Depuis ce terrible assassinat terroriste d’un professeur à Conflans tout le monde défend et encense la liberté d’expression, même le gouvernement et les merdias.
C’est l’occasion d’analyser pour les dénoncer des arnaques du système en place :
- L’expression populaire et contestataire est étouffée, limitée et de toute façon ignorée
- Le système réduit la liberté et la démocratie à l’expression tandis que notre impuissance politique et économique s’aggravent
- Réduction de la liberté à la liberté libérale, et à la liberté d’expression
- Conclusion
- Le hochet de la liberté d’expression masque notre impuissance politique et économique
1. L’expression populaire et contestataire est étouffée, limitée et de toute façon ignorée
Dans les systèmes basés sur le Pouvoir, la liberté d’expression est éventuellement accordée en théorie aux peuples, avec des restrictions plus ou moins grandes (en France les interdictions et répressions vont croissantes ces temps ci) suivant les cultures et les degrés d’apparences démocratiques du régime en place.
Dans la réalité pratique, ce sont d’abord les puissants, les plus riches et leurs valets (politicards, éditorialistes de merdias) qui s’expriment, et surtout qui ont la capacité de s’exprimer devant de potentielles larges audiences.
Les plus pauvres n’osent pas trop l’ouvrir, et même ont intériorisé l’idée qu’ils n’en étaient pas capables et n’avaient rien d’intéressant à dire. Lors de moments de ras le bol ou de soulèvement, il arrive qu’ils sortent ce qu’ils ont sur le coeur (voir gilets jaunes)
Les plus contestataires s’expriment par divers moyens, mais ils n’auront jamais (ou très rarement et de manière limitée) accès aux gros médias. Ils devront se cantonner aux petits journaux, blogs peu connus, radios libres résiduelles, médias indépendants comme Ricochets, affiches, tracts... Ils ne passent pas au JT de 20h.
Quand les oligarques et éditorialistes défendent la liberté d’expression, ils défendent surtout la leur, leur droit exclusif à dominer l’espace médiatique et à monopoliser la parole.
Dans les régimes capitalistes tels que le nôtre, nul besoin de censures directes pour contrôler l’expression des « indésirables ». Le plus souvent, les mécanismes standards du Marché et de la concurrence, le besoin de vendre et de plaire font que les paroles très contestataires sont de fait exclues des audiences de masse.
On a jamais vu d’anarchistes dérouler une critique argumentée de l’Etat et du capitalisme sur une chaîne TV ni sur une grande radio, ni d’écologistes radicaux critiquer la civilisation industrielle à une heure de grande écoute.
Les gros médias sont aux mains de milliardaires ou de l’Etat, et le tri se fait « tout seul ».
L’Etat français s’est bien gardé de laisser le contrôle d’une chaîne de télévision à une structure ouverte aux paroles révolutionnaire et contestataires.
Quand des pauvres ou des rebelles de gauche sont convoqués dans ces gros médias, c’est soit pour être démolis d’une manière ou d’une autre, soit pour qu’ils servent de faire valoir auprès de sachants et de dirigeants montrés eux comme rationnels et raisonnables, soit pour les mettre en scène dans des sujets insignifiants.
Avec internet, tout le monde peut assez facilement créer des sites, des blogs, des pages dans des réseaux « sociaux ». Il y a plus de diversité et des rebelles peuvent atteindre une certaine audience.
Mais souvent ça n’atteint que des « déjà convaincus », et au final les mécanismes du Marché reprennent le dessus, sans parler de l’extension de la censure privée des multinationales des réseaux dits « sociaux ». Qui a les moyens de se payer de la pub partout, de créer des multiples sites « bidons » pour capter l’audience, de payer pour des articles de promotion discrets, d’être référencé en priorité dans les résultats mis en avant par les moteurs de recherche en vue, qui peut payer des journalistes et des moyens techniques importants ? Les médias des riches et de l’Etat.
