Il faut parfois raconter l’histoire telle qu’elle s’est déroulée. Sans fard. Sans en rien retrancher, ni ajouter. Sans prêter l’oreille aux racontars.
Non, il n’y a ni cresson, ni glaïeuls. Pas un trou au côté, mais au milieu du corps, une béance énorme. On voit le ciel au travers.
Exécution au canon ? Tir de roquette depuis la gare ? En tout cas, l’impact en plein coffre fut si violent, le métal vaporisé si abondant, que l’homme se figea instantanément dans le bronze. Un éclat du projectile a d’ailleurs cassé l’orteil de marbre du Déporté couché (incident vite réparé).
Qui était cet homme ? Pourquoi une mort si atroce ? Simple voyageur ? Couverture ? Est-il tombé dans un guet-apens ? Des puissances étrangères ? Restons sourds à ces rumeurs.
Mais la valise : que contient-elle ? Quels indices ? Des clous ? Des boulons ? Des gamelles et des bidons ? Des scolopendres, de la scopolamine, de la salsepareille, des scorsonères ? Ou peut-être des cétoines et des situles, des limules et des sousoucs, des cicadelles, des caméleopards suivis de lycaons - ou des paons, ça dépend - des colophons, des tire-comédons, des vers boustrophédon... et, sait-on, des sot-l’y-laisse, des canons à cancrizans, et aussi des marées de syzygie ? Ou bien des sybarites, des stylites, des placomusophiles, ou encore des laies suitées ? Au fait, quelle heure est-il ? Quel temps fait-il dans la valise ? Alice y chute-t-elle ? Et le lapin ?
Mystère !
Attention ! Autour de l’homme de bronze rôde une malédiction : qui tentera d’ouvrir la valise sera changée en statue de sel !
Même si la pluie finira par vous dissoudre, prière aux candidats à l’éternité fongible d’adopter une pose décorative à l’instant fatidique.
D’autant que les Crestois auront un temps à supporter votre effigie. Autant être à votre avantage.
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