent.
Les extraits de son commentaire seront en italique, et en dessous ma contribution ;
Je me moque de faire changer d’avis Maltese 26, ce n’est pas l’objectif, mais peut-être que les personnes ayant déjà un peu déviée de la fiction officielle y trouveront du grain à moudre.
- 1936, les casseurs obtiennent les congés payés
# Mettre en adéquation « on peut estimer que 500000 personnes ont participés aux mouvements des gilets jaunes » et certaines de vos remarques personnelles « émeutes, blocages, manifs sauvages, sabotages clandestins » Et voilà comment on en arrive à ce qu’une minorité certaine de détenir la vérité veuille l’imposer aux autres. Par la violence. Nous sommes 67 millions dont 47 millions de personnes majeurs. Vous imaginez vraiment que l’ensemble du peuple veut la même chose que vous. Des dizaines de millions de gens ? Je fais parti du peuple mais vous n’écoutez pas le peuple. Seulement une petite partie de celui ci. La partie qui pense comme vous. Et en cela vous êtes comme ceux que vous combattez.
Les gilets jaunes étaient, et sont encore, largement soutenus. Plus de 80% au départ, et récemment j’ai vu un sondage qui indiquait encore 46% de soutiens, c’est énorme. Même si ces soutiens n’étaient pas dans la rue, on ne peut pas dire qu’il s’agit d’un petit mouvement marginal, d’une ultra-minorité qui se prend pour plus grosse qu’elle n’est.
Ensuite, une des bases de nos désaccords profonds provient du fait que vous considérez, contre toute évidence (vous êtes encore nombreux dans cette illusion entretenue depuis toujours) que la France est une démocratie malgré ses défauts améliorables, alors que je suis convaincu depuis longtemps que ce n’est pas une démocratie, mais plutôt une « démocrature » (ce qui a encore plus éclaté au grand jour depuis 2017), une oligarchie au service des riches et des lobbies capitalistes, et à présent une sorte de dictature soft grâce au brutal et extrémiste régime Macron.
Pour moi, il n’est pas possible de faire évoluer positivement une démocrature, et encore moins une dictature soft, en utilisant seulement les moyens dits légaux (qui sont d’ailleurs de plus en plus encadrés et inefficients), d’autant que la dite démocrature, ses organes de propagande et ses flics armés, empêcheront de le faire même si les protestataires restent totalement pacifiques et légalistes, ainsi qu’on a pu le constater depuis le règne du tyran Macron et déjà sous les régimes précédents.
- 1789, des casseurs minoritaires prennent la bastille
Autre désaccord profond : votre vision concernant la violence et la non-violence.
Pour vous, toute forme d’actions illégales et de destructions de bien c’est de la violence, et de surcroît de la violence illégitime.
Pour moi, face à une démocrature et à une dictature soft, face au capitalisme totalitaire, les actions illégales et certaines destructions de bien sont légitimes et indispensables pour contribuer à faire advenir des sociétés soutenables, et peuvent même être considérées comme non-violentes, même les sabotages et les casses de biens. (je précise que je ne suis pas pour la lutte armée contrairement à ce que vous laissez croire, et je suis pour éviter au maximum de s’en prendre à des personnes) Ce qui ne veut pas dire qu’il faudrait ne faire que ça. Les actions légales et totalement pacifiques ont aussi leur place et leur légitimité.
Vous reprochez aux rebelles de soit-disant vouloir imposer aux autres parties de la population des transformations sociales et politiques, mais vous ne semblez guère offusqué de toutes les saloperies que le régime anti-démocratique en place et les capitalistes imposent par la force et les contraintes économiques à TOUTE la population française, aux écosystèmes, aux animaux, et aux peuples d’autres pays.
Je suis, comme beaucoup de gilets jaunes et autres rebelles, en état de légitime défense face à une minorité qui imposent ses choix et intérêts. Une minorité nommée par d’autres le « bloc bourgeois ».
Si un assassin vous met en joue avec un flingue, vous allez a priori lui imposer de ne pas vous tuer alors qu’il en a très envie, et s’il le faut par la force.