L’écart entre les possibilités concrètes d’expression d’une prolétaire ou d’une militante de base avec une ministre ou une riche PDG en vue est colossale, à l’image des inégalités de revenus et de patrimoine.
Quand, par moment, des expressions rebelles dérangent de trop, alors le régime et ses flics n’hésitent pas à réprimer. On a vu de nombreux cas ces dernières années et depuis la pandémie de coronavirus, exemples :
- Banderoles censurées : Censure et pression des autorités contre de simples banderoles à Luc-en-Diois + Quand à Die on censure et réprime au nom de l’écologie + Le régime macroniste et ses flics s’en prennent à nouveau à de simples banderoles !
- Manifestations nassées et dispersées très souvent
- Terrorisme d’Etat qui empêche les gens d’aller manifester (mutilations, éborgnages, coups, menaces, réclusions...)
- Journalistes blessés et arrêtés par la police
- Les associations écolos et autres subissent la répression et la surveillance, leurs droits élementaires totalement bafoués
- Profs et élèves de plus en plus baillonnés par l’institution scolaire
- Des plaintes contre des médias
- Même le présent média Ricochets est réprimé
- (...)
- Autres exemples en Post Scriptum
Le droit à la liberté d’expression, s’il est bien meilleur ici qu’en Chine, et on s’en réjouit, est néanmoins réprimé sans vergogne par le régime et ses sbires dès qu’il dérange un peu trop les puissants.
Pire, les revendications exprimées sont totalement ignorées et méprisées par les pouvoirs.
On a pu le constater non-stop avec le soulèvement des gilets jaunes et la politique autoritaire infligée depuis la pandémie.
Ce droit présenté comme si primordial est en réalité sans arrêt piétiné par les puissants, directement ou de manière plus larvée via le fonctionnement standard de l’économie capitaliste.
Le droit à la liberté d’expression est en réalité un droit fictif, un faire valoir, un défouloir sans effet notable.
- Le système réduit la liberté et la démocratie à l’expression tandis que notre impuissance politique et économique concrètes s’aggravent
2. Le système réduit la liberté et la démocratie à l’expression tandis que notre impuissance politique et économique s’aggravent
L’expression, la pensée, la critique ne gênent pas des masses les affaires et le pouvoir des oligarques et capitalistes.
L’expression n’a que très peu prise sur le réel, sur la marche du monde, ou alors indirectement par l’éducation populaire, la réflexion subversive et l’information qu’elle peut essayer de propager, en escomptant que ça accélère parfois des prises de conscience et engagements.
Aussi, si l’expression reste dans les formes admises par les lois édictées par le régime et qu’elle ne dérange pas le fonctionnement économique via par exemple des manifestations émeutières et blocages sérieux, elle est tolérée, voire même encouragée si les dirigeants sont avisés.
L’expression participe aussi à l’utile guerrilla psychologique et culturelle en occupant les rues et les murs. Mais à ce jeu les capitalistes, leurs objets et leurs pubs sont beaucoup plus puissants.
Là encore, les quelques expressions subversives qui arrivent à surnager dans le grand vômi ininterrompu des marchandises merdiatiques et publicitaires ne toucheront que des déjà convaincus ou déjà très interrogatifs/curieux.
Est-ce que l’expression subversive influence vraiment la pensée des gens réceptifs ou est-ce qu’elle révèle simplement ce qui était déjà là dans les têtes ? Un mélange des deux sans doute.
« Exprimez-vous, débattez, discutons, nous sommes ouverts au débat, en France on a le droit de critiquer, la démocratie c’est la contradiction, etc. » répètent en boucle les marrionnettes des puissants.
Comme ils savent que ça n’a pas d’effet sur le réel et qu’ils peuvent en grande partie contrôler ce jeu là, les plus malins ne se privent pas de se mettre en valeur hypocritement en jouant les « démocrates » tolérants qui laissent s’exprimer, dans le vide, les contestations et revendications. Au passage, ils en profiteront cyniquement pour se faire valoir en sages, en rationnels réalistes au dessus de la mêlée des pulsions primaires, et ils expliqueront mieux leurs inévitables « réformes » libérales que les masses stupides n’arrivent pas à comprendre. Le « grand débat » macroniste en a été un parfait exemple : enfumage, enlisement des revendications, macron qui faisait du monologue, aucune mesure positive à la clef....
