Dans la plupart des débats, des médias, et même dans de nombreux cercles écologistes, on prétend vouloir résoudre les catastrophes climatiques et écologiques (et donc aussi sociales) produites par la civilisation industrielle en développant massivement des innovations techno-scientifiques, qu’il s’agisse d’énergies alternatives (éolien et solaire photovoltaïque industriels principalement) ou de cybernétique (numérisation, pilotages algorithmiques, robotique...).
Sauf que le problème n’est pas le déficit de technologies ou le manques d’innovations. Car les technologies et les innovations techno-scientifiques participent justement à ce système destructeur et ingérable, à la civilisation industrielle. Donc ajouter des technologies pour résoudre des problèmes en partie posés par la technologie est une aberration criminelle.
La civilisation est depuis longtemps condamnée à cette fuite en avant : ajouter un surcroît de dispositifs « civilisationnels » (coercition, centralisme, autoritarisme, technologies complexes, surveillance, croissance économique...) pour tenter de compenser les effets inévitablement négatifs de la civilisation. C’est absurde, c’est sans fin, et ça ne marche pas. Ca a donné deux guerres mondiales au 20e siècle, des nuisances partout et des catastrophes climato-écologiques mondialisées qui menacent jusqu’à la possibilité d’une grande part de la vie sur Terre.
Le problème est donc la civilisation et son monde techno-industriel. La solution n’est donc pas du tout dans une surenchère de technologies, mais dans le changement de modèle culturel, le changement radical DE société, dans l’abandon de la civilisation industrielle, donc aussi du modèle social de l’Etat et du capitalisme.
Pas besoin de nouvelles technologies ni du déploiement encore plus massif des technologies complexes existantes, on a plutôt besoin de changer de paradigme, de révolution politique profonde, de basculement radical qui remet en cause tous les fondements idéologiques et matériels du modèle en place (propriété, concurrence, anthropocentrisme, patriarcat, productivisme, Etats, non-démocraties institutionnalisées, marché du travail, Travail en tant que catégorie du capitalisme, marchandisation, argent...).
- La question écologique est surtout une question économique, politique et sociale - Protéger des espaces naturels ne suffira pas à empêcher les désastres planétaires
- Climat, ce ne sont pas les énergies fossiles qui détruisent la planète, mais le techno-capitalisme et son industrie productiviste - Ajouter d’autres énergies aux fossiles ne va pas améliorer grand chose
Ajouter d’autres énergies aux énergies fossiles et nucléaires ne va pas améliorer les choses globalement, ça pourrait même les empirer.
Le graphique ci-dessous montre que les énergies nouvelles s’ajoutent aux anciennes (fossiles) qui elles continuent à peu près au même niveau :
- Le réchauffement climatique n’est pas du tout un problème technique, mais une question politique, culturelle, sociale, anthropologique
- Les énergies alternatives ne font que s’ajouter aux énergies fossiles et nucléaires
Le capitalisme et les Etats ont besoin de toujours plus d’énergies et de matières premières. L’économie de marché doit cesse créer plus d’argent avec de l’argent, quitte à se multiplier hors sol dans la finance quand l’économie de la marchandise ne suffit plus.
Soumis à l’impératif de la création de toujours plus de valeur, le capitalisme doit produire et vendre toujours plus pour compenser la baisse des bénéfices due à la baisse des prix de vente imposée par la concurrence.
Les plus riches et les politiciens des classes dominantes ne font qu’appliquer les règles capitalistes qui sont approuvées par à peu près tout le monde.
Leur part de « pourriture » est de se gaver plus que les autres et d’empêcher toute changement radical (politique, économique, social) via :
- la répression brutale exercée par les forces de police
- le bourrage de crâne incessant pour rendre naturel et inévitable le capitalisme
- la domination des institutions non-démocratiques en place
La plupart des ouvriers, chômeurs, petits patrons, artisans ne remettent pas plus en cause le capitalisme et ses mécanismes que les gros actionnaires, PDG et banquiers.
Ainsi, tout le monde cherche des solutions technologiques pour éviter de faire ce qu’il y aurait à faire, remettre en cause et détruire le capitalisme, la civilisation industrielle.
Les directions des syndicats majoritaires comme les capitalistes veulent davantage de croissance et de production de « richesses ».
Les travailleurs veulent des emplois capitalistes et adulent la catégorie travail du capitalisme.
Les seules différences entre eux concerne comment répartir les recettes de ce qui est produit, et sur les conditions de travail.