Le régime Macron, le bloc bourgeois, les ultra-riches et leurs alliés, veulent détruire jusqu’au bout le climat, les animaux, les bases du vivant, et nombre d’humains, c’est à ça qu’ils utilisent leur « liberté » octroyée par leur argent et leur pouvoir. Et malheureusement, vu qu’ils sont sourds (sociopathes, terroristes, extrémistes, cyniques, méprisants) et que le système est de plus en plus verrouillé du fait de l’absence de démocratie réelle, les rebelles sont obligés de recourir parfois à divers moyens illégaux. On peut le déplorer, mais c’est comme ça, sinon c’est se résigner ou s’illusionner dans les seuls moyens légaux qui sont inopérants depuis longtemps.
Donc je n’ai pas de problème de conscience à l’idée d’imposer à des tyrans, à des terroristes étatiques ou capitalistes, et à des massacreurs d’arrêter leurs exactions et de laisser la place à des expérimentations autres.
Quelques références sur cette question :
- Livre : L’échec de la non-violence (de Peter Gelderloos) - pour une diversité de tactiques
- L’idéologie de la non-violence en question
Autre point : comme il n’y a pas de démocratie et que les humains sont très disparates, de surcroît pour l’instant dispersés en de multiples classes sociales et culturelles, pour moi il n’existe pas de peuple ni de citoyens, c’est une fiction. On ne peut pas s’en réclamer. Là dessus je ne suis pas d’accord avec la plupart des gilets jaunes.
Conséquence de tout ça :
Si des gens se révoltent par des actions illégales, voire par des violences contre des flics ou autres, la faute en revient très largement aux oligarchies au pouvoir. Vu qu’elles entraînent les gens dans l’impuissance et la précarité, qu’elles répondent aux manifs pacifiques par la brutalité policière et les mensonges, qu’elles méprisent les gens et leurs revendications, elles sont très largement responsables des émeutes et autres illégalités présentes et à venir.
Comme le disent nombre de commentateurs et sociologues, c’est l’Etat et les flics qui fixent le niveau de violence des manifs et autres protestations.
Non seulement ces minorités oligarchiques imposent par la violence leurs intérêts égoïstes, mais elles violentent et bloquent ceux qui veulent justice et fraternité, et ensuite elles reprochent, comme vous, aux gens de se défendre et d’agir illégalement. C’est le comble de l’hypocrisie.
Si j’étais comme ceux que je combat comme vous dites, je prônerai la lutte armée et la dictature, or je prône la démocratie directe et la désobéissance aux tyrannies.
Cela dit, vu qu’une part conséquente des gens se contente pour l’instant de suivre les « vainqueurs » (le courant qui agit, le plus puissant), on ne peut pas compter sur un véritable consentement de tout le monde. Certains suivraient passivement une éventuelle société locale pluraliste, démocratique et écologiste tout comme ils suivent actuellement une dictature soft ultra-capitaliste. C’est très regrettable, mais il faudrait du temps, toutes sortes d’incitations sociales et d’éducations populaires, et leur volonté de sortir de cette passivité, pour que ça se passe autrement.
Au lieu de se risquer dans des formes de contrainte insidieuses, on peut aussi imaginer qu’il y aurait une phase (qui peut-être durerait très longtemps) où divers modèles de société évolueraient sans se chercher noise.
Comme ça, la part des gens qui veulent continuer, entre eux, la compétition, le capitalisme et la société de consommation pourraient le faire, tant qu’ils ne nuisent pas aux autres sociétés autour.
N’oublions pas qu’actuellement on a un seul modèle, hégémonique, totalitaire, qui empêche par la force et la propagande l’émergence d’autres modèles et s’évertuent à les détruire !
Pas évident à imaginer et pratiquer, ce n’est pas pour autant qu’on doit avoir peur et encenser le modèle totalitaire existant.
S’il y a des personnes qui veulent « imposer », c’est bien les défenseurs et acteurs du modèle actuel.
Ce qui n’empêche pas que parmi les rebelles il puisse aussi exister des partisans d’une nouvelle forme de régime autoritaire, faut pas idéaliser non plus les protestataires.
sur toutes ces questions, voir certains de mes anciens articles à retrouver sur ma page rédacteur pour plus de détails
- Les casseurs sont à l’Elysée !
