Récit d’une journée à la ZAD de la Cal’Arbre le Mercredi 06 Mars 2024.

samedi 30 mars 2024, par Selva.

Témoignage d’une personne se rendant régulièrement à la Crèm’Arbre

Avec les copaines de l’Aveyron, depuis le début de la lutte contre l’A69, on multiplie les aller-retours pour participer aux grosses manifs coorganisées par la Voie est Libre, les SLT, XR Toulouse , la conf’…
On y va encore plus souvent depuis la création de la Crèm’arbre en Novembre 2023, certain.e.s arrivent à rester jusqu’à 10 jours, perso j’y vais pour la journée ou 2 jours max, à chaque fois on blinde les voitures et camions de matériaux, couvertures, nourriture…
Notre dernier passage dans le coin avait eu lieu le week-end du 18 Février, au Bacamp, un terrain privé qui avait servi de repli aux Zadistes après l’expulsion de la Crèm’arbre 3 jours plus tôt et qui se situe à environ un km de celle-ci. Ce jour la, une déambulation est prévu pour aller du Bacamp à la Crèm’arbre avec l’idée de ravitailler les écureuil.les qui se retrouvent assiégé.e.s et harcelé.e.s depuis trois jours dans les arbres par les FDO sans eau ni nourriture. Nous sommes environ deux cent à nous élancer pacifiquement avec famille, enfants et orchestre de fortune mais nous ne pourrons jamais atteindre notre but car une pluie de grenade lacrymogène et assourdissante nous tombe dessus…
2 jours après notre passage, nous avons su par le fil info de la ZAD la création de la Cal’arbre le 20 Février, cette nouvelle nous réjouit car les exactions policières en cours à la Crèm’arbre sont effroyables, les fausses infos relayées par les médias complices et les campagnes de dénigrement des politiques locales corrompues finissent de ternir le tableau. Nous n’avions plus beaucoup d’espoir quand à la continuité de ce mouvement malgré la venue du rapporteur de l’ONU.

Et on reparle de tous cela à une grosse fête le samedi 2 mars, certain.e.s sont chaud.e.s pour y retourner, on vise le mercredi 6 Mars car la ZAD organise sa journée des voisin.nes, c’est très flou, on sais pas encore qui va y aller, combien de temps mais ça s’organise…
Finalement on part tout.e.s le mercredi, 3 camions, 3 personnes par camion, les coffres remplis de palettes et de nourriture, quelques outils. Dans mon équipe, on a prévu de rentrer le soir même, les autres ne savent pas vraiment, iels resteront au moins 2 jours et peut-être plus.
Nous arrivons les premier.e.s en fin de matinée, les Zadistes ont matérialisés l’entrée par un joli portique en bois, il fait beau aujourd’hui mais c’est exceptionnel car ça fait maintenant plusieurs mois qu’il pleut très souvent, le sol de la ZAD est un champ de boue, on constate tout de suite que les conditions de vie sont extrêmement dures. Une fois le portique passé, il y a sur la gauche une zone pour stoker les matériaux, en face une grande cabane ronde : l’agora avec un kiosque accueil/infos et sur la droite la cuisine qui a un sol en palettes mais vu les conditions, les palettes sont elles aussi recouvertes d’une couche de boue !
Nous décidons de vider les palettes du camion, une chaîne humaine se met naturellement en place, au fur et à mesure que nous faisons des pilles dans le coin matériaux, les zadistes se servent trop content.e.s de pouvoir construire de nouveaux, iels ne leur restaient en stock que des bambous et quelques planches.

Une fois le camion vidé, surprise, A. est la, c’est une copine de chez nous, elle nous explique qu’elle est arrivée la veille de l’ouverture de la Cal’arbre,
Nous avons donc droit à la visite de la proprio, nous faisons le tour des différentes constructions au sol et dans les arbres, pour savoir de quoi iels parlent, les zadistes ont donné des noms aux cabanes ainsi qu’aux arbres. Au sol, en plus de la cuisine et de l’agora, il y a une cabane médic, un freeshop, un atelier, des toilettes et des tentes un peu partout aux alentours.

