Pour réfléchir stratégiquement à 2021 et aux années à venir, voici des analyses pertinentes à méditer, suivies de quelques remarques complémentaires et liens utiles :
"Oeuvrer à la constitution d’un contre-mouvement social et changer d’époque définitivement à gauche. Ce serait déjà énorme..."
Au vu de la condition minoritaire du camp "anticapitaliste" dans la population ; de la diversité et de l’incompatibilité en son sein des réponses apportées à la question "Qu’est’ce que le capitalisme-patriarcat ?" (hégémonie à gauche de diverses formes d’anticapitalisme tronqué) ; de l’absence à gauche à une échelle conséquente d’un véritablement renouvellement des fondements de l’anticapitalisme et donc de la théorie de la révolution ; de l’inexistence d’une "contre-société" à grande échelle faite de pratiques susceptibles de construire des contre-pouvoirs et des contre-formes de vie sociale au capitalisme/Etat/patriarcat en période non-révolutionnaire, c’est-à-dire des pratiques se réappropriant la production, la distribution, l’éducation, la culture, etc., pour commencer imparfaitement à les fonder en une autre forme de vie sociale au-delà de l’économie et de l’Etat ; de l’inexistence en amont d’une stratégie de ces contre-pouvoirs actifs qui puissent former, dans un contexte pré-révolutionnaire, l’armature d’un maillage d’organes démocratiques – qu’ils se nomment fédérations locales, Bolo, communes, conseils, comités de quartier ou d’usine, assemblées populaires – qui commencent à reprendre en main les ressources et les activités pour les enchasser dans une autre forme de vie collective au-delà des médiations capitalistes (c’est là je pense l’enjeu d’une réflexion autour du confédéralisme démocratique - communalisme - en discutant des expériences des Communes de 1871, du Chiapas, des propositions de Bookchin, etc, confédération s’affirmant comme double pouvoir en période révolutionnaire et à même de se substituer à l’Etat dans une confrontation ; cette discussion sur le confédéralisme démocratique est aussi une occasion de se positionner par rapport à l’idée de république, de "république sociale" en particulier), etc.. oui cela semble très prématuré (pour pas dire très mal barré) de souhaiter que l’Etat s’effondre.
Comme l’indiquent justement je trouve Kurz et Lohoff dans une traduction à venir, la crise de la valeur ne se concentre pas en un point dont l’atteinte entraînerait soudain, automatiquement pour ainsi dire, l’incapacité du système à se reproduire dans son ensemble et ferait exploser toutes les catégories d’intérêt ; il s’agit d’une crise qui remplit une époque entière et c’est dans ses ruptures et ses soubresauts que nous sommes tenus d’évoluer nécessairement, tant sur le plan théorique que pratique. Et un Etat ne s’effondre probablement pas, il se rétrécit, il s’affaiblit, il ne peut plus mettre en oeuvre la totalité de ses fonctions de reproduction d’ensemble de la société (son rôle de "capitaliste collectif idéel") et se restreint à certaines, il délaisse certaines parties "vitales" de son territoire pour en abandonner d’autres, son appareil de fonctionnaires se corrompt et devient dysfonctionnel, l’Etat se disloque intéreiruement en plusieurs oligarchies rivales qui accaparent de manière strictement privée son fonctionnement, mais il ne s’effondre pas comme cela de lui-même ou en laissant place nette.
Dans l’état actuel, partout où l’on voit des Etats pauvres s’affaiblir, on se trouve, en l’absence d’une force de gauche véritablement révolutionnaire, dans le scénario typique de la Centrafrique aujourd’hui et de tant de pays : un capitalisme à la Mad Max, dislocation du territoire, milices armées, armée gouvernementale défendant la seule capitale, cliques religionnistes, développement d’un capitalisme de mafia en dehors de la forme-droit étatique, etc ; mais rien à gauche qui là-dedans puisse être un acteur de l’émancipation.
Pour ma part, sur le plan stratégique, la seule contribution que l’on puisse faire dans la situation actuelle, c’est d’un côté le renouvellement sur des nouvelles bases d’un anticapitalisme plus conséquent dans une gauche extrêmement divisée (en trois blocs) et en lambeaux sur le plan de l’horizon révolutionnaire (et le risque de la remise en scelle de vieux fétiches identitaires de la gauche : gauche populiste-patriotarde à la Mélenchon, néo-léninisme/jacobinisme des têtes coupées, rêve d’une redistibution social-démocrate à la Thomas Piketty, etc.) ; et dans la relation à ce renouvellement, oeuvrer à déployer les conditions d’émergence (une auto-constitution) d’une anti-classe révolutionnaire et d’une conscience de classe négative de celles et ceux qui sont d’ores et déjà dans une forme de non-identification à leurs rôles sociaux, et ce en opposition ouverte aussi bien avec le mouvement ouvrier traditionnel (conscience de classe positive et affirmative) qu’avec les« alternatifs » du milieu simpliste des enthousiastes du do-it-yourself et de l’auto-exploitation.
Oeuvrer à la constitution d’un contre-mouvement social et changer d’époque définitivement à gauche. Ce serait déjà énorme...
(post de Palim Psao)
- Perspectives prioritaires et stratégies pertinentes pour les gauches anticapitalistes
Remarques persos
Pour se sortir de la mélasse, pour éviter les affrontements asymétriques, pour éviter de courir sans fin en réaction aux projets pourraves de l’Etat et du capitalisme, les divers contestataires « de gauche » ont effectivement tout intérêt à approfondir et préciser l’anticapitalisme.
Que critique t-on réellement du capitalisme ? Que voudrait-on créer à la place ?
Au delà du capitalisme, remet-on en cause la civilisation industrielle, la sacralité du travail et la religion du progrès par la croissance, la science et les technologies autoritaires ?
Crois-t-on encore à l’Etat comme réel rempart au capitalisme ou observons-nous qu’il en est un élément clé ?
Ensuite, il faudrait aussi renforcer sérieusement la solidarité envers des modes d’actions habituellement réprouvés.
Et s’attacher à déligitimer le régime et à légitimer les contestations plutôt que l’inverse, notamment en reconnaissant et affirmant publiquement que la France n’est pas une démocratie.
Localement, les activités régulières d’autonomie, de résilience dans une culture de résistance sont dans tous les cas vitales et incontournables.
Et puis bien sûr reste la question des stratégies et tactiques, des pistes possibles :
- Blog Floraisons - pour une culture de résistance
- Idées d’actions socio-économiques locales pour contribuer à une insurrection globale - Pour être interdépendants, accroître la confiance et l’entraide, dans une culture de résistance offensive et constructive
- Réflexion sur les luttes à venir (...) La stratégie défensive reste tout de même importante, mais nous ne pourrons pas espérer obtenir un changement de société uniquement avec des stratégies défensives
- Analyser la situation pour dégager stratégies de résistance, perspectives d’actions et objectifs
- Geoffroy de Lagasnerie : « Guérilla juridique, infiltration, action directe… Il faut déployer un autre imaginaire de l’action »
- La Guerre Écologique Décisive
- Face à des régimes autoritaires écocidaires, quelles actions écologistes ?
- Déconfinement : rapports de force, nos objectifs, autonomie, pièges à éviter ! - Quelques ingrédients de base pour une insurrection réussie et durable
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