# Comment croire sincèrement que foutre en l’air le système apportera un mieux aux plus grand nombre. Bien sûr qu’il y a des choses à améliorer. Bien sûr qu’il faut une meilleure répartition des richesses. Bien sûr que l’HOMME doit mieux comprendre et aimer la nature.
Comment croire sincèrement qu’utiliser seulement les armes émoussées fournies par l’adversaire sur son terrain balisé et militarisé permettrait de construire d’autres sociétés ?
Il ne s’agit pas de tout foutre en l’air, mais juste d’arrêter ce qui nous détruit et les écosystèmes avec, pour laisser vraiment la place à ce qui apportera énormément de mieux pour tout le monde, à des expérimentations autres.
D’autre part, dans ce cadre capitaliste et non-démocratique, le réformisme par petits pas, les choses qui s’améliorent petit à petit, sont insuffisants. Le bloc bourgeois bloque tout par la force et veux profiter de ses privilèges jusqu’au bout, le plus longtemps possible. Il ne laisse passer que ce qui sert ses intérêts et/ou est inoffensif (ne change rien, ou juste en surface).
On est donc obligé d’en passer par des phases où on reconsidère tout, pour partir sur d’autres bases.
# Mais c’est un combat mondial et non franco français. La France fait parti des dix pays du monde où l’on vit le mieux. Où la redistribution et le social fonctionne le mieux. Je suis fier d’être français. Mais je suis encore plus fier de faire parti de la famille des êtres humains. De tous les humains. De ceux de tous ces pays qui n’ont pas la chance que nous avons.
La culture de cette civilisation écocidaire et autoritaire a été mondialisée certes, mais on agit là où on se trouve, d’autant que les méfaits des tyrans politiques et des capitalistes sévissent aussi largement en dehors de ce pays (guerres et dictatures soutenues, ventes d’armes, extractivisme, (néo)colonialisme, pollutions, violences envers les exilé.e.s, etc.).
Et ce n’est pas parce qu’ailleurs ça peut être bien pire qu’on doit se contenter de ce qu’on a et fermer nos gueules. D’ailleurs, on devrait plutôt être solidaire des autres peuples et profiter des marges de manoeuvre qui nous restent et de notre relatif confort/richesse pour être encore plus virulent et actif que dans les dictatures dures.
# Et je ne serai jamais d’accord avec quelque minorité que ce soit qui voudrait imposer ses idées par la force. Ce qui ne m’empêche pas de combattre les mauvaises décisions du gouvernement et de m’impliquer syndicalement et associativement. Mais aussi de soutenir celle qui vont dans le bon sens. Sans parti pris et sans vouloir imposer mes idées aux autres si ce n’est par la discussion. Et des actions légales et démocratiques.
Donc vous êtes forcément contre le régime de Macron et ses alliés, qui eux imposent vraiment leurs idées par la force.
Vu qu’on ne vit pas dans une démocratie réelle, et qu’en plus le gouvernement a été élu par des soutiens minoritaires ridicules (7% des personnes en âge de voter ont voté pour le programme de Macron au 2e tour des présidentielles, mais il se considère pourtant comme légitime...), vous conviendrez que ce régime n’a rien de légitime.
Pour le reste, voir plus haut.
- 1789, 20 000 casseurs minoritaires prennent la bastille
# Mes grands parents ont vécus la première guerre mondiale enfants et la seconde adultes. Mes parents ont vécus la deuxième guerre mondiale enfants et mon père a vécu le conflit en Algérie. Lorsqu’ils en parlaient ils en pleuraient d’avoir participés à des destructions et des morts. Et tout le reste de leur vie ils ont œuvrés pour la paix en étant constructifs.
Oui la guerre c’est moche, c’est bien pour ça que je prône des changements radicaux au plus vite, pour tenter de l’éviter. En revanche, les programmes antisociaux et antiécologiques, et l’inflexibilité de ce régime brutal préparent plutôt la guerre, la guerre civile et/ou un nouveau fascisme.
Vous trouverez dans mes articles toutes sortes de propositions constructives, les gilets jaunes en ont également, et elles ne s’adressent pas qu’à une minorité de riches privilégiés.
Pour autant, je pense qu’on a le droit de critiquer et de se révolter même si on a rien de constructif à proposer sur le coup.
