Que fait un homme d’Etat sur le point de prononcer un discours important en réponse à une énorme et persistante contestation sociale qui apprend en direct que Notre Dame est en flammes ? Devant l’urgence, s’éclipse-t-il sans un mot ? Non : face à la nation, yeux dans les yeux, l’homme, la femme d’Etat auront au moins expliqué qu’il donnait a date nouveau rendez-vous à la nation. Car c’était un rendez-vous.
A la place ? Déclaration reportée sine die, « en temps voulu ». Cela frise la goujaterie envers la nation. Que fait Emmanuel, l’homme sans enfants, l’homme qui ignore la contestation intime et radicale des gosses ? Sa priorité est désormais la reconstruction de Notre Dame, nous apprennent les médias – le conseil des ministres y sera entièrement consacré - médias qui comme des poissons ont la mémoire si courte qu’ils ont oublié qu’hier il n’y avait pas d’incendie de cathédrale, mais un incendie social et politique bien plus central, bien plus important, dont les flammes héraldiques de Notre Dame ne sont qu’un épisode.
Vents, fumées, incendie
Stupidité des médias, complicité ? Un peu des deux probablement. Illusion de M. Macron et ses spin doctors [1] que le peuple est stupide, lunatique, capricieux : demain Notre Dame aura fait oublier les Gilets jaunes. E. Macron, ses conseils, son entourage confondent politique spectacle et politique réelle, celle que les gilets jaunes les somment de produire. Qu’ont-t-il produit en réponse ? Du vent, de la fumée, un incendie, rien ! Le discours n’ pas été prononcé mais il y a eu des fuites : la « mesure forte » (dixit les medias) serait la suppression de l’ENA et le RIC local. Des miettes. Qu’a fait E. Macron devant l’incendie ? Il est parti en catimini, la queue basse.
E. Macron croit-il qu’en esquivant, il en est quitte avec les Français ? Ne voit-il pas qu’il a perdu une grande partie de sa crédibilité en préférant Notre Dame et le court terme de sa reconstruction, à l’essentiel, le long terme, le bien-être et la concorde politique ? Notre Dame ne pourra renaître dans un pays divisé, avec l’argent des riches – l’argent ne manque donc pas puisqu’il afflue pour rebâtir des pierres- l’argent ? L’argent : la sueur, la peine et les larmes des pauvres.
Démocratie et médiocrité
Montrant qu’il est impolitique au point de confondre essentiel et accessoire, incendie et unité de la nation, le Président se décrédibilise. L’opinion comprend qu’il n’a pas la taille : pas la taille de sa casquette, pas la taille des défis devant lui : nouveau contrat social, nouveau contrat naturel.
Devant l’obstacle, Emmanuel Macron, l’opportuniste creux, renâcle. Il fuit. Il se montre lâche. Or, il est aussi le chef des armées. Un chef des armées peut-il être lâche au point de refuser de confronter son peuple, dont il est le chef et le délégué ? Peut-on faire confiance à un chef qui se débine ?
Voilà ce que les gens et l’histoire retiendront de ce monde terminal et de son souverain démocratique, produit d’une mécanique de reproduction des élites fondée sur le scrutin électif : médiocrité, pleutrerie, absence de vision, dans un étrange parallèle avec Louis XVI.
Il faut écouter attentivement, intensément la voix d’Emmanuel Macron, ses inflexions, intonations…S’il séduit dans les débats, c’est en usant d’astuces rhétoriques de jésuite ou d’énarque. Mais où sont dans tout cela la conviction, l’inventivité, le charisme fondement de l’autorité acceptée ?
Emmanuel Macron, voyez-bien, écoutez-bien (avec/sans l’image ou le son, exercice intéressant), n’a jamais un accent de réelle conviction, de sincérité sans filtre. M. Macron récite ou truque. Mais difficile de lui attribuer des enthousiasmes, à l’exception d’une unique fois où sa voix s’égosille et déraille. Il parut ridicule. On écoute son allocution populiste du 16 avril, lendemain de l’incendie et du discours avorté, avec gêne, peine, presque pitié : un acteur usé qui se ment à lui-même.
François Mitterrand estimait qu’après lui « Il n’y aurait plus de grand président ». Il avait raison, sauf de s’exclure du compte. Comment la démocratie élective peut-elle produire à répétition des présidents aussi médiocres que Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande, et maintenant Emmanuel Macron, ou aux USA, la suite Nixon, Reagan, Bush 2, Trump ? On parle de crise de la démocratie. Il s’agit plutôt d’une crise inverse : une démocratie confisquée par son moyen, le vote !
Emmanuel Macron vit dans la terrible crainte de déclencher une révolution. Cette crainte le paralyse, car il ne sait pas agir au sens politique. Il n’a le soutien, au surplus, d’aucune vision. Il ne sait où aller, encore moins où diriger.
Tellement d’erreurs ; tellement d’aveuglement ; tellement d’isolement. Emmanuel Macron et son monde filent un mauvais coton
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