Une feuille de route en cul-de-sac
À travers son cartel d’organes médiatiques, la Multinationale d’états totalitaires(1) -un pléonasme s’il en fallait un, nous bassine, et cela depuis plus d’un siècle, avec l’imposture d’une soi-disant feuille de route, censée résoudre le conflit israélo-palestinien.
On voit où cela a amené les GazaouiEs. Les statistiques meurtrières sont tout simplement inouïes.
Pourtant, devant l’ampleur du massacre, on ne peut qu’être étonné par le courage, la dignité et la résistance du peuple palestinien. Même mutilé, ce peuple martyr reste debout(2).
La perfide Albion
Les rails qui ont mené à cette catastrophe furent posés dès 1917 par le génie diplomatique britannique. L’Empire s’est inscrit dans le projet de colonisation sioniste par une déclaration ouvrant la voie à l’établissement d’un “foyer national pour le peuple juif” en Palestine. En contrepartie et pour faire court, le Chef d’état-major de l’armée royale a pu bénéficier d’une manne financière du lobby sioniste anglais dont la conséquence, logiquement, n’était autre que l’accélération du remplissage des charniers autour des tranchées.
A cette époque, la Palestine était sous le joug de l’Empire ottoman et très habilement, le gouvernement anglais a su monter les Palestiniens contre les occupants turcs, alliés de l’ennemi allemand. Ensuite, en permettant le sionisme en Terre sainte, le Royaume-Uni a favorisé l’accélération de la colonisation.
Les Palestiniens avaient, donc, un nouvel ennemi : les colons sionistes.
N’oublions pas que c’étaient les propriétaires palestiniens qui ont vendu leurs terres -des parcelles très fertiles, permettant ainsi une vaste appropriation foncière par les colons juifs, eux qui voulaient surtout écarter la paysannerie arabe devenue, du coup, désœuvrée.
Les prémices de l’apartheid
Bricolée sous mandat britannique après la “Grande guerre”, la feuille de route devait passer par la création d’un état fédéral sous contrôle anglais, un plan qui fut abandonné et remplacé en 1937 par une solution de partition à l’irlandaise, une sorte d’ulsterisation de la Palestine, un charcutage territorial qui allait permettre aux colons sionistes d’avoir, démographiquement parlant, un état à dominance ethno-religieuse.
Cette amputation de territoires déclencha un soulèvement des Arabes de Palestine, des paysans dépossédés pour la plupart, porteurs de keffiehs, une coiffe devenue symbole de la résistance. Prévisiblement, cette révolte donna aux Sionistes l’excuse de refuser le plan et se battre pour plus de terres et un état plus grand.
La Nakba
En 1947, la Grande-Bretagne, incapable de gérer un souk monstrueux de sa propre création, céda le contrôle de la Palestine à l’ONU. Ce transfert de responsabilité -avec un nouveau plan de partage de territoires, dévoila une feuille de route à sens unique -vers la sortie, car oui, vous l’avez compris, c’était le début de la Nakba, un nettoyage ethnique à grande échelle, la première phase du génocide. Des milices sionistes armées se livraient aux massacres. Plus de 15 000 PalestinienNEs furent tuéEs. 750 000 autres, terroriséEs, étaient obligéEs de prendre le chemin d’exil. Ce qui a laissé la place pour le grand remplacement des colons sionistes qui, numériquement, les ont supplantés.
Devant la création de l’État d’Israël en 1948, l’ONU devait être la garante du droit de retour des exiléEs palestinienNEs. Difficile à croire, mais le médiateur spécial de l’Organisation des Nations unies pour le Moyen-Orient, Folke Bernadotte, fut assassiné par la bande Stern(3), un attentat commandité par Yitzhak Shamir, devenu des décennies plus tard Premier ministre d’Israël.
Gaza est devenu le plus grand camp de réfugiés de la diaspora, un camp clôturé en 1995 et sous blocus depuis 2007, une cocotte-minute dont les manifestations et les intifadas sont durement réprimées par des bombardements et des attaques portant comme noms Pluie d’été, Plomb durci, Pilier de défense, Barrière de protection, Gardien des murailles et Aube naissante. Un autre terme serait plus juste : Génocide !
Par ailleurs, un mur entérine en toute illégalité l’annexion de la Cisjordanie. Hébron, fleuron palestinien et site du tombeau des Patriarches, est devenue une ville fantôme après le massacre par un fondamentaliste juif de 29 Palestiniens en pleine prière. Jérusalem est annexée et judaïsée comme pour le reste, sous l’œil complice des USA.
Et partout, les terres ainsi que les ressources en eau sont confisquées. Les expulsions s’accélèrent. Les assassinats restent impunis. Les prisons israéliennes regorgent de résitantEs palestinienNEs. Et l’opinion internationale est méprisée.
Du traité de paix israélo-égyptien de 1979 - Camp David I, en passant par les accords d’Oslo en 1993, jusqu’aux accords de Camp David II en 2000, rien n’a changé.
