Grève générale dès le 5 décembre, comprendre et réinventer la grève,

Le 5 décembre 2019, tentons tout et réinventons la grève. En attendant le blocage

lundi 25 novembre 2019, par Auteurs divers.

🔴 GRÈVE GÉNÉRALE : COMPRENDRE ETINVENTER LA GRÈVE

(Par Lille Insurgée)

Le 5 décembre nous promet d’être le début d’un moment intense de mobilisation aux formes et aux acteur.rice.s multiples. En ce lieu, nous avons jugé utile de revenir sur un mode historique de mobilisation : la grève. Le mouvement des Gilets Jaunes nous a montré la force des formes qui sortent des sentiers battus dirigés largement par les instances syndicales. Pourtant, ce mode d’action n’est pas et n’a pas à être lié aux syndicats seuls, et le comprendre peut permettre de se le réapproprier, de le démocratiser.

🔸 Un peu d’histoire 🔸

Le droit de grève commence en 1864 avec une loi qui autorise la concertation précédent une cessation du travail, et encadre donc ce mode d’action et de revendication par le droit du travail. Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de grèves auparavant, elles étaient simplement soit spontanées, soit illégales #RévolutionDe1848.
Encadrer le droit de grève c’est aussi le maîtriser. La loi est un outil du gouvernement pour nous limiter dans nos actions, et ce procédé se poursuit encore de nos jours.

Quelques grèves historiques :
› 1936 : occupations d’usines suite à la victoire du Front Populaire (congés payés, semaine de 40 heures, conventions collectives...)
› 1968 : grève générale pour l’amélioration des conditions de vie, jusqu’à 9M de personnes
› 1986 : étudiant.e.s contre la loi Devacquet
› 1995 : contre le plan Juppé (réforme de la Sécu)
› 2006 : contre le Contrat Première Embauche précarisant l’accès au travail des jeunes
› 2016 : contre la Loi « Travaille ! »

🔸 Qui peut faire grève ? 🔸

La grève est une cessation collective concertée du travail par des employé.e.s avec des revendications. Qu’est-ce que ça implique ? Qu’il faut être au moins deux personnes (d’où l’idée qu’il y a concertation), et d’annoncer à son employeur.se pourquoi on cesse de travailler (revendications). C’est tout : tout.e travailleur.se peut faire grève.

Que faire si je suis le ou la seul.e employé.e de mon entreprise / association / service (et donc qu’il ne peut y avoir « concertation ») ? Les appels à grèves générales (concernant tous les secteurs) peuvent servir de base pour rejoindre un mouvement de grève. Ainsi si on veut faire grève en solo, c’est tout à fait possible tant qu’on transmet à son employeur.se le mot d’ordre national. Les syndicats servent aussi à ça. Utiliser les préavis de grèves syndicaux peut permettre de s’assurer légalement quand on est seul.e. Mais en soit, tout le monde peut faire grève.

🔸 Les conséquences directes de la grève 🔸

L’employeur.se doit-il tout de même payer le ou la gréviste ? Non, mais il y a deux cas de figure : dans le privé (entreprises, associations), une retenue sur salaire sera effectuée en fonction du nombre d’heures passées sans travailler (strictement). Dans la fonction publique la grève est tout autant légale mais la retenue s’applique à la journée. Si une seule heure sans travailler est effectuée, un trentième du salaire mensuel sera quand même retenu. Bref si un fonctionnaire décide de faire grève, c’est pour toute la journée !
Dans tous les cas, un.e employé.e ne peut être mise à pied pour avoir fait la grève.

La grève est aussi un rapport de force : avec l’employeur.se dans le cas de grèves sectorielles qui risque de perdre sa productivité et donc de gagner moins de sous, mais aussi avec l’employé.e qui met en jeu son propre salaire. Note : l’employeur perd toujours plus que les grévistes, parce qu’on produit très souvent beaucoup plus que ce qu’on gagne. Dans le cas des grèves générales, les retombées économiques concernent tout le pays, c’est donc un bras de fer avec l’État. D’où la pertinence de faire grève, si on en a les moyens, pour marquer son désaccord avec des mesures gouvernementales. Faire grève, ça fait chier car c’est le fonctionnement même, ou le sens, d’une institution, privée ou publique, qui est ainsi touché.

🔸 Les conséquences indirectes 🔸

Un risque dans la grève est d’être mal vu.e par son employeur.se, à l’annonce de la participation ou à la suite de la grève. Il est illégal pour l’employeur.se de :
- réprimer de quelque manière que ce soit un.e gréviste
- acheter les non-grévistes ou les récompenser spécifiquement de ne pas participer à la grève
Cependant, ces petits malins peuvent profiter de leur position de force pour utiliser des vides juridiques : monter les employé.e.s les un.e.s contre les autres (« tu vas devoir travailler plus à cause de ce.tte fénéant.e »), mettre des pressions psychologiques sur les grévistes, etc.
Pour ça il faut : être uni.e.s et solidaires. Montrer que vos revendications sont légitimes, que la grève est aussi un moment d’organisation de la vie et de construction de la solidarité. Et dans le cas de petites entreprises, c’est tout aussi légitime. Et, bon, si le ou la patron.ne n’est pas un.e bourgeois.e, il faut lui faire comprendre que c’est plutôt dans son intérêt aussi de se mobiliser...
Si l’employeur.se menace de licencier, c’est illégal. Vous pouvez même porter plainte pour entrave au droit de grève, mais il faut avoir des éléments tangibles comme des lettres de menaces ou des témoignages solides. Mieux vaut se concentrer sur ce qui nous amène (les revendications) tant qu’on ne se fait pas emmerder !

