Depuis pas mal de temps, je vis les « fêtes de fin d’année » dans le malaise et l’agacement, cette année encore plus que d’habitude.
D’entrée, à ceux qui me traiteront de rabat joie râleur et négatif, je précise que je ne suis pas contre des temps de fêtes, même ritualisés à dates fixes, mais que j’ai bien du mal à supporter la gabegie et la marchandisation normalisées dans ce système outrageusement inégalitaire et violent qui détruit les humains et tout le monde vivant. On peut célébrer et faire la fête autrement.
- Le village du père Noël, ses lutins, son traîneau
Voici les raisons principales de ma critique des « fêtes de fin d’année, Noël et jour de l’an » :
Les inégalités sociales et économiques
Quand on voit la débauche d’argent, de luxe, de gaspillages, de produits jetables qui a lieu pendant « les fêtes », alors qu’ici et ailleurs une bonne partie de l’humanité vit dans la pauvreté, la misère, sans parler des populations qui crèvent de faim, et qu’une poignée de milliardaires « possèdent » plus que la somme de milliards d’humains pauvres, on a envie de vomir.
Cette indécence là ne gêne pas les politiciens au pouvoir ni les merdias, au contraire, ils s’inquiètent d’une possible baisse de chiffre d’affaire due à la légitime insurrection en gilets jaunes.
Exploitation des travailleurs partout dans le monde
Même si ce problème n’est pas spécifique à Noël, il est particulièrement cynique et violent de fêter la paix, la fraternité, la joie d’être ensemble quand la plupart, voire la totalité des produits consommés sont issus de l’exploitation d’êtres humains ici et ailleurs (voir paragraphes suivants pour les autres vivants).
On sait notamment que pratiquement tous les jouets, gadgets, vêtements, que l’on s’offre mutuellement viennent d’usines immondes d’Asie et d’autres pays où la main d’oeuvre est moins chère, le droit du travail faible ou inexistant, où les travailleuses et travailleurs sont anéantis par des conditions de travail déplorables et des salaires misèrables, comme en Europe au 18e et 19e siècle.
Tout ça pour le profit maximum des riches patrons d’ici et de là-bas, pour des actionnaires vautours et des politiciens cyniques comme Sarkozy, qui a voulu généraliser les « hard discount » pour les pauvres au lieu de changer les structures économiques (relocaliser, décroissance, sortie du capitalisme).
Pour augmenter les profits des groupes industriels, les productions sont délocalisées ailleurs en masse, ce qui assure transitoirement ici un certain « niveau matériel de vie » (pour quoi faire ?), mais au prix du massacre des gens et de la nature ailleurs, au prix d’un accroissement des transports et des pollutions qui vont avec.
voir par exemple :
- Travail des enfants : Samsung pris au piège de ses beaux discours
- Derrière l’iPhone d’Apple : quatorze années de violation des droits des travailleurs en Chine
- La poupée Barbie aurait-elle des penchants esclavagistes ? - Salaires de misère, heures supplémentaires excessives, exposition à de multiples produits toxiques… Les conditions de travail dans les usines chinoises fabriquant des jouets pour le groupe Mattel – Barbie ou Fisher Price – sont jugées indignes par des organisations chinoises et européennes, qui ont enquêté sur place. Ce qui n’empêche pas le leader mondial du secteur de prétendre que ses produits sont conçus dans des conditions socialement responsables. Visite virtuelle dans une usine chinoise.
- Au Bangladesh, une ouvrière du textile meurt tous les deux jours - Plus de 1 700 morts en huit ans. Tel est le lourd tribut payé par les ouvrières du textile au Bangladesh pour fournir à bas coûts des tee-shirts ou des chemises aux grandes marques occidentales. Avec un millier de morts, la catastrophe du Rana Plaza a enfin attiré l’attention de l’opinion. Et obligé les grandes enseignes à réagir en signant un accord qui devrait faire date. De leur côté, les grandes marques françaises, comme Carrefour ou Auchan, qui continuent de s’abriter derrière leurs codes de bonne conduite, peinent à s’engager véritablement.
- La Chine asphyxiée par la pollution de l’industrie textile
- Le vrai coût de fabrication de nos smartphones : pollution, esclavage, conflits armés
- Textile : les ouvrières asiatiques en lutte pour un salaire vital
- Les exploiteurs et destructeurs sont si sensibles, si attachés à leur liberté d’entreprendre
Les « fêtes de fin d’année » détruisent le vivant
Toute l’année le consumérisme, la Croissance, le profit, le productivisme, l’industrialisme, le système marchand, le capitalisme, détruisent partout le climat, les animaux, les sols, les forêts, les rivières, l’eau potable, les peuples autochtones, les humains, surtout les plus pauvres, etc., mais pour les « fêtes de fin d’année » l’orgie de destruction connaît une accélération dantesque.
