Voici la recette inédite du « Putsch à la française », avec les ingrédients, les méthodes et les astuces du chef.
Le « Putsch à la française » est une sorte d’énorme gâteau, un plat sucré-salé. Sa préparation est longue et parfois fastidieuse, avec des passages délicats, mais le résultat vaut bien tout ces efforts. L’exécution de cette recette n’est pas réservée à des experts en tarfufferie, mais une bonne expérience en farces et attrapes est néanmoins requise, une licence de théâtre serait un plus.
Le goût de ce gâteau est plutôt infect et il troue l’estomac, mais il a belle apparence et impressionne durablement les convives.
Le « Putsch à la française » est une recette innovante, pacifique et moderne pour gouverner de manière très autoritaire, voire dictatoriale, sans avoir besoin de chars et de militaires qui mitraillent les gens dans les rues, sans internements massifs des opposants dans des camps de rééducation du bon goût.
Le « Putsch à la française » sera sans doute étudié avec grande curiosité par les historiens, marmitons et politologues, après avoir été mis en pratique dans d’autres pays qui suivront avec gourmandise l’exemplarité française dans l’art culinaire de bien gouverner les masses.
Pour commencer, il convient d’imposer cette recette moderne en utilisant comme repoussoir un gâteau plus fruste d’apparence situé à l’extrême droite du plateau.
Rangez bien vous outils : les fourchettes et cuillères à gauche, les longs couteaux à droite, les récipients en plastique au centre. La poubelle à portée de main.
Etalez un tapis de médias à votre service en guise ne nappe étanche.
Première étape : préparation d’une pâte molle, homogène et bien blanche
Pendant de longs mois, voir des années si vous pouvez, mélangez vigoureusement plusieurs ingrédients :
- 50% de sucre inverti : cette parole mielleuse répétée dans les médias dominants qui inverse la réalité - Pour ça relisez 1984 de George Orwell et faites de la novlangue une pratique quotidienne pour tuer la réalité et empêcher la pensée - De nombreux éditocrates culinaires seront tout disposés à vous fournir abondamment en sucre inverti, il vous suffit de laisser décanter sur un torchon propre leur salive quotidienne. Entrainez-vous en répétant durant plusieurs jours : « le putsch c’est la démocratie et la stabilité »
- 20% de répression systématique de toute tentative de levée de la pâte hors du moule
- 20% de mesures contraignantes et anti-sociales, pour que la pâte serve exclusivement votre recette et donne tout ce qu’elle a à donner
- 10% de distractions et enfumages (jeux, divertissements, consultations, conventions, débats...) pour maintenir la cohésion et la perméabilité de votre pâte
L’assouplissement régulier de la pâte est tout autant un travail manuel que mécanique. Au geste vigoureux du policier frappeur ajoutez la répétition machinique d’un battage médiatique permanent.
La matraque policière permet un attendrissement efficace de la pâte : frapper violemment d’un coup sec et répétez le geste jusqu’à disparition des grumeaux de rebellion.
En même temps, la matraque sert aussi à étaler la pâte pour l’aérer et l’offrir nue à votre surveillance : inspectez minutieusement chaque centimètre carré pour écarter toute impureté ou signe de divergence.
En été, laissez dégorger votre pâte en plein soleil caniculaire pour éliminer le mauvais gras.
Démolissez systématiquement toute tentative d’autres énoncés de recettes, traitez même les oppositions les plus mesurées d’extrémistes, de terroristes, d’antisémites, de tyranniques, ou tout autre qualificatif repoussant qui vous plaira. Novlangue avec inversion du réel partout est votre bible.
Si la pâte devient trop sèche, rétive, un bon coup de Karscher lui rendra sa structure onctueuse permettant de lui donner la forme voulue.
ASTUCE DU CHEF : un zest de lacrymo permet d’aérer la pâte et de contrebalancer le sucre par un léger goût piquant
CONSEIL DU CHEF : plus la préparation de la pâte est longue, méticuleuse, assidue, plus le « Putsch à la française » sera réussi et tiendra longtemps au ventre.
2. La garniture
Entre deux attendrissements de la pâte, préparez une garniture riche. Ecartez sans pitié les ingrédients pauvres et mal assortis, ils ne servent à rien.
Récoltez pendant plusieurs mois les selles matinales de la crème de la crème (grands patrons, éditocrates, technocrates, milliardaires, présidents, ministres, ex-ministres...). Laissez macérer 5 ans avec des petites phrases et de grandes promesses dans un récipient fermé et blindé.
