Lors d’une journée de réflexion organisée par le Syndicat des avocats de France, de nombreux témoignages ont montré que les violences policières touchent en France de plus en plus de secteurs de la société : militants écologistes et sociaux, migrants, jeunes des quartiers populaires... Les réponses juridiques émergent peu à peu. Mais une prise de conscience de la société face à la « fabrique des monstres » est indispensable.
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« En France, on va à contre-courant du reste de l’Europe, qui s’oriente vers la désescalade », observe Claire Dujardin, avocate de la famille de Rémi Fraisse (tué par une grenade policière sur la ZAD de Nddl). « Selon les autorités, il y a de plus en plus de violences de la part des manifestants, mais ce n’est pas le cas, il n’y a pas d’augmentation du nombre de blessés chez les forces de l’ordre. En revanche elles sont en sous-effectif alors que leurs missions augmentent. Surtout, il y a une évolution d’une doctrine de maintien de la foule à distance vers une logique de corps à corps pour interpeller. »
Un lourd silence se fait dans la salle quand lui et une autre « médic » de la Zad décrivent les blessures des 330 personnes qu’ils ont prises en charge à Notre-Dame-des-Landes ces deux derniers mois : des morceaux de grenade de plus de deux centimètres logés à côté de la colonne vertébrale ou d’une artère vitale, des éclats multiples de grenades sur tout le corps, certains ne pouvant être retirés car logés dans des zones trop sensibles, des pertes de conscience, des tirs tendus de flash-ball touchant les yeux ou les parties génitales, provoquant d’impressionnants hématomes. « Je me suis sentie comme en zone de guerre, le 11 avril, le troisième jour des expulsions, quand après une charge très violente et des tirs de GLI F4 il y avait six personnes au sol dans un champ, et il fallait évaluer le niveau de gravité de chacun pour décider qui évacuer en premier. Là on a appris que les gendarmes avaient tout bouclé, alors qu’on avait quelqu’un à envoyer à l’hôpital. Les gendarmes ont retardé son évacuation », raconte Sarah, de l’équipe médic. Une atmosphère provoquant un stress post-traumatique : « Il y a des dizaines et des dizaines de personnes qui en rêvent encore, réagissent à la moindre explosion », ajoute la soignante.
« Il y un phénomène de “propriété policière”, il y a des groupes et des espaces sociaux particuliers où la police se dispense d’obéir aux règles de droit » , observe le sociologue Jérémie Gauthier. « Et ces pratiques ont lieu sur les personnes qui ont le moins de ressources pour les contester (gilets jaunes, jeunes de banlieues, personnes de couleurs...). » Solenne Lecomte parle elle d’« une culture de la violence ». Autrement dit, les violences policières ne sont pas le fait d’individus isolés mais sont systémiques. « Face à elles, il faut donc jouer collectif »
Au delà de la légalité supposée des violences policières, se posent profondément la question de la légitimité même de la répression et des gouvernements qui les ordonnent contre le peuple.
Un système politique tyrannique, oligarchique et antidémocratique, voué aux riches et au lobbies, n’a pas du tout de légitimité à réprimer les personnes qui le contestent et veulent le destituer, même choses pour les personnes (écologistes, zadistes) qui s’opposent à la destruction légale des dernières zones naturelles.
Au lieu d’ergoter, souvent en vain, sur la légalité des interventions policières en faisant des procès aux auteurs de violences policières systémiques, tout le monde devrait donc à présent exiger la destitution complète du système politique et économique qui écrase les humains et le vivant, pour construire une société vivable et soutenable pour toutes et tous.