Et quand l’expression est trop subversive ou irrévérencieuse, quand elle pourrait inciter à agir vraiment sur la marche du monde, alors ils répriment, censurent, isolent, dénigrent (voir plus haut partie 1. et PS)
Dans les fausses démocraties mais vrais régimes autoritaires, le droit à la liberté d’expression mis en valeur permet d’occuper les gens, de leur faire croire à un pouvoir alors qu’ils en sont totalement ou presque dépossédés par les institutions étatiques et le monde capitaliste.
Pendant qu’on passe de l’énergie et du temps à défiler, à pétitionner, à faire des banderoles, à crier, à écrire des articles, à chanter, à coller des affiches, à faire des tags, à distributer des tracts, on ne pratique pas d’occupations, de grèves, de blocages et autres, on ne construit pas des activités s’émancipant concrètement du capitalisme et de l’étatisme, on ne reprend pas du terrain.
L’expression étant malgré tout plus facile (même si les manifs deviennent souvent des champs de bataille dangereux), accessible, bien vue, elle est inévitablement plus vite choisit comme mode d’action principal.
D’autant que de nombreuses personnes croient encore que les doléances et suppliques aux puissants et oligarques pourraient être entendues, comprises, prises en compte, et générer de réels changements positifs (c’est plus facile de s’illusionner plutôt que d’accepter de reconnaître la dure réalité).
Parfois, pour des choses secondaires qui ne changent rien au monde tel qu’il va ou quand ils visent un gain électoral à moindre coût, les puissants tiennent compte des doléances, mais la plupart du temps, surtout s’il s’agit de revendications pour des changements radicaux et que ça gênent leurs intérêts, l’expression populaire et militante sert de papier toilette, de torche-cul, ils s’assoient dessus comme le disent franchement et cyniquement certains.
Les oligarques ne manqueront pas de dire pour valider leur tyrannie que ce n’est pas la rue qui gouverne, que la démocratie (réduite au vote entre des candidats en compétition) les a élu et qu’ils sont parfaitement légitimes à prendre librement leurs décisions. Dans ces institutions anti-démocratiques et centralisées, vous pouvez toujours vous exprimer, mais ils feront leur tri, piocheront ce qu’ils veulent selon leurs intérêts et idéologies, et décideront sans vous au final, avec quelques miettes de pseudo-participatif pour la com (voir les méthodes de Mariton à Crest). « Démocratie » et « réprésentative » sont deux notions incompatibles qu’on nous vend pourtant partout à toutes les sauces.
Même si la liberté d’expression est importante, on a souvent tendance à lui donner trop de poids (et moi le premier parfois), et à oublier tout le reste, la confrontation à la matière, le coup d’arrêt concret aux projets néfastes, la coopération dans l’action, la décision collective à construire, la maîtrise des outils de production et de distribution, le partage des tâches, etc.
Au lieu d’être juste un moyen de communication et de préparations aux actions concrètes, l’expression individuelle et collective devient trop souvent une fin, ça ne va pas plus loin.
Et ça se comprend, aller plus loin est nettement plus difficile, nos propres limites et les fortes résistances violentes du système en place sont là (flics, lois, propriété privée, habitudes, intérêts, lobbies...).
3. Réduction de la liberté à la liberté libérale, et à la liberté d’expression
Tout d’abord, lisez svp cet article citant l’oeuvre de Charbonneau, ou au moins l’extrait mis en avant ci-après :
Du libéralisme au fascisme, le développement totalitaire de la civilisation, par Bernard Charbonneau - un extrait de l’excellent livre « L’Etat » que Bernard Charbonneau acheva d’écrire en 1948. Il y décrit la plongée de la majeure partie de l’humanité, au fil des siècles et proportionnellement à la progression de l’Etat, dans un monde totalitaire. Nous considérons que la volonté de puissance donnant naissance à l’Etat s’inscrit dans le cadre plus vaste du processus de civilisation.
