Avant, il y a quelques années, je méprisais déjà les puissants, les oligarques de toute obédience, les gros capitalistes, je faisais déjà des critiques acerbes et ironiques de leurs idioties et de leurs folies meurtrières.
Ensuite, j’ai arrêté de les écouter à la TV ou à la radio, c’était trop insupportable de les entendre toujours répéter en boucle les mêmes trucs nauséabonds.
Mais à présent, depuis l’extension de la répression macroniste autoritaire et la banalisation de leur novlangue insupportable, depuis que j’ai pu voir de plus près de quelles violences ils sont capables, avec ces mutilations et ces matraquages de gilets jaunes et autres, avec toutes ces personnes tuées par les flics (Adama, Wissem, Zineb, Steve, Cédric, Jérôme, Rémi...), avec toutes les horreurs et manipulations que les oligarques et les merdias déblatèrent non stop, avec l’approfondissement de leurs projets abjects et destructeurs, je suis passé à un autre stade.
A présent, dès qu’un oligarque, un macroniste invétéré, un tyran patenté, un capitaliste satisfait, un éditorialiste chien-chien de milliardaire ouvre la bouche, je ne le supporte plus. C’est au delà du rejet intellectuel, de l’analyse critique, c’est purement physique, c’est un dégoût profond et spontané, un haut le coeur violent, une rage qui monte, une houle de vomi bien acide, une boule irrépressible de répugnance et de haine qui part du ventre, remonte dans la gorge et atteint alors l’ensemble de mon corps.
Face à ces raclures avides de serrages de main et de « dialogue », mon corps exprime de manière autonome un signe fort de rejet, un réflexe de survie comme face à un Terminator ou à un virus dangereux (un macronavirus ?). C’est comme si mes tripes réagissaient instinctivement face à un prédateur mutant, un alien tueur venu de l’espace, comme si des anticorps internes réagissaient vivement à une espèce étrangère, invasive, nuisible.
Alerte rouge, alerte rouge !
- Le cri, peinture pour Pink Floyd The Wall
Et alors, c’est l’envie de les faire taire qui monte, de leur gueuler dessus, de leur faire avaler leur langue, le désir de les étriper, de leur exploser la tête contre un mur, longuement, avec application, longtemps encore après leur décès.
C’est puissant, c’est physique.
Bien sûr, je vous rassure, je ne le ferai pas, à cause des contrôles moraux inconscients, parce que j’ai pas envie d’aller en taule ni de me faire buter par un flic à la gâchette facile, et surtout parce que je sais que ça ne mènerait à rien, car 10 autres affreux seront là pour remplacer la tête manquante de l’hydre, et puis c’est le système socio-économique en vigueur qui est un problème, pas tant les pires crapules insignifiantes qui le dirigent, l’orientent selon leurs intérêts ou en tirent profit sans scrupules, et puis je sais bien qu’un tel système immonde est soutenu par des tas de petites mains secondaires, par des wagons de résignés et d’adeptes conscients ou inconscients de la servitude volontaire.
En éprouvant cette rage et cette haine, ce dégoût physique et spontané envers ceux qui s’auto-désignent « les élites », « les premiers de cordée », je comprends mieux comment des révolutions peuvent se produire, des têtes royales se faire décapiter, des notables se faire pendre, des têtes de généraux se retrouver au bout d’une pique, comment des explosions de colères peuvent déborder et entraîner le massacre sans pitié des oppresseurs du moment, comment on passe de la manif déclarée festive à la violence révolutionnaire collective.
Face au cynisme répété, on n’a plus envie de s’épuiser à débattre, à dialoguer, on ne débat pas avec des murs mutants venus d’une autre planète, des murs qui accaparent le pouvoir, qui veulent vous écraser par la force enrobée de jolies phrases « progressistes ».
- Le cri, tableau de Munch
Bien sûr, je savais bien que tout être humain peut être capable de violence meurtrière, j’avais lu et vu suffisamment de choses sur les guerres, les holocaustes, les tueurs en série, les féminicides, les brutalités légales de l’Etat et du capitalisme, la torture et les génocides, toutes ces horreurs très courantes dans cette culture particulière qu’on nomme malgré tout « la civilisation ». Bien sûr je savais que je n’étais pas du tout exempt de ces choses là, comme tout le monde, mais je ne pensais pas un jour éprouver intérieurement de tels sentiments, de tels dégoûts physiques moteurs de potentielles rages destructrices envers certains individus.
C’est un peu une surprise, et c’est assez désagréable, assez pénible à vivre.
On doit faire avec.
