Les murs ne servent à rien

Trois jours pour penser les migrations

mercredi 20 septembre 2023, par Peytermann Chloé.

Films, lectures, conférences, expositions, rencontres autour des questions de migration

Depuis sept ans, nous construisons dans la Drôme des journées qui se veulent accessibles à tous et exigeantes à la fois : apporter des contenus riches et sérieux sur la migration, sous de multiples facettes, du proche au lointain et en entrant dans ce sujet par différents mediums. Le cinéma, la photographie, la littérature, la radio, la cartographie, les conférences juridiques, les expositions, les conversations avec des artistes, des chercheurs, des journalistes. Ce croisement des formes est ce qui fait la force de notre événement. La programmation valorise les contenus qui prennent le temps de nous expliquer un contexte, des enjeux, et qui nous emmènent dans des histoires au long cours, que ce soit par le film documentaire, le roman, l’essai, le reportage photo ou radio.

Les Murs ne servent à rien from S.TéphanO on Vimeo.

Cette année, nous avons la chance de présenter une exposition exceptionnelle, Les chants de l’Asphodèle, de Mathias Benguigui et Agathe Kalfas (Rencontres photographiques d’Arles 2021) sur ce lieu si particulier qu’est Lesbos, aujourd’hui et dans l’histoire. Les cartes - outils cruciaux - seront aussi mises à l’honneur, avec l’exposition du collectif Migreurop, intitulée Expériences migratoires, illustrant comment l’Europe ferme ses portes. Lesbos sera aussi évoquée dans le très beau film La vie devant elle, dont la réalisatrice Manon Loizeau nous fait le plaisir de venir au festival et dialoguer avec le public. Nous échangerons également avec Stefan Le Courant sur son livre Vivre sous la menace, les sans-papiers et l’Etat, immersion éclairante dans la vie des personnes dites « irrégulières », qui sont aussi le sujet du film Maîtres, puisqu’il se passe dans un cabinet d’avocates spécialisées en droit des étrangers, et qui ne manquera pas de faire réagir l’ethnographe. Les mini-conférences juridiques, données chaque année par Julia Briland, se veulent toujours claires et concises : nouvelle loi immigration en France et Pacte européen en seront les sujets. L’écoute publique de podcast, une forme que nous apprécions particulièrement à Dieulefit, nous mènera sur les routes de la chanson Ya Rayah de Rachid Taha. La musique sera aussi le fil conducteur du grand film documentaire Le chant des vivants, dans sa fonction de soin des personnes traumatisées pendant les séjours thérapeutiques de l’association Limbo, qui a eu un grand succès en salles. Après le film nous échangerons avec le psychiatre Morgan Fahmi, sur sa prise en charge des personnes exilées. Les lectures, moments privilégiés pour entrer dans des oeuvres littéraires, nous feront rencontrer Bibiche dans son parcours de demande d’asile, et explorer la notion d’indésirabilité dans une lecture à deux voix, construite en écho avec le livre de Michel Agier. Ljubisa Danilovic nous introduira son livre Georgia une histoire de migrations, qui croise récit épistolaire fictionnel d’un exilé en 1906 et images des routes migratoires d’aujourd’hui. Le film Black Jesus clôturera le festival en nous emmenant dans un village de Sicile questionné jusque dans sa petite église par l’accueil de demandeurs d’asile.

La table de livres, la buvette, les repas et la fête du samedi soir sont là pour que l’on se parle, que l’on se rencontre, entre solidaires de tous les territoires, chercheurs, acteurs de l’accueil ou citoyens souhaitant s’informer et peut être s’engager.

On vous attend avec impatience à Dieulefit du 22 au 24 septembre, come as you are, car ici « nul n’est étranger ».

