Les événements de ces derniers mois ont mis en évidence une colère déjà ancienne et une révolte compréhensible plus que légitime d’une grande partie de nos concitoyens avec un soutien large et consensuel de la population.
L’augmentation des taxes qui a provoqué ces événements est aujourd’hui relayée par des revendications plus importantes, toutes aussi légitimes, d’une France à l’agonie économique, sociale et culturelle, et qui vont dans le sens du pouvoir d’achat, de sociétés écologiquement soutenables et économiquement morales avec plus de justice sociale, plus de partage des richesses et plus de participation citoyenne.
Les enjeux soulevés par cette colère demandent des changements réels, rapides et radicaux, et non de simples ajustements et quelques miettes. Pourtant les dernières annonces du gouvernement ne remettent en cause ni la répartition de la richesse entre travail et capital, ni les inégalités criantes et démesurées de revenus et de patrimoine. Aucune demande de solidarité n’est formulée vers les plus fortunés. Aucune annonce de régulation des institutions financières… Pire encore ces revendications sont traitées par le mépris, le mensonge, une répression policière et judiciaire ainsi qu’une manipulation de l’opinion publique sans précédent orchestrée par les pouvoirs politiques et médiatiques. Il est pourtant nécessaire de répondre à l’urgence en considérant la dimension sociale et écologique.
Comme nous le disait l’abbé Pierre, ce grand homme, toute société doit faire le choix entre deux principes fondamentaux : ou bien le service premier des forts, ou bien le service premier des plus petits, des plus faibles.
Actuellement, avec de maigres revenus, même en travaillant, on ne parvient plus à vivre dignement, à vivre sa propre vie, à tirer le meilleur de soi. La pauvreté est en effet toujours une triste réalité en France. Aujourd’hui, 13,9 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Selon l’OCDE, le taux de chômage est de 9,2 %, dont 44 % sont des chômeurs de longue durée. La détresse d’une trop grande partie de la population ne peut plus être ignorée. Nos banlieues et nos campagnes meurent. Nos villes s’effondrent. Notre jeunesse n’a plus d’espoir et nos vieux sont délaissés. L’égalité homme femme n’est toujours pas une réalité effective. Notre système basé sur la croissance, le salariat, la compétition, la compétitivité ignore le chômage de masse, le travail précaire et asservissant et la souffrance au travail.
En parallèle les richesses des plus aisés n’ont cessé d’augmenter atteignant des sommets d’incohérence, d’indécence, d’immoralité et de non-sens. Sans doute faudrait-il rappeler aux ignorants l’article premier de la déclaration universelle et les événements de 1789… Notre constitution nous rappelle quant à elle que la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits.
Le système capitaliste néo libéral actuel, érigé en modèle unique, en offrant comme horizons collectifs la croissance économique et l’accomplissement individuel par l’emploi et le travail, ne parvient pas à concilier protection des individus et celle de l’environnement. Ce modèle bénéficie aux grandes entreprises, à quelques privilégiés de la classe supérieure et à une minorité de la population. Il met au second plan les aspects sociaux, environnementaux et culturels, néglige les droits humains, exclut et meurtrit les plus pauvres. De plus ce modèle promeut une extension sans précédent de la propriété privée qui est par ailleurs une usurpation du patrimoine commun de tous les hommes (les hommes ne sont et ne peuvent être que les usufruitiers de la terre !). Il est non seulement incapable de prendre en compte les limites physiques de la planète, ce qui le discrédite pour résoudre la crise écologique, mais il creuse toujours plus les inégalités sociales, ce qui le discrédite pour organiser un partage plus équitable des ressources. Aujourd’hui, tout ceci est exacerbé par l’emprise des pouvoirs financiers dont le seul objectif est la maximisation immédiate du profit. Cette logique capitaliste débridée n’a pas sa place dans un monde soutenable. Afin d’éviter le contrôle du marché par des oligopoles privés, la concentration des grandes entreprises et des institutions financières (notamment les banques) doit être fortement limitée. Une régulation stricte des marchés, en premier lieu les marchés financiers, des investissements et du commerce est impérative.
L’écologie quant ’a elle est une nécessité absolue. La surproduction et la concentration des richesses au nom d’un idéal imaginaire de croissance illimitée dans un monde fini ne peuvent se faire qu’au détriment d’une majeure partie de la population. Pour que la transition écologique ne soit pas perçue comme une nouvelle mesure d’austérité, elle doit être accompagnée par des mesures à la hauteur de l’enjeu social. La transition vers des sociétés soutenables ne peut s’appuyer sur une simple accumulation d’alternatives. Aussi nombreuses et innovantes soient elles, elles ne suffiront pas à changer les modes de production et d’échange dominants. Pour les ancrer dans la durée, pour éviter leur récupération commerciale ou pour qu’elles ne s’enfoncent pas dans des dérives marginales, il faut les adosser à une réflexion politique sur le rapport au pouvoir. Des mesures d’envergure globale qui affirment la prépondérance de solutions politiques portées par les citoyens sur les pouvoirs économiques et financiers, sont indispensables pour permettre la transition. L’État, aujourd’hui instrumentalisé par les lobbies, les puissances financières et économiques, n’est plus le garant de la souveraineté du peuple et de leurs droits, de l’intérêt général contre les intérêts particuliers. En ce sens, il doit se ressaisir et agir en tant que régulateur pour mettre en place les conditions de la transition, en utilisant les outils les plus adaptés : la réglementation, la fiscalité écologique et équitable, le maintien et la maîtrise des services publics et notamment des réseaux d’énergie et de transports, l’éducation tournée vers la solidarité plutôt que l’individualisme.
