Un livre qui apporte des arguments supplémentaires contre les nombreux méfaits de l’ordre propriétaire, et qui évoque la voie salutaire des communs et de la "co-possession", tout en étrillant les arguments économiques éculés en faveur du règne de la propriété.
Capitalisme et propriété sont deux motifs majeurs du chaos et de la guerre de tous contre tous qui rendent improbable l’avènement de la démocratie réelle et de sociétés apaisées.
Deux motifs qui poussent vers le pire. Il est temps de co-construire des modèles sociaux qui incitent au contraire à la décence commune, à la solidarité, à l’égalité sociale et à la justice, tout en respectant la biosphère et ses mondes vivants.
Posséder en commun : une critique de l’ordre propriétaire
Après La part commune parue en 2020 aux éditions Amsterdam, Pierre Crétois poursuit son exigeante analyse critique de la pensée propriétariste dans un nouvel ouvrage intitulé La copossession du monde, vers la fin de l’ordre propriétaire.
Dans le sillage du précédent opus, qui traitait de « l’idéologie propriétaire » et qui se proposait de remettre en cause la conception morale du droit de propriété, ce nouveau livre s’intéresse à « l’ordre propriétaire ». Le philosophe s’attaque cette fois moins aux arguments moraux qu’aux arguments économiques qui tentent de justifier la propriété en la présentant comme la meilleure forme ordinatrice de la société. Crétois se propose d’analyser en profondeur ce postulat et d’étudier l’ordre propriétaire pour mettre à l’épreuve son caractère supposément profitable et favorable à la prospérité générale.
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Le premier argument des défenseurs d’une vision propriétariste du monde est celui qui prétend que seule la propriété privée permettrait d’éviter le désordre qui serait produit dans une situation où les choses seraient communes. Seule l’introduction de la propriété serait à même d’éviter la « tragédie des communs », célèbre thèse portée par le biologiste américain Garett Hardin.
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En contrant avec méthode les thèses de Hayek, Crétois démontre qu’une société basée sur le respect absolu de la propriété ne peut qu’aboutir au chaos.
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En intégrant la propriété dans un monde qu’il perçoit comme intrinsèquement « copossédé » et en lui ôtant son caractère absolu, il propose de la transformer en un ensemble de droits résiduels, nécessairement compatibles avec les droits légitimes des tiers. Bien que le programme soit conceptuellement innovant, le lecteur risque de rester sur sa faim en ce qui concerne les conditions d’application concrètes de ce qui est décrit comme un changement paradigmatique. En effet, à l’issue du livre, il est permis de se demander comment cette modification conceptuelle affecterait l’ordre juridique dans le réel et en quoi cette approche se distinguerait fondamentalement des encadrements déjà existants du droit de propriété, tels que les servitudes, les prescrits urbanistiques, la théorie de l’abus de droit, le droit d’expropriation, les troubles de voisinage, le droit de l’environnement…
Certains regretteront sans doute que l’auteur nous laisse très largement la charge d’imaginer concrètement les formes qu’un monde « copossédé » pourrait prendre et à en dessiner les contours par nous-mêmes. Afin de clarifier le propos, il aurait sans doute été intéressant d’illustrer avec plus d’exemples pratiques, mais aussi de détailler le fonctionnement des institutions nouvelles nécessaires à la copossession du monde que l’auteur appelle de ses vœux.
Si au terme de cette lecture de vastes questions demeurent encore ouvertes, il n’en reste pas moins que Crétois permet l’ouverture d’un chantier théorique et conceptuel intéressant, qu’il amène au travers d’un récit accessible et à la trame prenante.
l’article complet : https://www.terrestres.org/2024/03/22/posseder-en-commun-une-critique-de-lordre-proprietaire/