Le système agro-industriel et plus largement la civilisation industrielle détruisent aussi méthodiquement le vivant à l’intérieur de nos corps. Les communautés de micro-organismes qui vivent dans nos intestins et sur nos corps ; et qui aident nos organismes à bien fonctionner, sont durement affectées par la chimie et des modes de vies hors sol.
Une perte de bioversité « interne » qui pourrait aggraver les risques de maladies dites civilisationnelles.
De même, l’utilisation massive d’antibiotiques, pour l’élevage industriel notamment, pourrait accroître la létalité de maladies.
L’écologie concerne aussi les microbes. Aux écosystèmes locaux macroscopiques correspondent sans doute des écosystèmes microscopiques.
Faire avec le vivant intelligemment au lieu de faire contre par une surenchère technologique et des monocultures désastreuses, dans les intestins comme dans les sols et les forêts, à l’échelle microscopique comme macroscopique.
- La civilisation industrielle affecte gravement la biodiversité des micro-organismes aussi à l’intérieur de nos corps
Le microbiome des Occidentaux est une catastrophe comparé à celui de chasseurs-cueilleurs (par Jeff Leach)
Le monde que nous occupons aujourd’hui est très différent de celui qu’occupaient nos ancêtres pas-si-lointains. Alors que nous entrons dans une nouvelle ère géologique — l’Anthropocène, marquée par l’empreinte de l’homme — la déforestation mondiale, la fonte des calottes glaciaires et la dégradation générale de la biosphère suscitent de graves préoccupations.
Mais une autre victime, souvent négligée, de cette nouvelle ère, est la diversité des micro-organismes qui vivent sur et à l’intérieur de nos corps (notamment les bactéries, les virus et les champignons). Si notre microbiome — la diversité génétique de ces organismes — est le canari dans une mine de charbon microbienne, alors mon travail avec les chasseurs-cueilleurs d’Afrique de l’Est suggère qu’il se tient la tête en bas sur son perchoir.
Sur le terrain, j’ai vu un chasseur Hadza adroitement dépecer un babouin et en partager la viande avec d’autres autour d’un feu. Rien n’est jeté. Les organes, cerveau inclus, sont consommés, ainsi que les intestins crus et l’estomac. Du point de vue aseptisé des normes occidentales, c’est un spectacle horrible pour un repas du soir. Peu importe combien de fois je regarde les Hadza découper des animaux tués à l’arc, je suis à chaque fois surpris par l’échange extraordinaire de microbes entre ce groupe et leur environnement, véritable tango microbien qui caractérise certainement l’ensemble de l’évolution humaine.
Pourquoi est-ce important ? Des recherches récentes ont montré que la maladie est souvent associée à un effondrement de la diversité microbienne. Ce que l’on ne sait pas en revanche, c’est en définir la cause et l’effet. Est-ce la maladie qui cause l’effondrement de la diversité microbienne, ou est-ce l’effondrement de la diversité microbienne qui cause — ou précède — la maladie ?
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voir aussi : Penser et agir avec les microbes - L’utilisation massive d’antibiotiques a sauvé des millions de vies. Mais le développement rapide de l’antibiorésistance va accroître la létalité de maladies devenues bénignes. En voulant les contrôler, le paradigme médical a simplifié et éradiqué des écosystèmes de microbes. Une autre thérapie esquisse des pistes prometteuses et invite à repenser notre rapport aux mondes vivants.
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