Vue la colère latente et l’intensité des attaques brutales subies par les peuples de france, un nouvel épisode fort de soulèvement/révolte/émeute est fort probable (et souhaitable) dans les mois et années qui viennent.
Qu’il s’agisse des problèmes sociaux, politiques, climatiques, écologiques... les motifs de soulèvement ne manquent pas, augmentent et se cumulent.
Chaque année, la tyrannie politique et l’oppression capitaliste franchissent de nouveaux paliers dans l’abject, la dépossession, le mépris et la répression.
Tandis que toute parole conséquente de gauche ou écologiste est piétinée par le pouvoir, ses valets et ses médias, tous extrême-droitisés.
L’horizon sanglant qu’ils planifient pour nous, qu’ils désirent, c’est la guerre, le règne total du capitalisme, de son argent et de ses machines, la précarité étendue sur fond de néo-fascisme et de désastres climatiques/écologiques. Adaptez-vous aux ruines toxiques qu’ils disent...!
Les gestes vertueux individuels, les quelques victoires locales et les quelques non-reculs n’entravent en rien l’avancée meurtrière et automatique de cette mégamachine blindée globale, tout le monde le sait bien et peut le constater. N’insistons pas sur la nécessité vitale d’une sorte de révolte générale, de profond basculement révolutionnaire (relire Jérôme Baschet, « Basculements ») pour s’ouvrir des chemins vers des sociétés vivables et désirables.
Par rapport aux grandes enjambées destructrices de la mégamachine, les petits gestes et les petits pas sont dépassés, ils font du sur place et de la gesticulation. On a besoin des grandes enjambées d’une forme de révolution pour dépasser la mégamachine et lui faire un bon croche pied.
Ici je m’adresse en priorité aux personnes de gauche (il faudrait encore discuter de ce qu’est la gauche, et de ce qu’est une supposée « vraie gauche ») ou apparentées qui pourraient malgré tout avoir encore « peur » (quelles que soient les raisons) d’une grande révolution « de gauche », d’un changement de direction radicale (« forcément » vers la démocratie directe, la fin du capitalisme et des bureaucraties centralisées, la fin de l’Economie, la remise en cause du système technologique et le début d’une subsistance collectivement choisie et (auto)organisée).
En résumé, ma thèse de départ est en 3 points :
- Le système étatico-techno-capitaliste en place mène fatalement aux pires désastres et au néo-fascisme, avec les brutalités, misères, destructions et carnages associés
- Ce système provoquera fatalement d’autres soulèvements populaires importants
- Si ces soulèvements populaires ne sortent pas « vainqueurs », le système en place accélérera encore sa fascisation, ces destructions sociales et son verrouillage total
Rien de bien original. Mais est-ce qu’on en prend toute la mesure ?
Le système en place est parfaitement conscient des risques accrus de soulèvements d’ampleur et de la nécessité pour sa survie d’aller franchement dans la fange néo-fasciste, et il s’arme (et se réarme, comme ne cesse de le clamer l’abominable forcené Macron) en conséquence :
- propagande néo-fasciste et ultra-capitaliste constante dans la plupart des médias de masse, notamment ceux des milliardaires militants
- renforcement permanent de l’armée et de la flicaille, idéologiquement, financièrement et matériellement (des centaines de millions d’équipements de répression en tous genres)
- enrégimentement forcé de la jeunesse via SNU, uniformes à l’école, numérisation de « l’éducation », propagande accrue en faveur du système...
- durcissement constant des lois répressives et des moyens de surveillance
- déploiement des discours et outils de pacification et d’endormissement des foules : addiction au numérique (bientôt la noyade dans les métavers virtuels dopés à l’IA), récupération et contamination de toutes les notions alternatives (transition, résilience, écologie, féminisme...), JO et le spectacle du sport, désignation classique de boucs émissaires (musulmans, pauvres, chômeurs, militants écologistes...), etc...
