Voci un livre qui semble très intéressant : Happycratie
Un essai très critique sur la mode de plus en plus présente du développement personnel, de la psychologie positive, de l’entreprenariat de soi.
Une mode ultralibérale et dangereuse, qui fait porter les problèmes et les joies de nos vies sur l’individu seul, et qui dédouane complètement les structures sociales, le modèle économique, la situation politique, qui occulte les catastrophes climatiques et les destructions du vivant par le modèle en place.
Pour moi, si la connaissance et la maîtrise de soi sont importantes, elles vont de pair avec les luttes, actions et résistances collectives, les deux pôles vont ensemble et se renforcent mutuellement.
Vouloir occulter les terribles réalités sociales, écologiques et économiques en faisant porter tout sur les individus, en les cooconnant dans une bulle étanche d’émotions positives (qui génère du cash pour les marchands de bonheur et de stages petits et gros) est à côté de la plaque, un moyen de se faire illusion en se dispensant de changer quoi que ce soit dans les structures oppressives et destructives qui créent le besoin de cocon et de se faire du bien, ...pour les supporter.
Ce bonheur ultra-individualiste ne résout rien, et le retour à la réalité pourrait bien ensuite être encore plus brutal !
A méditer dans nos Vallées ?, où on entend plus souvent parler de « se faire du bien », de stages de ressourcement de ci ou de là, de « voyages au coeur de soi », que de coordination des luttes, de résistances et de luttes sociales collectives.
Quelques extraits de l’excellent article qui présente le livre et parle de ces thèmes là : Le développement personnel est-il vraiment l’arnaque du siècle ? :
« Ce qui meut aujourd’hui le consommateur, écrivent les sociologues, ce qui le pousse à consommer toujours plus, c’est moins le désir de s’élever socialement que celui de se gouverner efficacement, c’est-à-dire de réguler sa vie émotionnelle. »
La thèse d’Happycratie est que les marchandises émotionnelles sont effectivement celles dont la philosophie sous-jacente possède le plus d’affinités avec les nouvelles exigences de flexibilité qui caractérisent le monde du travail et la vie en société.
Dans la période post-crise 2008, durant laquelle les inégalités se creusent, les chances de mobilité sociale s’aménuisent, le fonctionnement du marché du travail se durcit, l’appel à faire preuve d’enthousiasme, de positivité et d’autonomie contribue à faire porter sur les individus la responsabilité de tout ce qui dysfonctionne.
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Le véritable débat concerne peut-être moins l’efficacité des techniques du mieux-être que la vision du monde qu’elles véhiculent. Sur le plan individuel, toutes celles et ceux qui ne parviennent pas à être riches, heureux, en bonne santé, épanouis et débordants d’énergie sont soupçonnés de ne pas avoir fait suffisamment d’efforts –et donc quelque part de vouloir et de mériter leur sort. Ils cumulent leur souffrance avec un sentiment de culpabilité.
Au niveau collectif, « cette rhétorique de la résilience ne promeut-elle pas en vérité le conformisme ? Et ne justifie-t-elle pas implicitement les hiérarchies et les idéologies dominantes ? », se demandent Eva Illouz et Edgar Cabanas, qui diagnostiquent à raison « l’effondrement général de la dimension sociale au profit de la dimension psychologique ».
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