𝗟𝗘𝗦 𝗥𝗜𝗖𝗛𝗘𝗦 𝗘𝗧 𝗟𝗘 𝗠𝗘𝗡𝗦𝗢𝗡𝗚𝗘 𝗗𝗨 𝗣𝗥𝗢𝗚𝗥𝗘̀𝗦
𝑐𝑜𝑚𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑙𝑎 𝑐𝑟𝑜𝑦𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑎𝑢 𝑝𝑟𝑜𝑔𝑟𝑒̀𝑠 𝑛𝑜𝑢𝑠 𝑎𝑠𝑠𝑒𝑟𝑣𝑖𝑡
C’est l’histoire d’un aristocrate britannique, le « très honorable » 5e Vicomte Matthew White Ridley, membre héréditaire de la Chambre des lords britannique, qui se retrouve tout naturellement à la tête d’un grand domaine familial (3500 hectares), et, pendant un temps, PDG d’une importante banque du Royaume-Uni, la Northern Rock, laquelle fait faillite sous sa direction en 2007, et doit alors être sauvée par l’argent d’État (du Royaume), tandis que Matt le Vicomte démissionne. Mais qu’importe. Matt n’a honte de rien, et n’a pas dit son dernier mot.
Matt écrit des livres. Un livre, notamment, lui procurera une certaine notoriété : 𝑇ℎ𝑒 𝑅𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑎𝑙 𝑂𝑝𝑡𝑖𝑚𝑖𝑠𝑡, soit « L’optimiste rationnel ». Même Boris Johnson, l’actuel premier sinistre britannique, l’applaudit. Dans cet ouvrage, le Vicomte cherche à nous dire une seule et unique chose : tout va bien, tout va pour le mieux, et tout va même de mieux en mieux, alors détendez-vous, calmez-vous, et profitez.
En effet, d’après Matt l’ex-banquier, « la disponibilité de presque tout ce qu’une personne peut désirer et de presque tout ce dont elle peut avoir besoin a rapidement augmenté au cours des deux derniers siècles, tandis qu’elle augmentait de façon erratique durant les 10 000 années précédentes. Des années d’espérance de vie, des gorgées d’eau potable, des bouffées d’air pur, des heures d’intimité, des moyens de voyager plus vite que vous ne pouvez courir, des moyens de communiquer plus loin que vous ne pouvez crier. » Et même bien plus : « La génération actuelle d’êtres humains a accès à plus de calories, de watts, de lumens-heures, de mètres carrés, de giga-octets, de mégahertz, d’années-lumière, de nanomètres, de boisseaux par acre, de kilomètres par litre, de kilomètres alimentaires, de miles aériens et, bien sûr, de dollars que toutes celles qui l’ont précédée. Elle a accès à davantage de Velcro, de vaccins, de vitamines, de chaussures, de chanteurs, de feuilletons, de coupe-mangues, de partenaires sexuels, de raquettes de tennis, de missiles téléguidés et tout ce dont elle pourrait ne serait-ce qu’imaginer avoir besoin. »
Le Vicomte affirmait d’ailleurs, dans un article publié sur le site du 𝑃𝑜𝑖𝑛𝑡 :
« Nous vivons mieux d’un point de vue économique, mais aussi de la sécurité. Nous sommes globalement plus riches, en meilleure santé, plus intelligents, plus gentils, plus heureux, plus beaux, plus libres et plus égaux que jamais auparavant. »
C’est grotesque, c’est tout faux (pour l’essentiel, certains points, considérés isolément, sont vrais, mais simplement idiots, comme si avoir accès à plus de mégahertz ou de missiles téléguidés signifiait quelque chose en matière de bonheur, de progrès désirable), mais c’est pourtant à peu près ce que croient la plupart des encravatés, la plupart des criminels en col blanc qui composent la classe des possédants, des chefs d’État, des grands patrons, des mandarins en tous genres. Et, par ruissellement culturel (la culture des riches, leurs croyances, ou les choses qu’ils veulent qu’on croit, c’est bien la seule chose qui ruisselle jusqu’à nous), c’est aussi ce que croient beaucoup de gens. (Bill Gates adore les livres de Steven Pinker, qui raconte la même chose que Ridley, et en fait ardemment la promotion.)