- discours et actions pour séparer et culpabiliser toujours plus les gens, individualiser les problèmes, les dresser les uns contre les autres
- ...
pour plus de développements, voir par ex :
- L’absence de démocratie réelle ouvre la porte au néo-fascisme, les contre-pouvoirs restants sont insuffisants - Chronique de la, résistible, montée du néo-fascisme en France et ailleurs
- La Zone d’intérêt : un film saisissant sur la « banalité du mal » et sur le parallèle entre la Shoah et le techno-capitalisme contemporain
- Ugo Palheta : « La poussée autoritaire de la France rend possible une dictature ouverte »
- Le capitalisme détruit la démocratie et la société : la tropicalisation du monde est En Marche
- Editorial du n°20 de la revue Exit !, Roswitha Scholz (...) La droitisation qui avait déjà commencé dans les années 1980 a désormais atteint son point culminant. Même si cette évolution ne s’est pas poursuivie de manière linéaire — comme on sait, Trump et Bolsonaro n’ont pas été réélus —, cette tendance devrait s’accentuer si la situation socio-économico-environnementale continue de s’aggraver. (...) Comme dans le sillage du crash de 2008, des paquets (de sauvetage) sont à nouveau ficelés pour amortir la crise. Ce n’est pas tout : l’augmentation des dépenses militaires alimente l’endettement public. On peut d’ores et déjà prévoir que les plans de sauvetage seront suivis de plans d’austérité. Les turbulences sur les marchés financiers, qui laissent présager un nouveau crash, se font sentir depuis longtemps. (...) Plus les tendances d’extrême-droite et autoritaires augmentent, plus les courants qui se situent au-delà de la droite et de la gauche et réunissent des groupes issus d’horizons divers ont le vent en poupe. L’aggravation de la crise fait ainsi basculer de nombreuses personnes de gauche. Les idées de droite se mélangent à des idées de gauche. Au lieu de s’opposer à un ressentiment grandissant face au déclin du capitalisme, ainsi qu’aux structures et mécanismes correspondants, ce ressentiment se lâche aveuglément. (...) La critique de la valeur-dissociation est aujourd’hui marginalisée. Ce n’est pas un hasard à une époque où l’on veut tout diluer dans les notions d’intérêt, d’identité et de concernement (...) En raison des saloperies, non seulement de la droite, mais aussi de la gauche, il peut sembler à l’heure actuelle qu’il faille chercher une nouvelle perspective d’émancipation au-delà de la droite et de la gauche. À notre avis, cela ne peut pourtant se faire que dans le contexte d’une tradition de gauche, en tenant compte des contradictions sociales. Dans cette tradition, il faut insister sur ce qui n’a pas été conquis : l’abolition des structures abstraites de domination, l’association des individus libres, la réconciliation avec la nature, l’élimination des disparités et des hiérarchies sociales, non seulement économiques et éducatives, mais aussi liées au racisme, au sexisme, à l’homophobie, à l’antisémitisme et à l’antitziganisme, à l’hostilité envers les personnes âgées et les handicapés, tout ce qui jusqu’à présent est perçu dans la gauche comme des contradictions secondaires, ce qui doit être fortement critiqué ! Si ces dimensions sont incluses, en tenant compte de leur logique propre, il en résulte une toute autre auto-perception qualitative de la gauche que celle existante jusqu’à présent. (...) Nous verrons bien ce qui se passera quand la crise empirera. Les confusionnistes et l’extrême-droite sont sans doute déjà dans les starting-blocks. Mais, même si les choses se passaient de façon un peu moins pire que prévu, nous ne serions certainement pas débarrassés de sitôt des tendances à la droite dure et au confusionnisme ; au contraire, elles devraient encore se développer fortement à l’avenir, portées par la normalité démocratique. (...)
On est pris dans une nasse géante, une sorte de piège vicieux à double détente
- Si on ne se révolte pas et qu’on courbe l’échine toujours plus, le piège se referme « lentement » et inéxorablement sur nous.
- Si on se révolte et qu’on « échoue », le piège dispose alors d’un bon « argument » pour se refermer sur nous d’un coup sec et rapide, clac !
Exemple : si avant les élections nationales de 2027 un important soulèvement a lieu (peu importe le motif). Il y a des manifs sauvages, des émeutes, des destructions de biens, des grèves... Ensuite le soulèvement est étouffé comme ceux de ces dernières années (gilets jaunes, retraites, banlieues, agriculteurs...), sans « obtenir » des choses conséquentes. Alors le Pouvoir saisira ces faits (« terrorisme », « prise d’otage », « factieux », blablabla...) pour justifier son durcissement accéléré. Et il y a aura alors très probablement une victoire écrasante de l’extrême droite aux élections, ou d’une alliance des plus virulents de LR-RN-LREM, ce qui revient au même.
Ensuite, après 2027 et une extrême-droite officiellement au pouvoir, le régime disposera de tous les outils pour accentuer la répression, étouffer encore plus la dissidence, piétiner profondément toute forme d’écologie réelle, pérenniser et renforcer sa tyrannie politique et économique, et rendre pour un bon moment encore plus difficile la contestation, les alternatives dans les interstices et la bifurcation.
