Livre de José Ardillo : La liberté dans un monde fragile, écologie et pensée libertaire

Les socialistes conventionnels et les capitalistes ne diffèrent que par le moyen d’aller à l’abîme

mercredi 3 avril 2019, par Les Indiens du Futur.

Livre de José Ardillo : La liberté dans un monde fragile, écologie et liberté

- Editions L’échappée sortie 2018, 288 p

- Voici la présentation qui en faite par Nicolas Casaux :

Dans son précédent livre intitulé « Les illusions renouvelables », également traduit et publié aux éditions L’Échappée, José Ardillo entreprenait déjà partiellement l’autocritique du courant anarchiste qu’il prolonge et approfondit ici, dans « La liberté dans un monde fragile ».
Entre les deux, on sent que la perspective de l’auteur a évolué. Qu’elle s’est davantage détachée de la « foi progressiste qui avait inauguré le XIXe siècle », à laquelle le courant anarchiste n’avait « pas été en mesure d’échapper ». Dans ce très bon livre, José Ardillo nous présente plusieurs de ces anarchistes qui « se sont débarrassés de la conception dogmatique de l’histoire comme processus orienté, allant dans le sens du progrès » (de Lewis Mumford à Ivan Illich, en passant par Gustav Landauer, Jacques Ellul et Aldous Huxley).

Sujet important étant donné que beaucoup d’anarchistes, mais aussi de socialistes et d’écologistes — la plupart d’entre eux, vraisemblablement, et de ceux qui affirment s’opposer au désastre socioécologique en cours plus généralement — continuent aujourd’hui, dans la lignée, par exemple, de Kropotkine et de Bookchin, de croire, d’une manière ou d’une autre, de façon plus ou moins ambiguë, en diverses illusions progressistes. De croire que le développement technologique nous aidera à faire advenir une société libertaire (ou véritablement démocratique) et écologiquement soutenable. Ils ne se demandent même pas si la liberté, la (véritable) démocratie et la soutenabilité sont compatibles avec le maintien du système technologique créé par la société industrielle capitaliste, avec les technologies modernes complexes, les hautes technologies. Ils prennent pour acquis la nécessité de préserver l’essentiel de ce système, et partant de là se demandent comment le rendre plus démocratique et plus soutenable.

Ainsi que l’écrivait Orwell :
« Le monde socialiste est toujours présenté comme un monde totalement mécanisé, strictement organisé, aussi étroitement tributaire de la machine que les civilisations antiques pouvaient l’être des esclaves. […] Le malheur, c’est que le socialisme, tel qu’il est généralement présenté, charrie avec lui l’idée d’un progrès mécanique conçu non pas comme une étape nécessaire mais comme une fin en soi — je dirais presque comme une nouvelle religion. […] Les individus les mieux disposés à l’égard du socialisme sont en même temps ceux qui se pâment d’enthousiasme devant le progrès mécanique en tant que tel. […] aujourd’hui les mots de « progrès » et de « socialisme » sont liés de manière indissoluble dans l’esprit de la plupart des gens. […] Le socialiste n’a à la bouche que les mots de mécanisation, rationalisation, modernisation — ou du moins croit de son devoir de s’en faire le fervent apôtre. »

C’est aussi ce que dénonçait Huxley dans son roman intitulé « Contrepoint  », à travers le personnage de Rampion, qui affirme par exemple :
« Les bolcheviks et les fascistes, les radicaux et les conservateurs, les communistes et les Anglais Libres, quel est donc l’enjeu de leur bataille ? Je m’en vais vous le dire. Ils se battent pour décider si nous irons dans l’abîme par le train express des communistes ou par l’auto de course des capitalistes, par l’omnibus individualiste ou par le tramway collectiviste roulant sur les rails de l’étatisme. La destination est la même dans tous les cas. Tous, tant qu’ils sont, s’en vont droit à l’abîme, ils se précipitent tous dans la même impasse psychologique et dans le chambardement social qui résulte du chambardement psychologique. Le seul point sur lequel ils diffèrent est celui-ci : Comment y arriverons-nous ? Il est tout bonnement impossible à un homme de bon sens de s’intéresser à de semblables disputes. Pour l’homme de bon sens, la chose importante, c’est l’abîme, ce n’est pas le moyen de transport qui doit être employé pour y arriver. La question qui se pose pour l’homme de bon sens, c’est de savoir si, oui ou non, nous voulons aller à l’abîme. Et sa réponse c’est : non, nous ne le voulons pas. Et dès lors que voilà sa réponse, il ne veut rien avoir à faire avec des politiciens. »

Quoi qu’il en soit, ce livre d’Ardillo, relativement court (230 pages), propose de très bonnes pistes de réflexions sur ces questions, une importante et même cruciale remise en question de l’anarchisme (ou du socialisme) conventionnel, et de ses croyances en ce qui concerne le progrès, le développement technologique, le futur souhaitable pour les êtres humains.


PS : l’écosocialisme s’est-t-il affranchi de la civilisation industrielle et du mythe du progrès ?
- A discuter ce mercredi soir à Crest


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