D’accord, la feuille de route est devenue le processus de paix israélo-palestinien, mais peu importe. La situation s’enlise et s’empire.
De manif en manif, d’Assises en Assises, il n’y a pas grand-chose qui bouge. La Multinationale des états totalitaires fait semblant de bouger mais au fond, elle ne bouge absolument pas. Elle est complice. La France en fait partie et ici, sans vergogne, s’attaque de plus en plus aux journalistes et militantEs antisionistes.
Le Hamas a choisi le 7 octobre 2023 comme date de soulèvement en s’attaquant aux bases militaires des Forces d’occupation israéliennes et aux colons armés. Était-ce une erreur ? Si oui, alors, comment faire quand le monde vous tourne le dos ?
Par l’effet de surprise qu’il a créé, ce soulèvement rappelle l’insurrection irlandaise de lundi de Pacques 1916. Et comme les Palestiniens, ce qui unissait le peuple irlandais, c’était d’en finir avec la colonisation.
Notre responsabilité
Nous vivons dans un monde totalitaire de plus en plus fasciste. Le fascisme, selon l’analyse d’Antonio Gramsci, c’est la phase ultime du capitalisme. D’ailleurs, les dérives financières actuelles avec l’essor de la cryptomonnaie, ne présage rien de bon. La crainte d’un nouveau krach est bien réelle. Politiquement, nous sommes témoins de l’intensification de ce que Gramsci appelait la césarisation, c’est à dire, l’émergence d’un culte d’hommes forts qui prônent la guerre permanente afin de perpétuer leur pouvoir et faire taire l’opposition.
Le problème, à mon sens, ce n’est pas Israël en lui-même. Ce serait trop simple. Le problème, c’est “notre” participation dans les élections étatiques, “notre” acceptation des hiérarchies, “notre” peur des autorités, “notre” incapacité d’imaginer et réaliser un monde libre, “notre” propre complicité, ignorance ou impuissance devant ce système mortifère.
Les Assises pour la Palestine critiquaient les agissements des états totalitaires et avec brio, mais ne mettaient pas en doute leur existence. Comment un instant, donc, imaginer que “nos” états totalitaires -garants du génocide, voudraient arrêter Israël ? Israël, c’est l’exemple parachevé d’un état totalitaire. Il partage le même ADN que tous les autres.
C’est ce phénomène que Jean Vioulac décrit implacablement dans la Logique totalitaire : Essai sur la crise de l’Occident (Éditions Humensis, 2023), une logique qui a permis Verdun, Auschwitz, Hiroshima, Tchernobyl, le Rwanda et aujourd’hui Gaza.
Comment faire ?
Il n’y aura pas de Grand Soir, pas de révolution -sauf peut-être qu’en cas de l’effondrement du système. Dans tous les cas, notre meilleure arme, c’est la solidarité et l’autogestion alimentaire. Toute tentative de sécession est bienvenue, qu’il s’agit de la création de groupes informels hors états ou le désengagement individuel du système économique. Notre révolution coupera l’herbe sous les pieds des oppresseurs. Il ne suffit pas de participer au boycott mis en place par BDS(4) !
Ca ne veut pas dire que l’on ne se défendra pas. L’auto-défense est légitime. D’ailleurs, c’est maintenant le moment de s’en servir pour la défense du peuple palestinien. A nous d’imaginer comment l’inscrire dans la réalité.
C’est à nous, ici et maintenant, d’élaborer notre propre feuille de route. Notre destination, il n’y a pas de doute, c’est la liberté. Et une fois arrivé, ce sera la fin de l’exploitation et l’oppression.
Il suffit d’y croire, peut-être, et de savoir que des communautés autogérées existent déjà comme à Marinaleda en Espagne ou à Chéran au Mexique, des réussites autogestionnaires perfectibles, c’est vrai, mais qui ont le mérite d’exister.
À nous, donc, sur le chemin vers la liberté, de s’informer et de se former pour ensuite informer et former. À l’instar des Quakers pacifistes, parlons la vérité au pouvoir, mais aussi et surtout, parlons la vérité aux amiEs, à la famille, aux collègues, aux voisinEs et aux inconnuEs, la vérité sur le pouvoir de “nos” états totalitaires et mortifères, responsables du massacre des enfants innocents.
Les tours de passe-passe et le rôle de la propriété
Le pouvoir ment et en pervers parfait, met la responsabilité des massacres sur le dos des victimes. La facilité avec laquelle les marionnettes des états totalitaires manient le Gros mensonge(5), devient une cible de prédilection des critiques. À l’époque de la première présidence macroniste, par exemple, Fréderic Lordon dans son essai le Moment Potemkin(6), tournait en dérision les déclarations bateaux et assez absurdes d’Edouard Philippe en les juxtaposant aux affirmations des officiers du cuirassé Potemkin qui soutenaient devant l’équipage que la viande des provisions n’était pas avariée. Or, visiblement, elle grouillait de vers.
« Le major : “Cette viande est très bonne, cessez de discuter.”