J’ai compté des cabanes dans 7 arbres, ici se sont des chênes magnifiques avec des troncs énormes, certaines cabanes sont sur plusieurs niveaux et peuvent accueillir plusieurs personnes, une des cabane est compétemment suspendue dans le vide entre deux chênes. Comme à la Crèm’arbre, certaines sont reliées par des câbles pour aller de l’une à l’autre sans passer par le sol.
A. nous explique qu’iels sont arrivé.e.s à une quinzaine de personnes, que parmi ell.eux, aucun.e.s n’avaient jamais construit de cabanes même gamin.e.s.
Iels ont donc construit la première cabane et dormis dedans tout.e.s ensembles par terre sur de la paille, aujourd’hui c’est la cabane médic. 15 jours après, c’est un petit village qui existe, le tout construit sans argent à base de récup’ et solidarité, c’est incroyable !
On comprend bien que cette expérience l’a bouleversée, c’est un mélange de beauté et de dureté, elle nous raconte les conditions de vie, être mouillée tout le temps, ne jamais pouvoir faire sécher les affaires, dormir très peu par manque de confort et à cause de l’humidité, tout.e.s les habitant.e.s venaient de subir une épidémie dû d’après elle aux conditions et manque d’hygiène.
Mais ce qu’elle retiendra le plus, c’est de pouvoir créer tout cela à partir de rien, qu’il n’y a aucune différence entre les habitant.e.s et que tout le monde peut prendre part à l’aventure suivant ces envies et compétences. Certain.e.s ne font rien, d’autres beaucoup sans qu’aucun jugement ne soit porté la dessus. Après 15 jours passé ici, A. est à la fois exaltée et exténuée et a prévue de rentrer en train ou bus le jour même, on lui propose naturellement de rentrer avec nous.

Le reste de l’équipe Aveyronnaise arrive vers 13h, on vide leurs camions et on entreprend de fabriquer un chemin pour pouvoir circuler dans la boue avec des énormes planches épaisses, sûrement des chutes de scierie car elles sont lisses d’un coté et avec l’écorce de l’autre. On met le coté écorce dans la boue et on les cale avec d’autres morceaux de bois, il y a aussi beaucoup de boue car tous le monde marche au même endroit, en effet on ne circule pas dans certaines zones pour protéger les racines des arbres du piétinement. Tous le monde utilise notre chemin mais les premières critiques arrivent, on a du mal à se croiser, il faudrait une 2x2 voies voir une autoroute, ça rigole ici ! Ensuite on participe à la construction d’une énorme cabane, tout le monde bosse ensemble et ça marche, le projet d’une plus petite cabane déplaçable est prévu pour bloquer la route en cas d’une future attaque des FDO.

C’est l’heure du pique-nique, une grande tablée est disposée faite de palettes, sommier, tréteaux...on s’assoie comme on peut, on improvise des bancs, un grand plat collectif a été préparé sur place et tout.e.s les gent.e.s qui sont venu.e.s comme nous pour la journée sortent des victuailles, moment forcement convivial ou nous avons le temps d’échanger avec les habitant.e.s.

Puis les activités reprennent, cette après-midi il y a plusieurs ateliers de prévu, deux personnes sont la avec du matériel pour apprendre à cell.eux qui le souhaitent à grimper dans les arbres en toute sécurité. Il y a aussi un atelier pour apprendre à construire une douche chaude au feu de bois, seulement quelques raccords ont été acheté, le reste sera de la récup’. C’est un bon moment de partage et d’apprentissage, nous faisons mieux connaissance en travaillant ensemble. Autour de nous ça décore des cabanes, ça construit, la grosse cabane commencée avant le repas a un toit maintenant, certain.e.s ont attaqué la construction d’une yourte en structure bambou, c’est beau !
L’élan de solidarité est énorme, régulièrement des gens arrivent pour amener de la nourriture et des vêtements, le propriétaire du terrain qui n’a pas encore été exproprié a installé un tuyau d’eau avec un robinet, une voisine de la ZAD laisse en permanence une porte ouverte chez elle pour un accès à l’électricité, le menuisier du coin apporte toute ses chutes de bois, un agriculteur est passé dans l’après-midi avec deux bottes de paille pour résoudre le problème de la boue, ça c’est une société qui fonctionne !

Il est l’heure pour nous de partir, cette journée hors du temps est pourtant passée bien vite, on repart tout.e.s avec beaucoup d’espoir et on prévoit déjà de revenir. Le tracé de la future autoroute fait 55 km, les travaux avancent vite mais toujours moins vite que l’installation d’une ZAD et toutes ces perturbations ont déjà fait perdre beaucoup de temps au concessionnaire, c’est maintenant qu’il faut le plus de monde possible, NO MACADAM !


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