Voici un texte paru dans Contrepoints, sous la plume de Thierry Godefridi, commentant l’ouvrage de Guillaume Pitron « La guerre des métaux rares » [1].
Contrepoints est un site libéral. L’un dans l’autre, il ne dit ni plus, en tout cas pas moins, de conneries que le présent scribe sur Ricochets.
Parfois donc, des choses intéressantes.
Pour finir sur une note aigre-douce, j’ajoute en fin de texte quelques remarques, pertinentes ou impertinentes, selon le point de vue.
COP21 : 195 États plus l’Union européenne ont signé l’accord de Paris sur le changement climatique sans jamais se poser les questions essentielles, à commencer par celle de savoir où et comment nous nous procurerons les métaux rares sans lesquels cet accord est vain, parce que ces métaux rares sont indispensables à la fabrication des équipements (éoliennes, panneaux solaires, voitures électriques, etc.) permettant d’assurer la transition voulue par l’accord vers des sociétés et des économies durables et sobres en carbone.
L’inventivité technique de l’Homme s’est accompagnée d’une multiplication des métaux utilisés. De l’Antiquité à la Renaissance, seuls 7 métaux (or, cuivre, plomb, argent, fer, étain, mercure) ont été exploités. Au cours du XXe siècle, une dizaine s’y sont ajoutés, une vingtaine à partir des années 1970. Désormais, l’Homme exploite quasiment la totalité des 86 métaux du tableau de Mendeleïev.
LES TERRES RARES
Les rois des métaux « verts » sont ceux baptisés « terres rares », dont les propriétés dépassent celles de tous les autres métaux sur les plans électromagnétique, optique, catalytique, chimique.
Le XIXe siècle a été celui du charbon et de la prédominance de la Grande-Bretagne ; le XXe siècle a été celui du pétrole et de l’hégémonie des États-Unis ; le XXIe siècle sera celui des métaux rares, un domaine dans lequel un État a pris une position dominante, à l’exportation et à la consommation. Cet État, c’est la Chine.
Désireuse de rattraper en trois décennies le retard économique qu’elle avait accumulé sur l’Occident en trois siècles, la Chine s’est accaparée d’une position dominante dans la production de ces métaux et dans leur utilisation en aval en pratiquant un dumping tant économique qu’écologique : sa dizaine de milliers de mines ont ruiné l’environnement, pollué ses fleuves, contaminé ses puits et ses terres arables, privé ses populations d’eau potable. À peine 5 de ses 500 plus grandes villes répondent aux standards internationaux pour la qualité de l’air.
Tel est le constat de Guillaume Pitron au terme de l’enquête qu’il a menée autour du monde pendant plusieurs années et qui a abouti à la rédaction de son essai, le premier, sur La guerre des métaux rares : la face cachée de la transition énergétique et numérique. S’ensuivent trois autres constats :
l’un économique, à savoir que l’Occident s’est jeté dans la gueule du Dragon, la Chine disposant d’un monopole pour nombre de métaux rares et étant l’unique fournisseur des plus précieux d’entre eux, les « terres rares », une classe de métaux sans substituts connus aux propriétés extraordinaires ;
le deuxième écologique, à savoir qu’un modèle de croissance basé sur l’exploitation intensifiée des ressources de l’écorce terrestre s’accompagne d’un impact écologique plus important que l’extraction du pétrole ;le troisième militaire et géopolitique, à savoir que des équipements parmi les plus sophistiqués des armées occidentales (robots, avions, dont le F35, par exemple) dépendent désormais du bon vouloir de la Chine…
La guerre des métaux rares consiste en un compte-rendu d’enquête minutieusement annoté des nombreuses sources (livres, études, rapports officiels, articles de presse, entretiens) de son auteur. Il relève que les énergies prétendument propres nécessitent l’utilisation de minerais rares dont l’extraction ne l’est franchement pas, que ces mêmes énergies aussi dites renouvelables font appel à des richesses du sous-sol qui ne le sont vraiment pas puisque leur formation se compte en milliards d’années, que « vertes » elles ne le sont pas non plus dès lors qu’elles reposent sur des activités qui produisent plus de gaz à effet de serre que ces énergies « décarbonées » ne sont censées en réduire, et que la sortie du nucléaire qu’elles sont supposées permettre s’accompagne d’activités qui génèrent de la radioactivité…
EFFETS DÉVASTATEURS DE LA TROISIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE
Guillaume Pitron attend encore un retour de Jeremy Rifkin, spécialiste américain de la prospective économique et scientifique et prophète de la « troisième révolution industrielle », très influent dans les milieux politiques au plus haut niveau sur notre continent, qu’il aurait souhaité rencontrer afin de l’interroger au sujet des effets dévastateurs de ladite « révolution ».