Édouard Philippe : “Les femmes seront les grandes gagnantes du système universel de retraites (…) Les garanties données justifient que la grève s’arrête.” »
L’état totalitaire français agite le drapeau de la Liberté, Fraternité et Égalité comme un magicien qui fait diversion pour mieux cacher son jeu de manipulation. En exhibant la Déclaration universelle des droits de l’Homme, par exemple, sa justice, la justice bourgeoise, s’accroche névrotiquement à la défense du soi-disant “droit” d’accumulation de la propriété, la colonne vertébrale du système cadavérique(7).
Dans sa satire scandaleuse, Une modeste proposition(8), Jonathan Swift en 1721 choqua les consciences bourgeoises devant le grave problème d’orphelins en bas âge dans les rues de Dublin. En manipulant une ironie sauvagement incisive, Swift proposait qu’à partir de l’âge d’un an, l’on pourrait engraisser les enfants… pour ensuite les manger. À propos des propriétaires, il écrivait ceci :
“Je reconnais que cette nourriture sera quelque peu coûteuse, et donc très appropriée pour les propriétaires, qui, ayant déjà dévoré la plupart des parents, semblent avoir le meilleur droit sur les enfants.”
Les ogres totalitaires sont en train de manger les enfants de Gaza. Si leur Titanic financier coule, tant mieux.
Tourner en rond ou retourner en arrière n’étant plus possible, les rafiots de la solidarité et de l’intelligence sociale nous transporteront immanquablement vers des îles de la liberté.
Ici, dans la nation actuellement désignée par le terme “République française”, aucune lutte ne rassemble des manifestantEs d’autant d’ethnies diverses et variées. Les cités et les campagnes sont unies dans leur rejet catégorique du génocide. Aucune lutte ne fait autant de consensus car au plus profond de nous mêmes, nous savons que la lutte pour la liberté du peuple palestinien, c’est notre lutte. Ce peuple inspiré n’a rien cédé au sionisme. Malgré le conte de fées du cartel médiatique qui essai de vendre une bande de Gaza transformée en une sorte de Monaco, nous savons que jamais le peuple palestinien ne lâchera ! Les idiots totalitaires au pouvoir, n’ont ils jamais ouvert un livre d’histoire, celui qui raconte les victoires anti-colonialistes des peuples irlandais, africains et vietnamiens ou la victoire anti-apartheid du peuple sud-africain ? Il est vrai que ces victoires ne sont que des victoires partielles, car les drapeaux des colons ont été remplacés par d’autres drapeaux représentatifs d’autres formes d’oppression.
À “nous”, donc, de suivre le cap fixé par le peuple palestinien pour laisser derrière nous ce système colonialiste, capitaliste, patriarcal et criminellement liberticide.
N’ayant pas peur des ruines, notre première escale sera à Gaza.
C’est là-bas où nous allons apprendre comment résister.
"Génocide ! Terminus ! Tout le monde descend ! C’est ici où l’on se bat toutes et tous ensemble jusqu’au bout !"
David Connaughton
NOTES
1. Les cirques électoraux - supposés légitimer le fonctionnement d’un état, seraient beaucoup plus amusants si les clowns n’étaient pas si lourdement armés. De par son monopole de la violence, chaque état est totalitaire. “Structure totalitaire” ou toute autre formule, ne pourrait être qu’un synonyme du mot “état”. C’est cette Multinationale d’états totalitaires - facilitatrice de l’exploitation et organisatrice de l’oppression, qui fait la nique à la mission de paix de l’ONU, clairement impuissante face aux volontés belliqueuses.
2. Avant la destruction par les forces d’occupation israéliennes du dernier hôpital gazaoui le 13 avril, 90% des interventions chirurgicales étaient pour des amputations.
3. Connu pour son inimaginable tentative d’alliance avec le Troisième Reich.
4. Boycott, désinvestissement et sanctions : https://www.bdsfrance.org
5. L’emploi du Gros mensonge relève d’une technique de propagande. Le pouvoir manipule celles et ceux qui écoutent les médias bourgeois en leurs faisant croire -à force de répétition, en un mensonge énorme car il leur semble impossible que l’on puisse avoir le culot de déformer la vérité de manière aussi cynique. L’expression allemande a été utilisée pour la première fois par Adolf Hitler dans Mein Kampf (1925). Hitler accusait les Juifs d’avoir imputé la défaite de l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale au général allemand Erich Ludendorff, qui était un important dirigeant politique nationaliste de la République de Weimar. Cette technique est employée en permanence par Donald Trump lorsqu’il déclarait, par exemple, que l’on avait triché lors du scrutin de l’élection présidentielle précédente. En niant que l’Israël est coupable de génocide, les propagandistes sionistes ont en font autant.
6. Le Monde diplomatique, 13 décembre 2019.
7. « La Constitution garantit l’inviolabilité des propriétés... ». (Constitution de 1791 : Titre Premier - Dispositions fondamentales garanties par la Constitution.)
8. Modeste proposition : pour éviter que les enfants des pauvres ne soient une charge pour leurs parents ou leur pays, et pour les rendre utiles au public.