🔸 Les armes des patron.ne.s 🔸

I/ La loi. Il y a trois choses qui sont interdites pendant une grève : la séquestration de l’employeur.se, l’occupation de l’espace de travail et le piquet de grève hermétique (en gros, le blocage de l’entrée par un attroupement). Bon. Si ça a lieu, l’employeur.se cherchera des responsables pour les sanctionner et le licenciement fait alors partie de sa palette de réponses. La participation à des méthodes interdites soumet l’employé.e à de potentielles sanctions. Il faut donc faire attention ! #Décathlon

II/ L’argent. Pour ne pas perdre de thunes, l’employeur.se, en fonction du secteur d’activité, de la taille et des capacités financières de l’entreprise, peut chercher à atténuer l’effet de la grève. Sous-traitance (via l’intérim, par exemple) pour remplacer les grévistes, heures sup’ pour les non-grévistes, prime d’assiduité appliquée en amont qui ne sera donc pas versée aux grévistes...

III/ Les pressions psychologiques que nous évoquons plus haut, même si elles sont illicites.

🔸 La grève étudiante ? 🔸

En théorie, la grève étudiante n’existe pas car les étudiant.e.s ne sont pas considéré.e.s comme des salarié.e.s. Cependant, nous faisons partie de celles et ceux qui considèrent qu’étudier est aussi un travail qui se prête notamment à la cessation.
Attention : là aussi l’administration possède quelques atouts dans sa manche. Les profs qui n’aiment pas voir des gens absents peuvent révéler l’absence d’un.e étudiant.e, c’est chiant. Pour les étudiant.e.s boursier.e.s, le fait de ne pas être assidu.e peut provoquer une perte des droits aux bourses. Cette surveillance à la sauce méritocratique a un effet de précarisation des étudiant.e.s parmi les plus précaires, déjà. Pour cela, il peut être bien de discuter avec les enseignant.e.s pour savoir leur position sur la grève. S’il y a des récalcitrant.e.s, des débrayages d’amphis (pendant les cours) peuvent permettre à certain.e.s de sortir en y étant invité.e.s et de passer outre une sanction du ou de la prof. Arriver à 50 dans un amphi, essayer de convaincre la promotion, lancer des débats, ça fait toujours son effet. Très rares sont les cas où des étudiant.e.s ont eu des sanctions disciplinaires pour avoir participé à une « grève » étudiante.

Le 5 décembre 2019, tentons tout et réinventons la grève. En attendant le blocage

🔸 Le cas des Gilets Jaunes 🔸

Faire la grève, c’est faire le pas d’une privation importante : celle d’une fraction de son salaire. Les jours sont souvent rudes en temps de grève, c’est pourquoi il peut être bien de mettre en place des caisses de grève. Ces caisses de solidarité donnent la possibilité à celles et ceux qui n’ont pas les moyens de faire grève de soutenir les grévistes ainsi privé.e.s de salaires, mais aussi à celles et ceux qui se sentent concerné.e.s par les revendications que portent la grève sans faire partie du corps professionnel concerné. Une caisse de grève trouve aussi son sens dans une mobilisation étudiante pour soutenir les boursier.e.s menacé.e.s de perdre leurs droits.

Le mouvement des Gilets Jaunes nous a montré une forme de mobilisation qui se concentre principalement sur les fins de journées ou de semaines. Les travailleur.se.s révèlent ainsi une rude réalité : une partie d’entre elles et eux n’est tout bonnement pas capable de faire grève sans mettre en danger sa propre subsistance. Plutôt que d’abandonner un salaire, on abandonne ses week-end, ses soirées. On entre dans une lutte qui n’est pas au travail mais à côté. Celle-ci est tout aussi valable. « Le but est d’arrêter de bouffer du riz et du maïs à la fin du mois » nous disait-on au détour d’une manif en mars dernier.

Dans ce contexte, l’appel à la grève des syndicats de février 2019 n’a rien donné. Mais cela voudra-t-il dire que les Gilets ne peuvent pas agir par le mode d’action de la grève ? Ce texte cherche à donner quelques pistes aux travailleur.se.s et étudiant.e.s, lever les voiles des incertitudes, pour mieux comprendre comment se réapproprier ce vieil outil.

🔸 La grève ? Et quoi d’autre ? 🔸

Comment agir dans mon entreprise si je ne me sens pas capable de faire grève ?
Soutenir les grévistes, informer ses collègues, participer aux caisses, organiser des cantines, participer aux débrayages sur son temps libre, ce sont les éléments d’une première étape.
Ensuite, il est aussi possible de choisir volontairement de ralentir la cadence de travail, de refuser les injonctions des supérieurs hiérarchiques, ou au contraire d’appliquer à outrance les prescriptions sécuritaires des employeur.se.s, ce qui limite la productivité qu’ils chérissent, sans que vous soyez officiellement dans une « cessation » de travail. Il est possible de se mettre en grève de manière ponctuelle et perlée, pendant une heure seulement, à plusieurs moments de la journée. L’organisation pour l’employeur.se devient un vrai casse-tête, et on ne perd pas des cents et des milles.

Les modes opératoires sont aussi à réinventer. Les mouvements récents nous ont prouvé que rien n’était figé. Revenons aux bases quand c’est nécessaire, bricolons nos moyens d’action si possible, construisons les contextes propices à notre émancipation collective. Des patrons, du travail, de Macron, des riches.

Le 5 décembre, tentons tout et réinventons la grève. En attendant le blocage.


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