Les industries de la mort, de la publicité et de l’anéantissement du monde vivant tournent à plein régime dans un orgie d’hyperconsommation, de signes ostentatoires de vraie ou fausse richesse matérielle, de fausse joie éphémère du consumérisme disjoncté.
Partout s’étalent les marchandises, les sinistres marchés de Noël voués à la consommation, à l’hébétude et à la joie forcée et consommatrice, les promotions gluantes des grandes surfaces, les appels à la trêve des confiseurs et autres saloperies pour qu’on crache nos derniers euros comme des pantins.
Partout, même lors d’un soulèvement de gilets jaunes révoltés, merdias et politiciens appellent à consommer, à respecter la liberté de commercer des commerçants, la liberté de continuer à détruire le monde pièce par pièce de manière accélérée, le tout en chantant de jolis cantiques de Noël, des « petits papas Noël » et des gentils voeux de bonheur au milieu du carnage planétaire que nous aggravons tous tant que le système mortifère en place existera, le tout sous les jolies guirlandes nourries d’électricité nucléaire garnissant des sapins industriels desséchés.
Des gilets jaunes, des jeunes, des vieux, des retraités, des femmes, des lycéens se font massacrer dans les rues à coup de matraques, de lacrymos et de flash balls par un système autoritaire antidémocratique qui tente de perdurer par la force , et il faudrait faire une trêve, respecter le commerce, aller consommer les quelques euros qui nous restent pour nourrir encore et encore le système qui nous broie.
Certains d’entre nous se font tuer, d’autres mutiler, humilier, battre, emprisonner, gazer, tirer par les cheveux, traiter pire que des rats, et il faudrait qu’on aille consommer docilement les babioles pourries des industries destructrices qui sont justement une des causes de nos malheurs !
La voilà la vraie indécence !
L’indécence structurelle d’un système archaïque et meurtrier qui éclate encore plus au visage au moment des « fêtes de fin d’année ».
Heureusement, ça et là on voit des actes de résistance, des vitrines de luxe et de banques détruites, des gestes de solidarité, la magie d’un geste chaleureux gratuit, c’est entre autre ce qui permet de tenir à peu près le coup au milieu du désastre.
L’Hyperconsommation au lieu de la décroissance révolutionnaire et de l’arrêt des civilisations industrielles
Alors que partout la planète craque, que partout les humains et les autres animaux sont massacrés par cette civilisation, qu’on sait tous pertinemment qu’il faut arrêter ce délire au plus vite et diminuer au max les émissions de CO2, voilà qu’en fin d’année le système nous exhorte H24 à faire exactement l’inverse !
Comme un drogué suicidaire et cancéreux en phase terminale, le système réclame sa dose de CO2, de Croissance et de consommation, et nous sommes sommés de lui apporter, et c’est nous qui crèverons avec lui si on continue à obéir comme des zombies !
Le carnage de la consommation d’animaux
Je sais bien que la plupart des gens ne sont pas prêts à arrêter de manger des animaux, qu’ils tiennent à leurs habitudes et à leurs traditions, qu’ils n’aiment pas suffisamment les animaux au point d’arrêter de les faire tuer et de les manger sans nécessité vitale, mais je le dirai quand même.
La surenchère de consommation de cadavres d’animaux tués pour nos plaisirs gustatifs donne la nausée.
Les piles d’os, de foie gras, de peaux écorchées, de sang, de dindes, de saumons industriels ou gavés de métaux lourds, de viandes de toutes sortes, de charcuteries... dépassent l’entendement !
Et la plupart des gens trouveront ça normal et super, pas question de faire une fête sans sa dose de viandes de poissons (bientôt il n’en restera plus) ou d’animaux terrestres produits industriellement ou en élevages bios, mais qui tous passeront par l’abattoir.
On prétend fêter l’amour et la fraternité sur des monceaux de cadavres d’« innocents » animaux, ces horreurs s’ajoutent aux autres pour former une vision insoutenable si on y prête vraiment attention.
La futilité et le mimétisme creux
Souvent, pas toujours heureusement, ces fêtes de fin d’année ne représentent rien d’autre qu’un moment d’oubli, de répétition des diktats de la publicité, on mange et on boit juste par habitude, parce qu’on ne sait rien faire d’autres, parce que nos imaginaires ont été tués par les merdias et la pub.
