Dans le brouillard des mots et des belles paroles de ceux qui ont appris à les manier, dans le flou des chiffres et du sens qu’ils veulent en donner, dans la novlangue des raisons inversées j’aimerais essayer d’exprimer un autre rapport au monde, une autre critique du monde.
C’est contre votre monde de béton ou plutôt votre monde artificiel que je jette mon pavé.
Ce monde artificiel qui dans votre langue devient un oasis de biodiversité qui va nous préserver de la destruction de notre monde.
Ce monde artificiel où une armée de cleaner, comme ils sont adoubés dans les clips vidéos de Center Parcs, serait souriante et heureuse de récurer les chiottes des braves gens pour qui vacance rime avec égoïste inconscience.
Ce monde artificiel, où d’après les mêmes clips vidéo, les enfants vont pouvoir se déconnecter de leur tablette et ré-découvrir la vrai vie, celle des chevaux qui sentent la rose et des espace vert sans bourdonnement. Exit l’odeur de la merde, exit les piqûres...
Mais essayons pendant un bref instant de déplacer la fond du débat, les chiffres, l’emploi pour se poser des questions à nous tous.
Quels étaient nos rêves lorsque nous étions mômes ? Que voulions-nous faire de nos petites mains ? Quel était notre lien avec la nature ?
Tentons un moment de nous remémorer une promenade dans la forêt, avec nos parents ou amis. Un moment de tranquillité allongé dans l’herbe ou seul le bourdonnement des insectes et le chant des oiseaux vient rompre le calme du moment. Le plaisir de pouvoir juste contempler une petite musaraigne qui passe à côté de nous sans nous remarquer, une abeille qui butine, un couple d’oiseau qui vole en se poursuivant gaiement. Essayer de mettre un prix à ça !
Remémorons-nous nos frasques à courir les bois, le souvenir d’un sentier qu’on a parcourut 100 fois, l’odeur de la terre et des milles odeurs qui viennent chatouiller notre odorat. Le plaisir de revenir sales, fourbus, mais heureux de ces découvertes que nous venons de faire.
Essayons de comparer cela à une bulle où la moindre activité est payante, le moindre chemin tracé. Ou encore à un complexe aquatique tel que le centre aquatique imposé par la 3CPS....
Je peux vous amener faire du vélo ou arpenter les chemins de notre coin et cela gratuitement, je peux vous indiquer des endroits ou des sources d’eau chaude prennent naissance au milieu de la forêt et ou se baigner dans de l’eau à 29 C est gratuit et hautement plus jouissif.
Certes tout n’est pas à porté de main, il faut faire de la route pour trouver ce que l’on cherche, mais merde la terre n’est pas un foutu supermarché qu’on peut séparer, urbaniser et rendre utile et rentable !
Et si vous ne voyez pas le lien et que vous croyez que vos mômes ne désirent qu’une chose : un center parc ou un Centre aquatique pour passer leurs vacances et retrouver la vraie vie posez vous la question : pourquoi préférer un complexe touristique à un espace gratuit et vivant et rappelez-vous, si vous y arrivez, vos rêves de gosses.
Les politiques nous parlent sans cesse de travail et de développement économique. Certes chacun devrait avoir le droit de pouvoir subvenir à ses besoins, de pas crever la dalle, mais pas en vendant son âme.
J’ai remarqué que les plus virulents à ce sujet sont souvent ceux qui n’ont jamais eu besoin de le chercher ce travail. J’aimerais les voir nettoyer les chiottes des gens qui les regardent avec dédain ou qui ne le voient même pas.
Encore une question à l’enfant qui dort en nous ou aux rêves que nous nourrissons pour nos propres enfants : est ce genre de boulot que nous aurions désiré ou que nous désirons pour nos propres enfants ?
Certes ils pourraient dire qu’ils reçoivent de nombreux CV pour postuler à ces boulots.
Mais leur laisse t-on le choix ?
Leur laisse t-on le choix dans notre société de crise où la valeur du travail est placée sur un tel piédestal qu’il est impossible même de la critiquer.
Leur laisse t-on le choix entre un CDI de 9 heure par semaine et...... et quoi, et bien la crise !
Cette crise est un leurre pour nous empêcher de regarder de l’autre côté et d’imaginer ce que pourrait être une autre société.
Crise économique, crise atomique, crise politique, crise écologique, crise crise crise, crise.... Voila ce qu’ils hurlent comme d’autres hurlent leur foi dans le brouillard d’un monde qui se disloque.
Ils les hurlent pour pouvoir continuer à avancer contre le mur, pour nous hypnotiser quand à la vrai raison de ces "crises".
Quand on parle du pognon pour lequel tant de gens vendent leur âme, cela a un nom...
Quand on parle de cet individualisme forcené qui continue à faire son chemin dans les esprits sinueux, cela a un nom...
