J’ai cru pouvoir briser la profondeur l’immensitéPar mon chagrin tout nu sans contact sans échoJe me suis étendu dans ma prison aux portes viergesComme un mort raisonnable qui a su mourirUn mort non couronné sinon de son néantJe me suis étendu sur les vagues absurdesDu poison absorbé par amour de la cendreLa solitude m’a semblé plus vive que le sangJe voulais désunir la vieJe voulais partager la mort avec la mortRendre mon cœur au vide et le vide à la vieTout effacer qu’il n’y ait rien ni vitre ni buéeNi rien devant ni rien derrière rien entierJ’avais éliminé le glaçon des mains jointesJ’avais éliminé l’hivernale ossatureDu vœu de vivre qui s’annule.Tu es venue le feu s’est alors raniméL’ombre a cédé le froid d’en bas s’est étoileEt la terre s’est recouverteDe ta chair claire et je me suis senti légerTu es venue la solitude était vaincueJ’avais un guide sur la terre je savaisMe diriger je me savais démesuréJ’avançais je gagnais de l’espace et du tempsJ’allais vers toi j’allais sans fin vers la lumièreLà vie avait un corps l’espoir tendait sa voileLe sommeil ruisselait de rêves et la nuitPromettait à l’aurore des regards confiantsLes rayons de tes bras entrouvraient le brouillardTa bouche était mouillée des premières roséesLe repos ébloui remplaçait la fatigueEt j’adorais l’amour comme à mes premiers jours.
[P.Éluard...]