La dame, septuagénaire, est veuve. Elle habite dans le vieux Crest la maison achetée autrefois par son mari pour la famille quand on trouvait encore du travail. Tous les mois, elle s’acquitte d’une taxe foncière de 73 Euros. Elle est bénéficiaire des Restos du cœur. Est-ce normal de payer des impôts quand on n’a pas de quoi manger ? Est-ce normal de payer des impôts qui vous enlèvent le minimum, au point de devoir pour se nourrir se tourner vers la générosité publique ? Vers la charité ? Est-ce aux Restos du coeur de se substituer à un Etat défaillant ?
Une autre dame, celle-là plus jeune, rencontrée sous le pont du chemin de fer à Crest, où elle dormait dans sa voiture. Elle avait préféré abandonner sa location plutôt que de renoncer à payer sa taxe professionnelle, de peur de ne plus pouvoir travailler. C’était il y a quelques années, quand N. Sarkozy avait laissé le loisir aux communes de fixer les taux de cette taxe. La plupart s’étaient empressées de la hisser vers le plus haut. Ah, ces fameux élus de proximité dont on nous dit à Paris que les Français les aiment. A l’occasion de cette augmentation brutale et fulgurante, on avait vu de tous petits entrepreneurs devoir emprunter pour payer l’impôt.
Doit-on rappeler que l’impôt résulte du transfert d’autorité du peuple vers son gouvernement : en contrepartie d’une délégation d’une partie de son pouvoir souverain, les gouvernement doit administrer la communauté en assurant la concorde et la paix, intérieure comme extérieure, et assurer au surplus à chacun et toutes et tous l’aisance optimale.
Voilà le dénominateur commun à tout contrat social, ce contrat implicite qui fonde le vivre ensemble et la structure générale de l’autorité. L’impôt n’est pas un dû envers l’Etat. C’est bien au contraire l’Etat qui est en dette envers le citoyen. Et si l’Etat échoue à remplir sa part du contrat social, à assurer votre bien-être personnel et la concorde sociale, alors rien ne lui est dû. Dès lors que votre situation ne vous permet pas de payer l’impôt, parce que l’Etat n’a pas fait son travail, et si pire, le paiement de l’impôt rend votre situation plus difficile, cet impôt est alors illégitime et vous n’avez pas à le payer. Ne versez rien.
Comment s’y prendre ?
Envoyez par lettre recommandée avec avis de réception à votre perception préférée en joignant les documents exposant votre situation : avis d’imposition, paiements de la CAF, quittances de loyer, certificats médicaux, emprunts pour l’habitat, tout ce qui vous permettra de vous faire l’avocat de vous – même. Plaidez votre cause sincèrement.
Soyez sincère, poli, précis, concis.Donnez des faits : maladie, accident, divorce, perte d’emploi, dépense imprévue insupportable, faillite, etc. N’oubliez pas de DEMANDER EXPLICITEMENT CE QUE VOUS VOULEZ : réduction de l’impôt de tant de pour cent, ou remise totale de l’impôt.
Car le fonctionnaire des impôts n’a pas la possibilité de vous accorder quoi que ce soit de son chef : vous devez demander vous-même, exactement, en toutes lettres, ce que vous voulez. Vous pouvez également estimer le montant de contribution qui vous paraît convenable, et envoyer un chèque. Il sera accepté ou refusé. Cela démontrera votre bonne foi. Si le chèque est encaissé, il deviendra plus difficile au fisc de vous poursuivre, l’encaissement du chèque pouvant s’interpréter comme un accord.
N’oubliez pas que votre interlocuteur des impôts est une personne : elle n’est pas nécessairement contre vous. Elle a accès au secret du revenu des gens, point de vue incomparable sur la réalité fiscale. Elle sait où vous vous situez, et peut estimer que l’impôt, dont elle connait précisément la répartition, est injuste. Elle peut estimer, elle aussi que l’impôt est illégitime s’il appauvrit le contribuable. Les Impôts ont de puissants syndicats et l’esprit du service à la population ne s’en est pas encore totalement évanoui.
Il faut osez réclamer, contester. La plupart des gens n’osent pas, tétanisés devant l’autorité verticale de l’Etat. Or, c’est bien de l’horizontalité démocratique que procède l’Etat. Il n’est pas votre maître, mais votre subordonné ; non pas votre créditeur, mais votre débiteur.
Osez. Car c’est un peu comme certains concours où chacun des potentiels participant préférant s’épargner la peine de jouer devant le trop peu d’espoir de gagner. Tant et si bien qu’en jouant,si votre situation le justifie, on a de bonnes chances de gagner.