Dans la Vallée, une rencontre avec Aude Vidal et son livre « Egologie - écologie, individualisme et course au bonheur » avait eu lieu à Saillans.
Voici, en complément, une émission avec Radio Canut
Extraits :
Le livre traite, d’un côté, du bien être, qui est très présent dans l’écologie. Dès que l’on rendre dans un magasin bio, on en voit l’importance. C’est aussi le cas dans l’imaginaire des écologistes. Cette question du bien-être est alors liée à celle du développement personnel, laquelle s’accompagne d’un certain individualisme et d’un prisme libéral. D’un autre côté, le livre traite de la lutte des classes dans l’écologie.
Très vite, on se rend compte que la non prise en compte de ces aspects n’est pas liée à la faible qualité ou vertu des personnes que l’on rencontre dans le milieu écolo, mais qu’elle est d’ordre structurel. Par exemple, la dimension du bonheur ou du plaisir à militer est un moteur important de l’action des écologistes. C’est même censé faire venir beaucoup de monde. Mais on est tributaires de l’organisation sociale, comme le fait d’avoir des boulots à la con qui prennent le pas sur le collectif. Le fait de prendre du plaisir devient alors souvent un réflexe hédoniste très individualiste.
Le développement personnel amène finalement à distinguer une artistocraite de gens qui auraient travaillé sur eux-mêmes et les pauvres gens qui sont restés en arrière, qui n’ont pas saisi le truc. Ces gens méritent alors le mal qui leur arrive, parce qu’ils sont pauvres, parce qu’ils sont pris dans des situations de violence, de genre, de violences sexuelles, de guerre, etc. Cette artistocratie est composée de gens qui ont travaillé sur eux-mêmes, qui ont de belles valeurs humaines et qui sont alors d’autant plus jugeant et d’autant moins généreux avec les autres. Le résultat n’est pas très beau à voir. C’est un truc qui tue les solidarités, qui les désamorce. Si on peut créer le changement à partir de soi-même, à quoi bon créer des liens avec les autres et créer des collectifs pour essayer d’améliorer les choses ?
A mon avis, se connaître soi-même est forcément utile, mais ce n’est qu’une partie des choses à faire. Participer à diverses actions, luttes et résistances collectives et au moins aussi important, surtout de nos jours où il est urgent de résister collectivement à la destruction de tout le monde vivant par cette civilisation industrielle et capitaliste.
Et puis, « se connaître soi-même » ne passe pas forcément par des stages à répétition, des méditations spécifiques, des techniques brevetées pour classes moyennes solvables. Pour se connaître, savoir qui on est et où on veut aller, et pourquoi, ça passe surtout par l’action, des actions collectives et solidaires, par de vrais engagements en dehors des habitudes et traditions, des normes sociales, du cadre marchand, et aussi du business parfois juteux du « développement personnel ».
Nul besoin de stages de développement personnel pour pratiquer, parallèlement à l’action collective et solidaire, des formes d’intériorité et de méditation.
Et au lieu du bonheur cocon replié sur soi et ses proches, il y aurait à développer le plaisir de lutter ensemble, la joie d’une intelligence collective en action, l’exultation à mettre en déroute le système actuel, la satisfaction de construire ensemble d’autres mondes.