PROGRAMME

Tout au long du festival, 2 expositions

Vendredi 22 de 10h à 20h
Samedi 23 et dimanche 24 de 9h à 19h30
Cartographie
Expériences migratoires du collectif Migreurop / réseau d’associations, de militants et de chercheurs originaires de plusieurs pays de l’UE, d’Afrique subsaharienne, du Maghreb et du Proche-Orient. Les différentes représentations cartographiques proposées illustrent les mécanismes mis en place par les gouvernements européens en vue de limiter l’accès des populations migrantes au territoire de l’espace Schengen, ainsi que leurs conséquences sur la vie et les parcours migratoires de ces personnes, dénonçant ainsi les processus de leur mise à l’écart.
Au Lavoir, rue Gainarde (sous La Halle)
Photographie
Les Chants de l’Asphodèle d’Agathe Kalfas et Mathias Benguigui, Rencontres photographiques d’Arles 2021.
En 2015, Lesbos est devenue le lieu du plus grand mouvement de population en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, il ne s’agit pas d’un événement inédit dans l’histoire mouvementée de cette île grecque. Depuis l’Antiquité, les vagues migratoires se succèdent sur ce bout de terre à la croisée des mondes, passage entre l’Orient et l’Occident. Située à seulement 12 kilomètres des côtes turques, l’île porte encore les traces de la Grande Catastrophe de 1922. Suite à la défaite de la Grèce contre la jeune République turque de Mustafa Kemal, plus d’un million de Grecs orthodoxes originaires d’Asie mineure sont déportés sur l’autre rive, 45 000 d’entre eux débarquent à Lesbos dans le plus grand dénuement. Presqu’un siècle plus tard, ce sont leurs descendants qui viendront porter secours aux réfugiés des temps modernes, à tel point que les habitants de l’île seront nommés au Prix Nobel de la Paix.
C’est par ce point de départ qu’Agathe Kalfas et Mathias Benguigui réalisent, entre 2016 et 2020, Les Chants de l’Asphodèle, travail à quatre mains mêlant textes et images, qui s’attache à porter un regard nouveau sur ce territoire ultra-médiatisé. Ils scrutent les traces laissées dans le paysage, rencontrent ses populations, collectent des récits réels ou imaginaires, afin de mettre en perspective les différentes strates de migration sur l’île. Au gré de leurs séjours, les événements s’enchaînent et les tensions montent : l’attente des réfugiés est interminable, des mois, voire des années ; les difficultés économiques et le sentiment d’abandon s’installent dans la population grecque. Les exilés d’hier et d’aujourd’hui s’observent mais le dialogue est rompu. Lesbos ne serait- elle pas devenue le miroir du « Champ de l’Asphodèle », ce lieu mythologique des enfers où les âmes n’ayant commis ni crimes ni action vertueuse, séjournent sans but et patientent éternellement ? Naviguant aux frontières du documentaire et de la fiction, ce travail au long cours invite à une autre lecture des problématiques contemporaines de Lesbos, en faisant dialoguer traces du passé, mythologie et mémoire collective de la migration. L’île, ses populations et leurs mouvements incessants nous transmettent un récit universel, intemporel, et font résonner Les Chants de l’Asphodèle.
12 rue Justin-Jouve, en face de La Halle

Vendredi 22 septembre
20h Introduction
20h15 Lecture d’extraits - Bibiche de Raozy Pellerin, Plon, 2022. Anonyme sous les boucles de ses perruques, Bibiche a fui son pays, la République démocratique du Congo, pour demander l’asile en France, y renaître et se réinventer. Cependant, chaque étape imposée par l’administration la contraint à fouiller dans sa mémoire, à en extirper ce passé refoulé. Comment et auprès de qui trouver de quoi ne pas perdre pied ?
20h35 Film documentaire - La Vie devant elle de Manon Loizeau et Elaha Iqbali, 2023. Elaha, jeune Afghane de 14 ans, se filme avec une petite caméra et raconte son histoire dans une sorte de journal intime. Manon Loizeau suit son parcours pendant plus d’une année. Leur film nous invite à réfléchir au destin de tous les enfants projetés sur les routes de l’exil avec leur famille. Il illustre l’errance, la solitude, la fatigue physique et mentale, mais aussi l’incroyable résilience de l’enfance.
22h05 Discussion avec Manon Loizeau, journaliste et réalisatrice franco- britannique passée de l’écrit à l’image. Ses films (sur la Tchéchénie, l’Iran, la Syrie, la Birmanie, le Yémen) tournés le plus souvent clandestinement lui ont valu de nombreux prix internationaux.