Le mécanisme du piège est en place. Les ressorts sont tendus. A nous de le déjouer
On est donc face à une "dernière" chance de révolte conséquente (même si rien n’est jamais définitif ni écrit, malgré tout) avant que le rideau d’acier néo-fasciste et ultra-capitaliste ne tombe pour de bon sur nos têtes (il est déjà bien gratiné...).
Vous l’avez compris, on ne peut plus se permettre de "rater" cette chance, le crédit est épuisé, le piège s’est renforcé, il est bien rodé et marche sur des rails en béton armé.
Ce qui signifie que lors d’un prochain soulèvement d’ampleur (quel que soit le motif de départ, le déclencheur, le secteur où ça part), il faudra partout et avec un maximum de monde y aller à fond.
Ca voudrait dire par exemple :
- Grève générale dure, massive et longue, en priorité dans les secteurs qui entravent l’Economie : fini les grèves saute-moutons et les grèves sectorielles/corporatistes. Donc solidarité totale et débrouille au carré, auto-réduction, auto-production, péages gratuits, etc.
- Pas de désolidarisation des "bons manifestants" envers les émeutes destructives, les pillages et les sabotages
- Pas d’acceptation d’une voie de sortie merdique dans la simple démission du gouvernement et la tenue de nouvelles élections (qui permettront au système et à son extrême droite de revenir), ou pire une réforme, un débat, une loi, une aumône financière... La révolution ou rien.
- Les secteurs stratégiques qui recevront l’oreille et des avantages (financiers notamment) de la part du pouvoir pour les faire se coucher et diviser ne se laissent pas acheter, n’arrêtent pas du tout la grève et le Zbeul. Bien au contraire ils en remettent une couche.
- Dans les manifs sauvages ou déclarées, un maximum de monde se masque et soutient les actions offensives même celleux qui n’y participent pas
- Multiplier les modes et échelles d’organisation et de discussion, pour ne pas laisser faire les partis/syndicats/figures dominants (qui étouffent et limitent la révolte et risquent de faire perdurer des modèles hiérarchiques) et pour impliquer un maximum de monde dans les réflexions et actions
- Prévoir de nombreuses bases arrières pour le soin, la logistique, la nourriture, les outils défensifs...
- Il faudrait que ça dure suffisamment longtemps pour que la détermination, la radicalité des objectifs et le côté collectif augmentent, mais que ça soit suffisamment court pour que le Pouvoir et sa flicaille n’aient pas le temps d’allumer des contre-feux et d’aiguiser la répression contre-révolutionnaire
- Cibler certaines infrastructures pour entraver les possibilités de "retour à la normale"
- ...
Dernière chose pour achever de convaincre les "non-violents" et réformistes qui auraient encore peur de la « violence », du chaos et de l’inconnu d’une révolution de ce type : si le néo-facisme & co s’installe pour de bon, à l’avenir les risques de luttes armées, de chaos et de guerres civiles augmentent énormément. Un basculement révolutionnaire suffisamment proche devrait permettre d’éviter ça. Ne rien faire ou se révolter à moitié est donc bien plus risqué, porteurs de "violences" et de chaos, que ce type de processus révolutionnaire et ses conséquences. (je ne reprend par ici les problèmes de définition des termes "non-violent" et "violence", ce serait trop long et fastidieux)
Idéalement, il faudrait qu’un maximum de monde se prépare à tout ça dès maintenant (dès avant hier), matériellement et idéologiquement, au niveau organisationnel et réflexion politique. Notamment pour éviter les risques de révolution ratée autoritaire (type bolchévisme, URSS), et aussi pour être acquis, murs, prêts à saisir l’opportunité sans rechigner, en même temps et ensemble.
Bien sûr, il y a de la matière à utiliser aussi dans l’histoire et les soulèvements récents, ici ou ailleurs.
La question n’est plus est-ce qu’on aime ou pas la révolution, puisqu’on doit en passer par là pour se sortir du piège décrit plus haut, mais de voir comment la mener au mieux et vers quels horizons.
ok c’est très ambitieux, ça semble hors sol vu l’ambiance actuelle, et ça fait "y-a-qu-a-faut-qu-on", mais que viser d’autre ?
Evidemment c’est très très improbable, alors il faut avancer sans espoir. "Conjuguer le pessimisme de la raison avec l’optimisme de la volonté" en quelque sorte.