Nous devons collectivement changer de paradigme. Il faut réellement replacer l’économie au service de l’humain et de son environnement, en ouvrant la voie au travail choisi et pas subit, à la gratuité, à la coopération, à l’échange, à une répartition équitable des richesses et à une utilisation raisonnée des ressources. L’alliance de la transition écologique et de la justice sociale doit notamment permettre de redistribuer équitablement les richesses de façon transparente.
De nombreuses solutions restent à expérimenter mais là cependant il y a urgence !!!
Notre système de redistribution actuel peut être immédiatement rendu plus juste avec la mise en place d’un impôt plus progressif, le retour de l’ISF, une véritable taxe sur les transactions financières et sur le patrimoine multiple, la lutte contre l’évasion fiscale ou la taxation des Gafa, la taxation des robots et machines, une sur-taxation de certains produits de luxe, ainsi que des produits écologiquement non viables, le partage des bénéfices des entreprises avec plus de redistribution aux salariés, la légalisation du cannabis,...
Ces politiques devenues inévitables pourraient également permettre de financer un système alternatif de redistribution comme un revenu de base universel ambitieux versé à chaque individu de la naissance à la mort sans aucune condition. Cette perspective qui peut être justifiée comme une contrepartie à la propriété privée ou comme un simple droit économique est défendue par plusieurs prix Nobel d’économie, de nombreuses associations ainsi que de nombreuses organisations politiques. Il pourrait être versé sous forme d’une monnaie locale et/ou d’une crypto-monnaie nationale éthique qui servirait dans les échanges non dématérialisés et qui pourrait servir aussi de capitalisation pour des grands projets collectifs et pour les TPE/PME. Retrouver une souveraineté monétaire complète indépendante serait également souhaitable. La mécanique d’un tel procédé permettrait d’avoir un impact immédiat sur la pauvreté et la précarité entraînant de fait une baisse drastique de la mauvaise santé qui coûte « un pognon de dingue », de la délinquance et donc des vols (qui représentent un manque à gagner énorme pour notre économie) ainsi que du racisme de « race » et de classe. Ce revenu est tout à fait finançable en substituant au système de redistribution actuel (aides aux familles, minima sociaux, aides aux bas salaires, financées par l’impôt) un système de redistribution universel (revenu universel, contribution sur les revenus d’activité et sur le patrimoine ainsi que les mesures évoquées précédemment) dont les paramètres permettent une plus grande efficacité de la solidarité des plus aisés envers les plus démunis. C’est aussi un moyen de donner à chacun, où qu’il soit, quoi qu’il fasse, une sécurité financière qui lui permette de vivre.
Il faut pouvoir non seulement vivre de la rémunération de son travail (lequel doit par ailleurs être fortement repensé dans sa conception constitutionnelle actuelle de devoir en violation avec les droits de l’homme les plus élémentaires) mais aussi pouvoir s’épanouir dans l’exercice d’une activité non lucrative utile à la société avec la même reconnaissance sociale. Pour cela il faut pouvoir assurer, garantir en toutes circonstances les fins de mois pour pouvoir permettre à chacun de s’engager dans la conduite des affaires communes. La sécurité économique doit devenir un droit préalable à l’exercice des devoirs et à l’implication dans la vie citoyenne pour pouvoir enfin amorcer une véritable transition écologique. L’éducation et la pédagogie doivent aussi jouer tout leur rôle pour réapprendre à vivre ensemble et donner les clefs d’apprentissage d’un comportement humaniste, citoyen et responsable.
Il serait dommageable et assassin de continuer les mêmes politiques sournoises, immobilistes et dévastatrices pour la vie. Nous avons le devoir de redonner à la France ses réelles valeurs collectives de liberté, d’égalité et de fraternité. Nous avons besoin d’entendre et d’écrire tous ensemble une autre histoire pour notre pays et pour l’humanité. Vite…
Pour rappel :
Article premier
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.
Article 2
1. Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
Article 3
Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.
Article 4
Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.
Article 5
Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Article 22
Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays.
Article 23
1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.
2. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.
3. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale.
Article 24
Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques.
Article 25
1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.
Sources :
https://www.revenudebase.info/
http://www.amisdelaterre.org/
http://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/
http://www.basicincome.org/bien/pdf/Solution%20du%20probleme%20social%20ou%20constitution%20humanitaire%20%E2%80%93%20Joseph%20Charlier.pdf
https://www.youtube.com/watch?v=PyZWFFUMhnY&t=124s
https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression/actualites/usage-excessif-de-la-force-lors-des-manifestations