Malheureusement, dès lors qu’on croit que le monde qu’ils ont ordonnancé et qu’ils contrôlent est le meilleur des mondes que les humains ont jamais connu, on ne va pas vouloir tout faire pour tout défaire, on va accepter les règles, le fonctionnement de ce monde. On va se contenter de revendications réformistes, on ne va pas souhaiter abolir le principe du gouvernement, de l’État, mais on va vouloir de bons dirigeants, on ne va pas vouloir en finir avec le travail, mais au contraire demander davantage d’emplois, des emplois pour tous, on ne va pas vouloir en finir avec l’industrie, mais on va demander une industrie verte/durable/carboneutre, on ne va pas vouloir en finir avec le système marchand, seulement l’amender de diverses manières, on ne va pas vouloir en finir avec la mondialisation, mais on va aspirer à une autre mondialisation, etc. Autant d’absurdités ou d’impossibilités. Un désastre garanti.
Le prétendu Progrès qu’exaltent les Vicomtes du monde entier repose sur une diabolisation du passé. Avant, c’était l’horreur, aujourd’hui, c’est mieux, et demain, ce sera encore mieux. C’est à la fois faux et absurde. La condition humaine n’a pas évolué de manière linéaire et homogène. En fonction des endroits et des époques, elle a pu être plus ou moins bonne. Une chose est sûre : à bien des époques passées, dans bien des endroits du monde, il faisait bien meilleur vivre qu’aujourd’hui dans la cybercivilisation mondialisée.
(Pour les autres espèces vivantes, dont les Vicomtes du monde entier se tamponnent aristocratiquement, les choses sont un peu plus évidentes. Notamment pour les espèces que la civilisation a exterminées (du grand pingouin au papillon Xerces bleue de Californie). « Avant », elles n’étaient pas éteintes. Aussi, « avant », il y avait bien plus de forêts, de poissons, de jaguars, d’éléphants, etc. « Avant », il n’y avait pas toutes ces routes, autoroutes, voies ferrées, barrières, clôtures, murs, qui entravent la liberté de déplacement des espèces. « Avant » il n’y avait pas des millions de tonnes de plastiques et de substances chimiques en tous genres dans les océans, les mers, les lacs, les rivières, les fleuves. Etc.)
(post de Nicolas Casaux)
+ https://www.partage-le.com/2018/10/28/le-mensonge-du-progres-par-nicolas-casaux/
- Le mensonge criminel du progrès, raconté par les riches, ruisselle et contamine tout
- Le progrès, mensonge suprême du technomonde pour faire tout avaler aux masses volontiers crédules
Le progrès vers l’abîme maquillé en geste glorieuse
S’il y a bien une chose qui ruisselle abondamment depuis les classes richissimes (en dehors de la répression policière), ce sont les mensonges et les manipulations, la réécriture de l’histoire en fonction de leurs intérêts et l’occultation des catastrophes en tout genre produites par le système techno-industriel destructeur qui leur rapporte gloire et profits.
- Les catastrophes écologiques, sociales et climatiques ne pourront pas être confinées - Stopper la méga-Machine ensemble ou périr toustes dans des luttes sectorielles séparées
- Climat et écologie : notre capacité de survie, d’adaptation et à courber l’échine risque d’entraîner notre perte - Paradaxolament, notre faculté de tenir bon face aux adversités devient un problème
Le pire, c’est que la plupart des personnes continuent d’adhérer à cette mythologie délétère du soi-disant progrès (par la puissance, le produtivisme et la technologie), elles se retrouvent coincées, mais peut-être que c’est un choix pour éviter la difficulté et le risque de la remise en cause radicale, qui pourrait déboucher, qui sait, sur l’envie affirmée de renverser le système en place au lieu de vouloir « l’améliorer ».
Si on est pacifiste, améliore-t-on un char d’assault ?