Alors on achète les mêmes produits industriels de sous-luxe, les mêmes jouets chinois en plastique, les mêmes champagnes bas de gamme et chers.
Au lieu de s’approprier vraiment les fêtes et de se détacher de l’industrie du loisir et de la consommation, on fait trop souvent les robots. Faisons plutôt preuve d’imagination, d’invention, de spontanéité, d’humanité, de solidarité.
Dansons dans les rues, crâmons une belle barricade, invitons des inconnu.e.s, inventons des poèmes, occupons une usine...
Le cocon et l’entre soi
Souvent, pas toujours, les « fêtes de fin d’année » sont l’occasion de renforcer les habitudes de l’entre soi, de se retrouver dans le plus ou moins étendu cocon familial.
On voit donc le contraire d’une ouverture aux autres, à la solidarité, à l’échange, au dépassement des catégorisations culturelles, Noël et le jour de l’an sont plutôt l’occasion de renforcer sa bulle, de s’éclater à plusieurs chacun.e enfermé.e dans son petit monde et ne désirant surtout pas en sortir.
En même temps, on peut comprendre que des gens aient envie de se poser au calme en famille ou entre potes. Mais alors, ce qui est terrifiant, c’est que ça veut dire qu’ils n’aient pas trop l’opportunité de le faire à d’autres moments !
Bref, généralement, on assiste au renforcement du monde puant qui nous tue, mais sur un mode festif d’éclate et de débauche générale.
Les « fêtes de fin d’année » sont moches
D’abord, on a l’ignoble Père Noël récupéré par Coca cola et la sinistre propagande commerciale, un faux vieux en synthétique qui veut nous faire consommer à mort et nous vendre des fadaises.
Ensuite, la plupart du temps les guirlandes clignotantes et les sapins garnis de cadeaux plastifiés sont laids, pire qu’un étalage de grande surface.
Ok, parfois on a de jolis décos, ça anime un peu les jours raccourcis de l’hiver. Mais c’est davantage fait pour créer une ambiance propice aux achats que pour réchauffer les coeurs.
CONCLUSIONS
Le commerce de Noël et la marchandisation de la fête me donnent définitivement la gerbe.
Je ferai la fête si je veux et à ma manière.
Au lieu de consommer des chocolats « locaux » et de la clairette bio avec les (petits) bourgeois alternatifs ou traditionnels, j’irai partager des soupes collectives et des cakes industriels sur les ronds points et les barricades.
Quand je déambule dans les rues, j’ai souvent envie de cramer les sapins et les décos de Noël, d’exploser les vitrines des magasins de luxe et d’enflammer les boucheries.
Je me contrefous du manque à gagner des grandes surfaces, qu’elles crèvent toutes, bravo les gilets jaunes. Elles font partie des entreprises qui détruisent le plus le monde vivant, aidons-les à disparaître.
Et je ne cèderai pas non plus aux complaintes des petit.e.s commerçant.e.s, je n’irai pas consommer chez eux non plus, j’achèterai le minimum. Certains sont utiles et galèrent certes, mais ils se situent tous malgré tout dans le système marchand, dans ce système dégradant de l’immonde échange marchand visant une plus value. « Il faut bien vivre » entend-t-on partout, certes, mais ensemble on pourrait faire mieux que survivre en détruisant le monde autour de nous, et nous avec.
Que les commerçant.e.s aillent plutôt faire le tapin sur le trottoir, ce serait peut-être plus digne et plus clair.
Ce que je voudrais c’est que tous les commerces, petits ou gros, disparaissent, qu’on crée à la place des structures de production et de distribution coopérative locales, à but non lucratif et hors du marché capitaliste, sans argent ni intérêts privés. Et là on pourra commencer à respirer.
Quand est-ce qu’on va se décider à créer des structures collectives autonomes, des communs, au lieu de suivre le dictat capitalisme de la survie individuelle chacun dans son coin ?
Quand est-ce qu’on va dépasser l’individualisation alliénante de la survie dans le travail et la vie quotidienne, quand va-t-on dépasser les petits réseaux entre potes, entre sous classes culturelles ou groupes affinitaires pour définir enfin des objectifs et des stratégies, et se donner vraiment les moyens de les atteindre au lieu de tourner en rond et de répéter sans fin et en vain les mêmes choses limitées, ponctuelles et en réaction tardive aux événements ?
Arrêtons le capitalisme et tous ses avatars, sauvons-nous, « sauvons » le vivant et le climat, agissons sérieusement pour que la planète reste viable et créons des sociétés soutenables qu’on pourrait regarder en face sans honte.
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