On tourne en rond dans l’ornière et on s’imagine en sortir avec l’aide de gadgets supplémentaires alors qu’ils ne fond que la creuser davantage.
Il faudrait plutôt en revenir aux conseils des anciens écologistes et des actuels écologistes radicaux :
- ralentir, réfléchir, partager
- produire en fonction de besoin définis collectivement et tenant compte des limites terrestres
- sortir du monde de l’Economie
- s’organiser d’abord localement, pour la politique comme pour l’autonomie
- Utiliser des techniques « douces » (simples, low-tech, « démocratiques », maîtrisables localement...)
- respecter les sols et les écosystèmes
- composer avec les autres animaux
- arrêter la colonisation des autres peuples et le patriarcat
- donc sortir de la forme Etat et viser divers dispositifs de démocratie directe
- ...
Il ne s’agit pas de technologies et d’innovations à la sauce startup, mais de qualité de vie, de solidarité, de sobriété matérielle et de richesse des relations et de la créativité, d’entraide, d’empathie, d’écoute du vivant, de recherche de nos besoins, de philosophie du bien vivre, de prendre le temps, etc.
- Le réchauffement climatique n’est pas du tout un problème technique, mais une question politique, culturelle, sociale, anthropologique
- Visons plutôt des liens sociaux libérés du capitalisme entre les gens, des activités simples et souvent manuelles
Dans "Amitav Ghosh : « Le monde se prépare aux changements climatiques en préparant la guerre »" :
La façon dont les spécialistes, et en particulier les techniciens et ingénieurs, abordent le changement climatique, est complètement erronée ; pour eux, le problème est d’abord technologique, alors que selon moi, il est essentiellement géopolitique. Tant qu’il n’y aura pas une réponse géopolitique, la technologie ne pourra pas apporter la moindre solution.
(...)
La réalité, c’est que le monde se prépare aux changements climatiques, non pas en cherchant à les atténuer mais en se préparant à la guerre. C’est une évidence.
(...)
Tant de nos actions sont contrôlées par une forme ou une autre d’intelligence artificielle que ça devient une partie du problème. Nous croyons que les humains conçoivent des politiques et que ces politiques sont mises en œuvre, mais à partir de Descartes, à partir du colonialisme, on a considéré les choses de la Terre comme de simples ressources, ce qui signifie qu’elles sont inertes, incapables d’écrire elles-mêmes leur histoire. Mais aujourd’hui, cela paraît moins évident, les énergies fossiles, par exemple, se sont immiscées dans notre vie de façon si complexe qu’on a du mal à l’appréhender.
L’ÉCOLOGISME EST UN TECHNOLOGISME
Mais un peu d’honnêteté. Il n’y a pas que pour Emmanuel Macron que la transition écologique est une transition technologique. Pour l’essentiel des écologistes qui écument les plateaux de télévision, qui voient leurs documentaires financés à hauteur de millions d’euros, pour les principales organisations et associations écologistes (WWF, Greenpeace, etc.), et même pour un média comme Reporterre, tel est également le cas.
Au cœur de leurs revendications se trouve, notamment, le développement des technologies de production d’énergie dite « renouvelable » (ou verte, ou propre, ou décarbonée). Ce qui donne ce splendide paysage écossais, historiquement ravagé par la civilisation (plus un arbre), que l’on altère encore davantage en y installant des machines : des éoliennes, sur leurs socles de plusieurs centaines de béton, avec câblage et tutti quanti, ainsi que des hydroliennes (des paysages aussi pleinement artificialisés, ravagés, des monocultures agro-industrielles à perte de vue parsemées d’éoliennes, on en a plein en France, il y en a plein partout). Tout cela en vue de produire de l’électricité afin d’alimenter d’autres machines également issues du système industriel de la civilisation technologique mondialisée.
Bien entendu, pour considérer tous ces développements comme des moyens de sauver la planète, de préserver la nature, de défendre le vivant, comme s’inscrivant dans une dynamique écologique, il faut baigner dans une certaine (colossale) dissonance cognitive.
En réalité, l’émancipation des êtres humains comme la préservation et la restauration des communautés biotiques requièrent que nous nous opposions au système industriel dans son ensemble, que nous en finissions avec le règne de l’industrie, des machines, de la technologie.
(En fin de compte, pour nous aussi la transition écologique devrait être une transition technologique : l’écologie requiert que nous nous entamions une transition visant à détechnologiser le monde, à nous débarrasser de la technologie.)
post de N Casaux