Si la révolte des Gilets Jaunes semble née d’une révolte économique, contre des conditions d’existence qui nous sont devenues insupportables, assez rapidement, pourtant, le désir d’aller plus loin dans les revendications s’est fait entendre. Ceux qui sont entrés en lutte contre la violence économique du capitalisme ont rapidement été confrontés à la brutalité d’un pouvoir qui ne tient plus que par ses flics. Dans ce contexte, la dimension politique de la colère était une évidence pour quiconque voulait la voir. L’absurdité du mythe démocratique a sauté au visage de ceux, qui souvent pour la première fois, expérimentaient le sentiment de puissance que donne une mobilisation réussie.A chaque coup de matraque, à chaque œil crevé, à chaque comptage absurde de manifestants, à chacun des propos d’un quelconque politique s’acharnant à défendre sa place dans un système auquel il ne croit plus, à chaque article de journal relatant des histoires qui ne correspondaient jamais à ce que nous avions pu vivre ensemble, la démocratie est apparue comme ce qu’elle a toujours été. Elle est à la fois un discours sur des institutions et la liberté qui a pour but de provoquer un consentement au fait d’être gouverné, et une réalité qui s’exerce sur les corps et sur les vies de quiconque se révolte en prenant au sérieux ce discours.
Les Gilets Jaunes ont pris acte de cette réalité et refusé la pacification d’un faux débat. Les traditionnels défilés syndicaux de ces dernières décennies, bien encadrés et impuissants, ont été remplacés par des samedis fous où la vie et la rage ont enfin pu venir habiter les rues commerçantes des villes de la capitale et de province. Une envie commune, d’aller plus loin dans les actes et de dépasser les tristes perspectives politiques offertes par ce monde, est née de nos rencontres sur les rond-points, des complicités nouées dans les rues. Or, la puissance du mythe démocratique est tel qu’il semble parfois difficile de penser hors de ce cadre. Ainsi, émerge un courant chez certains Gilets Jaunes, avec lequel nous partageons cette intuition que ce monde est mort, qui plaide pour une refonte de la démocratie ou pour ce qui en serait un « approfondissement ». Il nous semble que dans ces discours se love l’idée selon laquelle la démocratie aurait été dévoyée, et qu’il faudrait en retrouver l’essence, quelque part entre l’Athènes des Ve et IVe siècles avant J-C et une VIe République. Alors, nous avons eu envie, nous aussi, pour apporter notre contribution au débat, de réfléchir à la démocratie, et plus particulièrement aux mythes contenus dans le discours démocratique.
L’article complet est sur Lundi.am : Délibérer n’est pas agir - Au contraire, ce qui s’est expérimenté sur les rond-points, dans les maisons du peuple, c’est l’élaboration commune de décisions concrètes, auxquelles chacun se sent intimement lié car il y a réellement participé. »
Un article excellent qui résume des points essentiels de manière claire et simple !
Voir aussi la revue en entier : Harz-Labour de janvier 2019
Autre extrait de l’article :
A l’opposé d’une pensée technique, consistant à inventer des outils pour corriger la démocratie, il semble intéressant d’abandonner totalement le mythe démocratique, d’opposer l’action et la pratique à la délibération et de poursuivre le geste amorcé depuis le 17 novembre, qui consiste à penser, ensemble, rapports économiques et rapports politiques. Il ne s’agit pas de penser ces rapports de manière désincarnée, mais au contraire, de les incarner dans la manière dont nous construisons ensemble ce mouvement. De cette manière d’être ensemble, de l’intelligence collective, dans nos actes communs, pourront émerger de nouvelles potentialités, organisées, par exemple, autour des amitiés politiques dont nous parlons ailleurs dans ce numéro.
- Les gilets jaunes ont zadisé la France