# Mes grands parents n’avaient pas le chauffage central, la machine a laver le linge ni la vaisselle, la télévision... Mes parents n’avaient pas l’ordinateur, le smartphone, le sèche linge... Mon grand père a commencé à travailler à 14 ans et à terminé à 70 ans.. Mon père de 20 ans a 65 ans... Jamais le niveau de vie n’a été aussi élevé. Mais tout le monde veut tout.
Là, peut être qu’on est assez d’accord vu que je prône la décroissance et la sobriété, la sortie de la civilisation industrielle, en commençant par arrêter le train de vie criminel des plus riches, qui sont les plus destructeurs et pollueurs.
Ecologie politique ne veut pas dire précarité et inconfort, mais plutôt qualité de vie, diminution drastique du temps de travail, augmentation de la convivialité plutôt que des possessions matérielles, alliances avec le vivant, etc.
A ce propos voir cet article concernant l’écologie : Liberticide, l’écologie ? le vrai débat est ailleurs - L’écologie serait liberticide, selon ses détracteurs. L’auteur de cette tribune, rappelant ce qu’est l’écologie politique, montre que cette critique est un faux débat, qui permet d’éviter de poser la question de la confrontation des modèles de société.
# Il est facile de toujours se plaindre et dire que c’est la faute des autres. Nous sommes tous responsables. Le capitalisme et le productivisme ont bien sûr leur part. Mais chacun d’entre nous participe en achetant.
A ce propos aussi voir cet article : Liberticide, l’écologie ? le vrai débat est ailleurs
Certains sont plus responsable que d’autres. Un Macron qui favorise les fortunés via les impôts ou le CICE, ou un grand patron qui délocalise en Asie pour gagner plus de fric sont bien davantage responsables de la destruction du vivant qu’un SDF !
En revanche je vois une sorte de responsabilité collective de fait dans la soumission volontaire, l’allégeance intériorisée au capitalisme et l’approbation tacite de la civilisation industrielle.
On achète aussi ce que le système industriel nous propose (impose), on est contraint par l’urbanisme, le matraquage publicitaire et la culture occidentale, le marché du travail, les banques, c’est pas évident pour tout le monde de faire autrement alors que les structures matérielles, législatives, médiatiques et scolaires poussent tout le temps tout le monde dans l’aliénation, le capitalisme, le chacun pour sa gueule et la société de consommation...
Mais je serai d’accord pour dire que trop peu de gens s’engagent dans des actions collectives pour améliorer la situation, et beaucoup se contentent trop souvent de moutonner ou de s’occuper de faire leur trou, en maugréant contre les minorités qui se révoltent, ou qui ne se rebellent pas de manière convenable.
- 14 juillet 1789, des casseurs saccagent un monument historique
# Heureusement ce n’est pas le cas du plus grand nombre et j’ai confiance ils ne se laisseront pas faire par les puissants mais pas plus par les tenants d’une sédition violente.
C’est bien d’être optimiste, mais pour l’instant les faits tendent à prouver le contraire. Les puissants n’ont jamais été aussi riches et puissants, et ils n’ont jamais autant flingué en toute impunité le vivant et le climat. Le grand nombre dont vous parlez, la majorité laborieuse et silencieuse ?, continuera à se faire laminer si elle continuer à fermer docilement sa gueule, et si elle se limite à utiliser seulement les élections et les quelques moyens de résistance légaux qui lui restent.
On pourrait certes espérer qu’un jour des millions de français occupent pacifiquement pendant des semaines les rues et fassent grève massivement, ce qui submergerait cette dictature soft sans besoin d’émeutes ni autres petites illégalités qui vous débectent tant, mais hélas vu la docilité ambiante, vu la puissance des merdias et de la propagande scolaire et étatique c’est très peu probable.
L’histoire montre d’ailleurs que ce sont généralement des minorités (plus ou moins larges), celles que vous décriez tant, qui ont permis des impulsions et des évolutions plus fraternelles, et souvent grâce à un joyeux mélange de moyens illégaux et légaux.
C’est pourquoi les rebelles sont légitimes à aussi tenter diverses formes d’insurrections, en sachant bien sûr que leurs chances d’aboutir à des sociétés soutenables et solidaires sont très minces.
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