Samedi 23 septembre
10h Point d’étape autour du Projet de Maison Accueillante de Dieulefit par l’association Passerelles
11h Mini-conférence Pacte de l’UE sur l’asile et la migration : vers une externalisation de la demande d’asile aux frontières par Julia Briland, juriste du droit d’asile. L’essentiel, clair et concis !
11h30 Pause
11h45 Présentation de l’exposition Les Chants de l’Asphodèle par Mathias Benguigui et Agathe Kalfas
12h45 Repas
14h30 Indésirables - Lecture de textes de Michel Agier, Louis Witter, Mathieu Gabard, Edouard Glissant, Jean-Pierre Siméon, Bernard Mazo, par Nadine Despert et Chloé Peytermann
15h00 Film Le Chant des vivants de Cécile Allegra, 2022. Entre documentaire et film musical, Le Chant des vivants retrace des parcours individuels qui, grâce à la musique, parviennent à s’ancrer dans la mémoire collective. Venus d’Erythrée, du Soudan, de Somalie, de Guinée, de République démocratique du Congo, ces survivants, pris en charge par l’association Limbo, se « réparent » lors de séjours thérapeutiques à Conques.
16h30 Rencontre avec Morgan Fahmi, psychiatre à l’Orspere-Samdarra et à la PASS (Permanence d’accès aux soins de santé) en milieu psychiatrique de l’hôpital du Vinatier, et un membre de Limbo - Réparer les survivants
17h30 Pause
18h Présentation du livre Georgia, une histoire de migrations, par le photographe Ljubiša Danilovic, Lamaindonne, 2022. Georgia, c’est le nom du bateau dans lequel embarqua en 1906 un certain Ljubiša Danilovic, jeune Monténégrin de dix-neuf ans rêvant d’un ailleurs plein de promesses. De cet homonyme dont il ne sait rien, à part la mention de son nom sur un document d’époque, Ljubiša Danilovic imagine en 2021 le trajet qui mena le premier Ljubiša de son Monténégro natal aux États-Unis, et rédige des lettres fictives. Il y mêle des photographies de la ville de Butte (Montana), d’un Monténégro nostalgique, celui de son enfance, des exilés rencontrés à Paris, Calais, Sarajevo ou au refuge de Briançon.
19h00 Repas africain puis set musical avec Tuff Kong HIFI

Dimanche 24 septembre
10h00 Film documentaire Maîtres de Swen de Pauw, 2021. A Strasbourg, un cabinet d’avocates s’est spécialisé en droit des étrangers. Christine Mengus et Nohra Boukara s’y battent chaque jour pour aider leurs clients, pour la plupart en situation irrégulière. Grâce à leur ténacité, leur humour et leur professionnalisme, elles tentent de trouver des solutions humaines face à la Justice et parfois l’injustice de certaines situations. Elles sont, pour beaucoup, les avocates de la dernière chance.
11h40 Rencontre avec Stefan Le Courant autour de Vivre sous la menace, les sans-papiers et l’Etat, Seuil, 2022. La politique de contrôle migratoire ne s’exerce pas uniquement aux frontières. Sur le territoire national elle continue d’oeuvrer en séparant celles et ceux qui bénéficient d’un séjour régulier des autres, qui en sont dépourvus. Elle trace des démarcations intérieures invisibles et implacables quand le spectre de la frontière hante le quotidien des personnes qui chaque jour risquent l’expulsion. En ethnographe, et après une enquête de plusieurs années auprès d’une quarantaine de sans-papiers, Stefan Le Courant, chargé de recherche au CNRS, tente de saisir les conséquences intimes de ce gouvernement par la menace.
12h45 Repas
14h30 Mini-conférence France : la nouvelle loi Asile et Immigration par Julia Briland, juriste du droit d’asile. L’essentiel, clair et concis !
15h Ecoute radiophonique Ya Rayah, l’exil en dansant de Mehdi Ahoudig et Hassen Ferhani, Arte Radio, 2023. Créée par le chanteur algérien Dahmane El Harrachi en 1971, « Ya Rayah » raconte la douleur de l’exil en France et le regret du pays natal. Sa reprise par Rachid Taha en 1998 triomphe sur les dancefloors du monde entier et unit la France lors du concert « 1, 2, 3 Soleil » à Bercy. Ce documentaire questionne ce que la chanson dit de l’histoire des Français d’origine maghrébine et de leurs exils intimes.
15h35 Pause
16h00 Film documentaire A Black Jesus de Luca Lucchesi, 2020. Dans une petite ville côtière de Sicile, les habitants vénèrent depuis des siècles la statue d’un Jésus noir. Quand Edward, un jeune Ghanéen de 19 ans, résident d’un centre d’hébergement pour personnes migrantes, demande à intégrer le groupe des hommes qui porte chaque année le crucifix géant à travers les rues de la ville, la communauté est partagée.

participation libre
petite restauration sur place
toutes les infos sur www.passerellesasso.fr
contact : Chloé Peytermann chloeterre chez yahoo.fr

A noter aussi la soirée Jeudi 21, à la hall de Dieulefit, où différents collectifs d’accueil organisent une soirée POUR DES POLITIQUES MIGRATOIRES PLUS HUMAINES, Regards croisés.
A 18h30 projection du film documentaire D’égal à égal, réalisé par l’association A4 (Association d’Accueil Agricole et Artisanal) suivi d’une discussion avec des membres du collectif.
A 20h30, table ronde avec Damien Carême député européen , de Marie Pochon, député de la Drôme, de Claire Rodier, juriste et des collectifs d’accueil drômois
Entrée libre. Repas sur place par notre cantine.

Voir en ligne : Association Passerelles


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