Quand on parle des individus qui veulent pouvoir consommer tranquillement leurs vacances dans une bulle tropicale, cela à un nom...
Quand on parle d’une pensée xénophobe et fasciste qui s’enracine dans la pensée populaire, cela aussi à un nom.
Et je crois au pouvoir de cerner et de nommer les causes, au pouvoir de les démystifier, de les ramener à une échelle de grandeur pour ensuite pouvoir mieux les combattre.
Le capitalisme n’est pas qu’un mot, il détruit, broie, vide de son sens les raisons du vivre ensemble. Ces projets de Center Parcs ou autres complexes touristiques n’en sont qu’un de ses abcès.
Mais à force de nous déposséder de nos prises de décision la machine roule toute seul. On nous a dépossédé de tout pouvoir, à part celui d’aller voter, et on s’étonne que des personnes élues profitent de leurs mandats pour toper dans la main avec une entreprise privée, sans concertation aucune, pour construire une belle bulle dans nos régions sans valeurs, mais avec la valeur de nos impôts.
Je repense à une phrase de Thierry Carcenac, vous savez le président du conseil départemental du Tarn ou devait se construire le barrage de Sivens, Je cite : « Si tous les chantiers qui déplaisent doivent être protégés ainsi, où va–t-on ? ».
Effectivement, où va-t-on si les gens se mêlent de leurs affaires et que les représentants ne peuvent plus s’en occuper à leur place, en s’en mettant plein les poches avec leurs petits copains entrepreneurs ? C’est la crainte qui se répand ces dernières années dans l’oligarchie française : qu’il ne soit plus possible d’engager des travaux d’infrastructure industrielle dans le pays sans que surgissent des opposants informés, déterminés et librement organisés. Qu’il ne soit plus possible de faire tourner la machine à cash sans que de simples citoyens posent bruyamment les questions qui fâchent : ce projet, pour quoi faire ? Au profit de qui ? Et avec quelles retombées sur notre milieu de vie ?
Les réponses trouvées par l’État sont ces organisme de cogestion tel que la CNDP (commission national du débat publique) pour nous faire parler, et puis une fois fini le temps du blabla on fait venir les tractopelles avec la sacro-sainte confiance d’avoir fait de la démocratie.
Mais de quoi parle-t-on ? De démocratie ? Vraiment ?
A force de déléguer notre pouvoir, à force de nous laisser dicter le chemin à emprunter on arrive ou on en est. Avec des gens qui sont censés agir pour la communauté, mais en réalité n’agisse que pour leurs propres intérêts ou celui de leur classe.
Ne sommes nous pourtant pas les premiers concernés par ces questions de l’emploi, du soin qu’on doit prendre de notre planète, de la solidarité et l’entraide ?
Comment faire pour empêcher qu’à l’avenir on puisse nous pondre ce genre de projet hallucinant qui ne nous profitera aucunement ?
Comment retrouver sens, c’est à dire réapprendre les savoir-faire de la terre, de le construction, de la cuisine, du plaisir etc... Et ne pas laisser les entreprises de management, les publicités marchandes, les politiques prendre ces décisions pour nous. Oublier cette idée de l’autonomie individuelle face aux autres, mais plutôt trouver notre liberté et notre confiance en vivant avec les autres, en se construisant face à eux et avec eux ?
Je finirai par cette citation de Kropotkine écrite il y a 100 ans, mais qui me paraît toujours de la plus grande actualité.
« L’absorption de toutes les fonctions par l’État favorisa nécessairement le développement d’un individualisme effréné, et borné à la fois dans ses vues. A mesure que le nombre des obligations envers l’État allait croissant, les citoyens se sentaient dispensés de leurs obligations les uns envers les autres. Dans la guilde — et, au moyen âge, chacun appartenait à quelque guilde ou fraternité — deux « frères » étaient obligés de veiller chacun à leur tour un frère qui était tombé malade ; aujourd’hui on considère comme suffisant de donner à son voisin l’adresse de l’hôpital public le plus proche. Dans la société barbare, le seul fait d’assister à un combat entre deux hommes, survenu à la suite d’une querelle, et de ne pas empêcher qu’il ait une issue fatale, exposait à des poursuites comme meurtrier ; mais avec la théorie de l’État protecteur de tous, le spectateur n’a pas besoin de s’en mêler : c’est à l’agent de police d’intervenir, ou non. Et tandis qu’en pays sauvage, chez les Hottentots par exemple, il serait scandaleux de manger sans avoir appelé à haute voix trois fois pour demander s’il n’y a personne qui désire partager votre nourriture, tout ce qu’un citoyen respectable doit faire aujourd’hui est de payer l’impôt et de laisser les affamés s’arranger comme ils peuvent. Aussi la théorie, selon laquelle les hommes peuvent et doivent chercher leur propre bonheur dans le mépris des besoins des autres, triomphe-t-elle aujourd’hui sur toute la ligne — en droit, en science, en religion »
Janek