Gilet jaune Crest : 1er anniversaire déterminé

chants et rapport de forces

dimanche 17 novembre 2019, par Etienne.

Le soleil, probablement au courant de l’état de la France, avait préféré des teintes blafardes pour ce premier anniversaire des Gilets jaunes au rond-point de Crest. Mais de vibrants drapeaux jaunes, des gilets nombreux, quelques braséros, des victuailles, sous un auvent bleu bienvenu pour abriter le festin de la pluie, ont crée la surprise : les indignés sont toujours mobilisés. Difficile de donner un chiffre : on allait, venait, partait, revenait : 270 personnes peut-être ont fêté l’anniversaire .

Beaucoup de coups de klaxon sympathiques. Deux trois tours de rond-point en cortège détonnant de jaune. La gendarmerie (flashage des plaques minéralogiques ; trois voitures, une dizaine d’hommes et de femmes) vient discuter. (Le renard a pu d’ailleurs à un moment tenté de se faire une proie). Quelques chants plein de décision posèrent le rapport de force. C’est l’autre constat de l’évènement : la détermination s’affirme. Franches explications.

le Pandore ébranlé

Les échanges ont ceci d’utile qu’on ne peut éviter de livrer à l’autre des informations. Il ne le dit pas directement, mais le Pandore de base semble pris de doute, ébranlé. Sa situation matérielle ne diffère guère du reste des fonctionnaires (mais pas d’heures sup, de rattrapage).

Les Gilets jaunes lui reprochent de ne pas défendre la devise nationale, d’être complices d’un pouvoir agissant contre la volonté des gens. Les gendarmes répondent qu’ils ne voudraient pas qu’un gilet jaune soit percuté par un automobiliste pris de rage, comme ils en ont vu des exemples.

De quel droit ?

Mais alors pourquoi exiger de démonter l’auvent bleu des victuailles ? Quel danger ? Qu’il s’envole et aveugle une voiture ? Pas un souffle de vent, la bonace. Pourquoi menacer une Gilet jaune tendant des tracts aux automobilistes ? Interdiction de distribuer, dit la grosse berline un peu cabossée des gendarmes. De quel droit ?
Ce même jour, à Paris, des Gilets jaunes se voyaient confisquer des gilets et des masques à gaz au prétexte qu’ils constitueraient des armes par destination. L’avocat Arié Alimi cingle en retour que la Préfecture de Police ferait bien de réviser ses cours de droit.

Ces confiscations, insiste Me Alimi, constituent un vol en réunion par personne détentrice de l’autorité. [1] Il engage les victimes à porter plainte (pas à la gendarmerie ou au commissariat : auprès du plus proche tribunal).

Stratégie de la violence

Au rond-pont de Saillans, le jour précédent, s’est tenue une discussion musclée :
« A Notre Dame des Landes, on a retrouvé des caisses d’armes qui nous étaient destinées. On voulait nous tuer ! Vous vous rendez compte ? » s’indigne un gendarme gradé.
« Mais on venait les déloger par la force, pour construire un aéroport : il fallait bien qu’ils se défendent ! », répond la Gilet jaune.
Une vidéo : une manifestante invective un jeune CRS. Celui-ci, la fixant sans répondre, soulève lentement sa visière : on voit imprimé sur son front l’angle d’un pavé.
Ou encore le témoignage d’Alexandre Langlois, secrétaire général du syndicat de police VIGI : une nasse, tendue par le Ministère de l’intérieur, sur une place de Paris. A chaque issue, une compagnie de CRS. On leur ordonne de dégager la place, plein de manifestants. Elles ignorent que la place est entièrement assiégée, que les gens n’ont pas d’issue pour fuir.
Quel meilleur moyen que d’exciter la haine entre les parties que susciter la violence ? LBD contre pavé.

Piétaille bleue contre populace jaune

D’une certaine manière ce qui se passe à Hong Kong et sur les rond-points se ressemble. Comme se ressemblent les sociétés que nous dessinent Macron ou Xi Jin Ping (le président chinois) : dictatures techno-démocratiques (libérales ou populaires). Il ne faut pas faire d’illusion : une oligarchie aux abois ira jusqu’au bout. Elle jouera la stratégie du pire, celle du chaos et de la violence.

Voilà le piège tendu devant la piétaille des forces de l’ordre et la populace jaune, dont les intérêts pourtant se ressemblent. Susciter la haine personnelle, dans la rencontre physique, entre le soldat de l’ordre et le citoyen contestataire. Qu’ils se haïssent. Qu’on les utilise pour dresser l’une contre l’autre la « bonne » partie de la population contre la « mauvaise ». Pour que rien ne change. Une recette pour l’explosion !

La pente est savonneuse : de l’interdiction de distribution d’un tract à la confiscation de gilets-armes –par-destination, juste une question de degré. Et de contexte. Une étincelle peut enflammer la prairie. Si les forces de l’ordre admettent d’appliquer des ordres illégaux, elles perdront toute la confiance de la population. Leur situation localement – on est toujours le local de quelque part – deviendra intenable.

Les militaires n’ont pas fait le serment devant le gouvernement, mais devant la République : ils ont juré d’en respecter les lois et les faire appliquer. Si un gouvernement, ou une autorité en émanant, leur ordonne de violer les lois de la République et qu’ils obéissent à des ordres illégaux, ils deviennent délinquants et parjures.

Tout se passe bien à Crest jusqu’ici.

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Notes

[1Selon l’article 132-75 du Code pénal en effet, une « arme » est définie comme "tout objet conçu pour tuer ou blesser. Tout autre objet susceptible de présenter un danger pour les personnes est assimilé à une arme dès lors qu’il est utilisé pour tuer, blesser ou menacer ou qu’il est destiné, par celui qui en est porteur, à tuer, blesser ou menacer.


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