Pourquoi les principes de liberté les plus purs ont-ils abouti aux tyrannies les plus complètes de l’histoire ? Parce que la liberté des libéraux n’a pas été l’esprit vivant qui aurait pu former le monde moderne, mais la formule qui a servi à exorciser la seule force qui pouvait s’imposer à lui. Réduisant la liberté à la liberté de pensée, le libéralisme a déchaîné à travers l’idolâtrie du bonheur individuel une passion de l’utile et de la puissance collective qui elle a vraiment façonné le monde actuel.
Cette liberté n’était pas une vérité sacrée ; elle n’était pas le devoir que l’homme doit accomplir contre le monde et contre lui-même, le plus terrible de tous : le choix dans la solitude, mais une commodité que pouvait garantir la loi : l’esprit critique, la liberté… de pensée. Ce que l’individu libéral appelait liberté, ce n’était plus une passion conquérante s’exprimant par l’action, mais une délectation passive, purement intérieure, que la contrainte de l’Etat lui paraissait devoir protéger des heurts avec le monde extérieur. Alors, la liberté a cessé d’être le commandement qui s’impose aux conditions par les personnes ; à travers les hommes elle a cessé de former la réalité à son image. Comme toute pensée qui dégénère, la liberté des libéraux est devenue un idéalisme. Définissant la liberté de l’individu en dehors de toute condition concrète, sauf l’unité — et à ce compte il y aura toujours des individus libres —, le libéralisme la laisse écraser par les conditions — non seulement par les conditions économiques, mais par toutes les autres. Par cette somme de toutes les déterminations qui a nom Etat moderne.
La réduction de la liberté à la liberté libérale, une liberté sans prise sur la vie quotidienne et les orientations politiques (en tout cas pour les masses), permet au système de paraître ouvert alors qu’il a réduit considérablement la maîtrise du cours de nos vies. Il l’a même tellement réduit qu’il ne reste que la « consomm’action », l’acte d’achat, le vote épisodique et ...l’expression. Il ne reste que la soumission consentie aux règles édictées par le complexe étatico-capitaliste, et un droit d’expression limité et sans effet tangible. Il ne reste que le « choix » entre divers produits calibrés, matériels ou idéologiques, fabriqués pour nous par la civilisation industrielle, ses merdias et ses usines.
Souvent, en plus, on se perd dans les méandres d’une expression qui part dans tous les sens, on aligne pieusement des lieux communs, on s’abîme dans des débats byzsantins sur le degré de radicalité ou la définition des mots coupés en quatre. N’ayant plus que ça, que l’expression sous contrôle, ça se boursouffle, ça tourne en rond sur soi-même, ça se sclérose, ça tourne à vide, ça devient parfois un moyen de faire du style.
L’expression devrait être en prise directe avec la vie, avec du vécu bien concret, au lieu d’être une pâle compensation de notre impuissance politique et économique fondamentale au sein de ce système totalitaire tortueux et masqué.
Pour compenser la monotonie de nos vies de rouage contraint par la civilisation industrielle on va s’épancher davantage dans l’expression, mais ça ne fait que « banaliser » l’expression.
Conclusion
Si l’expression a son rôle et que la libre expression est un droit important, ça ne doit pas nous faire oublier tout le reste, la maîtrise de nos existences quotidiennes et la participation active aux décisions politiques, toute chose que la mégamachine du complexe étatico-capitaliste nous ôte, détruit méthodiquement, et veut occulter via le culte des loisirs et la mise en avant de l’expression désespérée de nos désarrois et révoltes sans prises sur le réel.
A nous de sortir l’expression des contraintes et de ses dérives virtuelles, en l’intégrant dans un renouveau profond des luttes, résistances, actions ancrées dans le terrain, la matière, le vécu du quotidien bien réel.
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