Si les Occidentaux entendent convertir le reste de la planète à la modération à tous égards, il y a, par contre, des milliards d’individus qui n’attendent qu’une chose, de vivre, se nourrir et voyager comme nous l’avons fait jusqu’à présent. La Chine, en particulier, soucieuse d’assurer son indépendance technologique et la survie de son modèle de gouvernance, basé sur un contrat social tacite, dictature politique contre croissance économique, avec une population qui représente un cinquième de l’Humanité, est condamnée à réussir.
(fin de l’article)
Deux remarques aigres-douces comme promis [2]
A – Il n’existe pas d’ail-faune propre, écolo ou démocratique. Lorsque vous l’utilisez, vous n’êtes plus une personne, mais simplement le dispositif terminal de la matrice. Elle broie non seulement la planète - en consommant notamment des terres rares - mais aussi les capacités cognitives de l’homme. L’ail-faune est le terrible vecteur de la servitude volontaire et de la réduction cognitive en cours. Je n’en ai point.
B – L’auteur prétend que les Chinois ne rêvent que d’une chose : vivre dans une égale débauche consumériste que l’Occident. Je me demande quand on leur a demandé leur avis. Et à nous, quand l’a-t-on demandé ?
J’ai longtemps vécu en Chine : j’en connais bien les « élites » politico-économiques, leur étroit emboîtement, leurs magouilles, tout comme il se connait chez-nous (mais aussi les gens du peuple, des intellectuels, des artistes et même quelques « hippies » et décroissants du cru, car oui, oui, il en existe). N’oublions d’ailleurs pas que la Chine est une démocratie : populaire là, libérale ici (c’est le gauchiste Raymond Aron qui établit cette identité). Bref des daubes comparables.
J’ai toujours su et compris une chose : la Chine est une catastrophe majeure à venir, sur les plans politiques, économiques, civils et environnementaux, et ce d’autant plus qu’elle suivra notre exemple. Le massacre de la place de la Porte de la paix céleste (place Tian An Men), c’était juste l’apéritif. Rendez-vous compte : avec le progrès, les salaires commencent à baisser en Chine – en bas de l’échelle, s’entend – et le chômage prolifère. Tendance que l’intelligence artificielle ne fera qu’amplifier , aux dire de tous les experts sérieux. Quant à nous, nous n’avons rien à gagner à suivre comme Panurge la Chine qui va vers le gouffre.
Côté environnement, heureusement, pour l’heure, le Tibet et le Turkestan servent de dépotoirs nucléaires et chimiques. Malheureusement, leurs autochtones ont le mauvais goût de s’y opposer. Mais heureusement, ils sont rapidement remplacés par des Han, malgré l’incivilité des locaux qui poussent la malséance jusqu’à des velléités de résistance, voire de djihad dans le Turkestan chinois. Partout en Chine les attentats sanglants attribuables à ces "terroristes" sont nombreux. Heureusement, on n’en entend pas parler. Heureusement encore, il existe des solutions techniques, sorte de video-protection 3.0 : on y déploie des drônes en forme de tourterelle pour surveiller les gens, appareils si réalistes que les vrais volatiles s’y trompent ! Ah, les beautés de l’intelligence artificielle ! Les mouches « mouchardes » sont en préparation, non seulement du côté de l’Orient, mais sous Belledone, à Minatech !
Contrairement à ce que l’article suggère – on est quand même sur Contrepoints – la solution n’est pas le nucléaire. La seule voie possible est la décroissance, sa condition la démocratie – nécessairement centrée sur le tirage au sort du législatif et des organes de contrôle. Quant à cette décroissance, comme le dit Paul Ariès, elle sera soit voulue, choisie, bénéfique ou sinon apocalyptique.