Voici un post de N. Casaux qui critique la tendance de « l’écologie médiatique » à épouser les thèses réformistes et illusoires des pouvoirs politiques et économiques :
L’écologie médiatique, quelle blague.
Outre la propagande gouvernementale à la de Rugy, l’immense majorité de l’écologie ayant voix au chapitre dans les médias de masse (et même soi-disant indépendants/alternatifs), c’est l’écologie des grandes ONG et de quelques personnalités éminentes (Extinction Rebellion, Cyril Dion, Attac, Greenpeace, le WWF, 350(.org), etc., subventionnées par des thunes privées et/ou publiques), qui vendent un impossible (et indésirable) verdissement (eux parlent de « transition ») de la civilisation industrielle, au moyen, le plus souvent, de quelque (Green) New Deal (et diverses réformes censées apporter une « justice climatique »).
C’est une écologie qui ne considère pas les structures socio-économiques dominantes comme foncièrement mauvaises, mais qui vise seulement à les réformer, à les modifier, à les réorganiser un peu. C’est une écologie qui ne s’oppose donc pas foncièrement au capitalisme. Une écologie qui ne considère pas l’État comme un problème, mais comme une bonne chose, et même comme une partie de la solution (et parfois comme LA solution : ces écolos encouragent parfois des « solutions » qui reposent sur le marché, et parfois sur l’État, et parfois sur un mélange des deux). Une écologie qui semble estimer qu’une société juste, démocratique et soutenable peut tout à fait reposer sur le gros des technologies modernes ; qu’internet, les smartphones, les hautes technologies en général, pourraient être rendus durables et écoresponsables, être produits par une société démocratique. C’est pourquoi son principal combat consiste à encourager la « décarbonation (ou décarbonisation) de l’économie » (objectif douteux qui, même s’il pouvait être atteint, ne règlerait pas grand-chose).
Un François Gemenne explique par exemple à Reporterre (média alternatif, mais parfois on se demande en quoi) :
« […] je vois ce qu’il est possible de faire au quotidien en travaillant avec ces entreprises, et ce n’est pas forcément une stratégie des petits pas. Il s’agit de leur montrer à quel point, sur le long terme, elles ont intérêt à la transition écologique, y compris en matière de profit. Le problème aujourd’hui n’est pas tant le capitalisme que le court-termisme. Les entreprises sont aujourd’hui otages de leurs actionnaires, qui s’en fichent de l’avenir à long terme. Si elles étaient à nouveau dirigées par leurs dirigeants, on aurait moins de licenciements économiques, et une stratégie de long terme. »
Tandis qu’un Cédric Durand et un Razmig Keucheyan écrivent, dans une tribune publiée sur le site du journal Le Monde et intitulée « L’Etat doit prendre les commandes de la transition écologique », que l’État doit se faire « plus interventionniste », planificateur, qu’il doit se lancer dans des « investissements massifs en faveur des énergies et des infrastructures propres », créer des « emplois verts », etc.
Le fait que l’écologie promue dans les médias corresponde presque toujours à de telles inepties ne tient pas du hasard. En un sens très concret, en vendant des mirages aussi stupides, en passant sous silence des problèmes cruciaux liés à la fois au social et à l’écologie, tous ces gens et tous ces groupes participent à la perpétuation du statu quo, à l’empirement incessant de la situation socioécologique globale.
Tant que la plupart de ses membres continueront de chercher « des solutions » (pour que rien ne change mais que tout aille mieux) sans se poser réellement la question de savoir ce qu’ils veulent, ce qui est désirable, ce qui est possible, tant qu’il restera dominé par les âneries précitées, le mouvement écologiste continuera principalement à servir de carotte pour faire avancer les ânes (l’espoir est la laisse de la soumission).
(Et force est de constater que comparé à celui des années 60/70, le mouvement écolo actuel a perdu en radicalité, en lucidité).
Et du coup j’en profite pour faire la promotion d’un chouette petit bouquin écrit par Pierre Madelin, qui parle plus ou moins de tout ça (pas exactement mais presque, qui parle de pourquoi et comment on pourrait sortir du capitalisme, qui pose de bonnes questions et qui propose beaucoup de pistes de réflexion)
voir aussi :
- Pierre Madelin : « L’écologie politique s’affirme comme une réflexion critique de la modernité » - Philosophe de formation, traducteur, Pierre Madelin vit depuis 2012 dans l’État mexicain du Chiapas, où le mouvement zapatiste est actif depuis 1994. Celui qui a intégré la rédaction du Comptoir depuis quelques mois est également l’auteur d’un brillant essai, « Après le capitalisme : Essai d’écologie politique », publié chez Écosociété. Dans cet ouvrage, salué par nos camarades de « La Décroissance » en mai dernier, Pierre Madelin analyse le capitalisme, ses effets néfastes sur l’environnement et tente de tracer une voie de sortie décroissante, radicale et libertaire. Un essai que devraient se procurer tous ceux qui s’intéressent sincèrement à l’écologie politique, mais dont ne parleront jamais les grands médias, trop occupés à promouvoir le “capitalisme vert”, le “développement durable” et autres bêtises néolibérales. Nous avons décidé de réparer partiellement cette injustice avec un entretien-fleuve sur son dernier livre.
- Ils ont 20 ans pour sauver le capitalisme - À l’heure où les alternatives agricoles et alimentaires gagnent en crédibilité devant les dégâts du modèle agro-industriel, faut-il « changer d’échelle » en s’alliant avec l’agro-industrie et la grande distribution pour réussir la « révolution agricole » ? Décryptage de l’aporie de cette conception de la transition - À propos de On a 20 ans pour changer le monde de Maxime de Rostolan (Larousse, 2018) et de l’idée selon laquelle pour changer d’échelle nous aurions tort de nous passer de l’agro-industrie comme partenaire de la “transition écologique”.