Quand on est pris par de tels sentiments de rejet viscéral, on risquerait d’oublier qu’en face l’ennemi est malgré tout un être humain, un pauvre type qui s’est trop longtemps perdu dans une direction foireuse pour lui et pour les autres. On pourrait oublier la situation et avoir juste envie qu’il se taise, qu’il disparaisse, que l’insupportable s’arrête, s’il le faut d’un coup de masse dans sa tronche.
Evidemment, des gens bien comme il faut diront que je suis intolérant, arrogant, primaire, violent, pulsionnel, que « la démocratie c’est dialoguer posément même avec les gens butés porteurs d’idées très déplaisantes », que c’est pas bien la haine et la colère, que je devrais méditer davantage pour rester zen et m’exprimer avec bienveillance. Mais ce gentil discours est hors sol, car il n’y a pas de démocratie en réalité dans ce pays et on dialogue en vain avec des murs blindés garnis de flics et de caméras de surveillance, car leurs « idées » pourries ils les appliquent sans notre consentement, car la colère fait partie de la vie, car la révolte est un instinct de survie.
On n’a pas le temps de retourner tous les tyrans, de les faire évoluer progressivement par l’argumentation, l’exemplarité morale et la force de l’amour, ce n’est pas possible, et ce système fabrique tous les jours de nouveaux modèles de raclures prêtes à l’emploi.
Comme on ne peut pas décemment tuer tous les oligarques et aspirants tyrans, on doit donc s’allier pour les virer tous, les empêcher de nuire, par le rapport de force collectif et la mise en place d’autres formes sociales moins propices à leur prolifération, des formes qui empêcheront à la base toutes les tyrannies d’exister.
Une option de sauvegarde serait de m’isoler plus ou moins du monde social, de jouer à l’ermite pour être moins en contact avec ce qui cause la rage.
Mais ça ne me tente pas de fuir. Je préfère faire face, analyser, sublimer, en parler comme je le fais là, pour comprendre et prendre du recul.
- La rage du peuple
Voilà à quoi peut mener l’oppression répétée et cynique organisée en système totalitaire, à quoi mène notre impuissance entretenue légalement au profit des classes dirigeantes et des plus riches, à quoi mène tous ces mensonges, tous ces « cause toujours », ces « ferme ta gueule », ces « viens débattre et dialoguer calmement mais j’en ai rien à foutre de ton sort, de tes aspirations, et j’écraserai par la force ta révolte légitime car je décide et je fais ce que je veux car la loi, l’argent et les flics me donne tout pouvoir », ces visions répétées de corps humains ou animaux martyrisés, tués, noyés, violés, détruits par le travail, avilis par l’argent, déformés par le pouvoir, salis par la concurrence, réduits par l’impératif marchand, robotisés, surveillés, numérisés, pressurés, consommés, jetés, exploités...
La folie de cette culture mortifère rend fou.
Même les révoltés peuvent devenir fous furieux face à l’insistance de l’injustice.
Les folies de cette culture meurtrière sont une torture permanente pour le corps et l’esprit.
Pour ne pas devenir complètement fou, il ne reste que la révolte permanente.
Au lieu de tuer les aliens parasites, il y a aussi la folie de la poésie, de l’art, de la provocation, de la violence des mots.
Dernière remarque :
Quand j’étais très jeune, j’entendais dire : « on est rebelle quand on est jeune, c’est normal, c’est sain, on est anarchiste, puis après on mûrit, on se range, on se case, on devient plus raisonnable ». Ca me faisait peur, j’avais pas envie de devenir trop con, mais heureusement c’était des foutaises !
Car plus je vieilli, plus je suis révolté, plus j’ai la rage, plus je trouve dans le monde tel qu’il va des raisons de l’être.
Pour finir en chanson, voici un petit texte de rap sans prétention pour dire tout ça autrement :
Tous les joursTous les joursJ’ai la rageCa monte dans les toursC’est physiqueCa part direct des tripesChaque jourMon coeur paniqueDès qu’ils ouvrent la boucheDès qu’ils pointent à la téléC’est pas possibleC’est physiqueJe vomis toutes mes tripesDès que j’entends un macronisteDès que ment un néo fascisteCa monteC’est physiqueEnvie de les démonterJ’peux que les détesterC’est pas possibleFaut que ça pèteQui va les cramer à perpète ?Dès qu’ils veulent dialoguerDès qu’ils veulent nous réformerC’est pas possibleJe crame un fusibleC’est physiqueDès qu’ils parlent républiqueDès qu’ils étalent leur fricDès qu’il lâchent leurs flicsJ’ai juste envie de gerberAlors tous les joursJ’ai la rageEnvie de provoquer leur naufrageFinis les miragesTous les joursAvec l’âgeJ’ai toujours plus la rageTous les joursJe suis en nageEn routeVers d’autre rivages.