Tant qu’il n’y aura pas écrit “dictature” en gras et souligné, les artistes, “intellectuels” et autres belles âmes se tairont
… et comme ce ne sera jamais écrit noir sur blanc, ils collaboreront.
Voici un bon article, bien caustique, de Frustration :
A quoi servent les philosophes en France ? A intervenir sur France Inter le matin pour dire que Macron est beau, Macron est grand, tandis que le peuple est vil et inculte. A quoi servent les “artistes engagés” en France ? A se scandaliser pour des causes lointaines et pousser des coups de gueule réguliers contre les manifestants qui perturbent le cour de leurs tournées – quand bien même ils subissent ici la même violence qui, lorsqu’elle a lieu ailleurs, fait l’objet de pétitions enflammées de la part de leur caste. A quoi servent les éditorialistes, journalistes et autres héros de l’Information ? Le plus souvent à cirer les pompes du pouvoir et adopter sans vergogne les axes de la narration du pouvoir : vous voulez parler remise en cause des 35H ? Parlons-en. Nouveau jour férié en moins ? Discutons de ses beaux effets. Vous voulez qu’on traite un incendie accidentel d’une cathédrale avec la même intensité dramatique que pour un attentat terroriste ? C’est parti !
Pourtant, s’il est bien une chose que revendiquent toutes les personnes citées précédemment, c’est leur capacité innée à se “mobiliser contre l’inacceptable”, à “ne pas tolérer l’intolérable”, “dire la vérité face aux tentations autoritaires” : “pas ça pas ça pas ça !”, s’il est bien un engagement proclamé des bourgeois des arts, des lettres et de l’information, c’est la haine du fascisme. Et d’ailleurs, s’ils sont tous tous tous contre le Référendum d’initiative citoyenne, c’est parce que ça permettrait “l’expression de nos pulsions les plus sombres”, et que mieux valent la tempérance de l’Etat de droit, l’éthique parlementaire, la grandeur présidentielle que les bas instincts de “madame michu” ou “jojo le gilet jaune” qui ne rêvent que d’abolition de la peine de mort, de général de Villiers au pouvoir et de “La FiN de lA LibErté d’ExprEssiOn”.
Mais là visiblement, on n’y est pas du tout. Notre police est la seule d’Europe à balancer des grenades explosives sur la gueule de gens, elle a tous les droits, rien de l’atteint, ça gaze (“oh non n’utilisez pas ce terme !!” dit le bourgeois), ça arrose, ça étrangle, ça charge de cavalerie, ça blinde, ça arrête préventivement (“parce qu’on ne sait jamais !”), ça humilie en garde à vue, ça matraque en tout sens et tout ce beau monde s’en branle littéralement. Du moment qu’on les laisse faire leurs pièces de théâtre sur l’horreur du nazisme, la faim dans le monde et les bienfaits de la démocratie, et qu’on les laisse vivre leur pseudo vie de rebelle en pâte de bourgeois, leur foutus coup de gueule post-soixante-huitards à la con, leur ptite collecte de fond pour la bonne cause de temps en temps, ces gens s’en foutent totalement.
Et ils ne se sentent pas en contradiction du tout, pensez-vous ! Samedi deux journalistes ont été arrêtés sous leurs yeux, l’un – Gaspard Glanz – ayant consacré des années à dénoncer l’impunité dont jouit la police vis-à-vis des migrants, des manifestants, c’est aussi lui qui a contribué à montrer la tronche de Benalla grimé en flic, quand toutes les rédactions “doutaient” encore du scoop. Tout ça se passe sur leur chère ô combien précieuse place de la République – n’y a-t-on pas entendu des discours enflammé sur la liberté d’expression à préserver face à la barbarie ? Mais la barbarie c’est les musulmans, pas Castaner pensez-vous – eh bien ça n’a pas l’air de les perturber plus que ça.
Car le beau monde médiatique a trouvé mieux à faire : mettre au cœur de l’analyse médiatique de la journée un slogan de manif – “suicidez-vous” – lancé par quelques manifestants à quelques policiers, le JT de France 2 allant même jusqu’à parler aussi du slogan “tout le monde déteste la police” comme d’un fait particulièrement récent, inquiétant et scandaleux. Alors que ce slogan n’est ni récent, donc ni spécialement inquiétant, et scandaleux ? La dernière fois que l’auteur de cet article s’est fait arrêté, pour un contrôle d’identité, lors d’une manifestation, les “gardiens de la paix” lui ont dit “avance fils de pute, sale gauchiste, pédale”. Est-ce qu’il en a fait un article ? Non. Car l’insulte des flics vers les civils est suffisamment courante est instituée pour que ça soit devenu la norme, ce qui ne choque pas le bourgeois médiatique qui en revanche s’offusque que des manifestants osent à leur tour dire des méchancetés. Alors qu’ils savent bien comment les flics parlent aux gens, ils refusent toute réciprocité : “subissez en silence les gueux” est le slogan pas récent de la bourgeoisie médiatique.
L’avantage des dictatures, pour les bourgeois, les philosophes, les journalistes, et tout ceux qui savent manier les codes littéraires de l’hypocrisie, c’est qu’elles ne se définissent jamais comme telle. Tout régime autoritaire tente de sauver les apparences. De telle sorte que les bourgeois, qui l’ont activement souhaité (car il est temps de faire “les réformes nécessaires” et ces troubles hebdomadaires ont assez duré, merde !), peuvent dormir tranquille : jamais Macron et ses troupes n’agiront pour d’autres motifs proclamés que la foutue devise qu’ils salissent chaque jour en l’écrabouillant par la sainte alliance des bottes et des souliers vernis. On pourrait se consoler en se disant que l’Histoire leur donnera tort, mais en attendant ce n’est pas eux que l’Histoire piétine, éborgne et tabasse. Et ces gens ont tant appris à être sûr de leur vertu et de leur bonté d’âme et de la bêtise et de l’immaturité du peuple : on pourrait leur cracher dessus qu’ils utiliseraient notre bile pour faire briller leurs pompes.
Réfléchissons bien à ce que peuvent être des structures médiatiques, intellectuelles et artistiques qui sont autres choses que des béquilles morales de la caste au pouvoir. Il en existe déjà, mais il va falloir passer à la vitesse supérieure car le temps presse.