Crevez des oeufs (yeux) frais pour lier et donner une consistance ferme
Broyez grossièrement les structures non alignées, mettez-les au pain sec, écartez-les un bon moment pour qu’elles reviennent ensuite vous manger dans la main en pleurnichant.
Arrosez copieusement d’alcool et d’argent frais les structures alignées. Flambez sans modération.
Ajoutez de nombreux agents conservateurs. La préparation étant longue et le gâteau devant servir longtemps, des conservateurs costeauds sont nécessaires. Privilégiez le Borax et le Formaldéhyde. Si besoin ajoutez des sulfites et des lois bien conservatrices pour figer les ingrédients.
Mélangez tous ces ingrédients au mixer, vitesse 49.3, en ajoutant des giclées de peurs factices et de grosses louches de mensonges bien salés. Poudrez à votre convenance.
Etalez une dernière fois la pâte, disposer au milieu la garniture et refermez la pâte par dessus façon tourte, puis retourner le tout. Ainsi la gâteau a l’apparence modeste de la pâte, tout en étant fourré jusqu’à l’os d’une riche garniture qui donne le goût si particulier du « Putsch à la française ». Lisse à l’extérieur, carabiné à l’intérieur.
ASTUCE DU CHEF : possible d’ajouter 3 cuillerées de blabla de 1er choix pour enrober le tout et rallonger la sauce
CONSEIL DU CHEF : si vous manquez d’argent frais, du sang de pauvre réhaussé d’une pointe de sueur de saisonnier agricole peut faire l’affaire, à condition de pratiquer la saignée après étourdissement.
3. La cuisson
Cuire à feu très doux pendant quelques mois en surveillant de près l’évolution de la pâte, elle doit être bien recuite, mais sans brûler.
Arrosez une fois par jour d’un peu d’essence, mais en évitant absolument l’explosion ou l’incendie. C’est une phase délicate, l’essence doit être jetée au bon moment et au bon endroit, avec la bonne dose, ni trop ni trop peu. Le thermomètre des sondages et le niveau de pression atmosphérique peut vous aider.
Pour parfaire la cuisson, il faut quelques semaines à feu plus vif (diminuez les doses d’essence !)
Le moment idéal pour débuter une bonne cuisson c’est l’ambiance dissolue des vacances d’été, avec un grand événement sportif au milieu pour apporter de bonnes vibrations. Ne négligeons pas l’aspect spirituel et énergétique, indispensable à la réussite d’un plat aussi complexe.
ASTUCE DU CHEF : si votre « Putsch à la française » ne lève pas assez, stimulez-le avec une bonne décharge de Taser en plein coeur (attention aux étincelles, aérez préalablement pour évacuer les vapeurs d’essence).
4. La touche finale et le service
Evidemment, au moment de servir, soyez subtils, il ne s’agit pas d’empoisonner les convives avec de grosses bouchées, mais de leur faire décourir le plat par petites touches, par petites doses choisies.
Divertissez les convives, parlez d’autre chose, jouez les modestes très affairés à parfaire le gâteau, ajouter de la décoration (bougies, drapeaux, colifichets, baves d’anciens ministres ou présidents...), faites mine d’hésiter, ne posez pas brutalement le plat sur la table, faites le tour de la tablée en faisant humer le fumet avec parcimonie, prenez votre temps, mettez de l’ordre dans les couverts, parlez des avantages du gâteau, de sa stabilité chimique, versez un peu de vin, faites la conversation. Bref, occupez le terrain, faites durer pour susciter l’impatience, faites le désirer et votre « Putsch à la française » passera comme une lettre à la poste malgré son côté étouffe chrétien et son goût un peu fort qui arrache le palais.
N’oubliez pas de diviser votre Putsch en plusieurs parts afin de mieux régner.
En cas de protestations d’estomacs délicats non adaptées à l’air brun du temps, ajouter une bonne giclée de crème Chantilly, ça blanchit, ça ajoute du volume et sa masque le goût parfois amer du plat.
Voilà, après de longs efforts vous avez enfin servi votre « Putsch à la française ».
Si vous avez bien suivi la recette, il passera très bien, il sera même très apprécié des convives situés à droite de la tablée.
En cas de problèmes de retard de service, sachez que ce gâteau peut aussi se manger froid, et il supporte plusieurs réchauffages au micro-onde, il suffit de rafraîchir la décoration.
Bon appétit !
Prochaine recette : « la grève à l’italienne », un apéritif dynamique pour mettre en appétit les plus exigeants des becs fins.
Le Chef Riz