Gilets Jaunes : face à la répression, la nécessaire mutation

Pour un syndicalisme révolutionnaire

dimanche 16 février 2020, par Heska.

Quand il devint évident que les masses paysannes étaient petit à petit transformées en masses industrieuses urbaines dépossédées des liens sociaux qui existaient dans les villages et communes rurales, quand il fut acquis que ce nouveau statut social était soumis à une terrible exploitation physique des individus et à une violente répression, il ne fallut pas longtemps aux ouvrier-e-s pour se regrouper en syndicats.

Ils ne l’ont bien sûr pas fait par plaisir, mais parce que c’était la condition nécessaire de leur défense collective et de la conquête de droits.

Depuis des dizaines d’années, les syndicats traditionnels se sont embourgeoisés et ont majoritairement accepté de jouer de rôle de « partenaires sociaux » du système exploiteur et oppressif, perdant leur dimension politique pour gérer les conflits et le maintien de l’emploi au niveau de l’entreprise. Pendant ce temps, l’individualisme gagnait les esprits et les syndicats perdaient des adhérents, tandis que le discours dominant les accusait d’être les vrais conservateurs. Résultat, nous n’avons plus eu les moyens de nous défendre en tant que travailleurs, précaires et chômeurs ou en tant que bénéficiaires d’un service public qui participe à notre richesse, qui permet à une grande partie des classes populaires de garder la tête hors de l’eau. Il y eu bien quelques sursauts contre les réformes ultra-libérales (cf les précédentes réformes du régime de retraite ou la loi Travail) mais les forces et la volonté de vaincre n’y étaient plus et les défaites devenaient le lot du mouvement social.

Mais les Gilets Jaunes sont passés par là ! Leur existence doit sûrement beaucoup à la désertion syndicale. Puisque il n’y avait plus de structures collectives pour les défendre, les GJ ont fait le pari de le faire eux-mêmes.

La spontanéité de leur mouvement, leur insaisissabilité, leur ingouvernabilité, leur ont permis quelques succès. Ils ont à nouveau tissé du lien social et ébauché des perspectives collectives. Mais l’Etat a réussi à contrôler ce mouvement. Vous savez comment : par la propagande, par la répression physique et judiciaire et de plus en plus nettement aujourd’hui par les interdictions systématiques de manifester sur ordre des préfets.

Aujourd’hui, la « giletjaunisation » du mouvement social est un fait. Voir des centaines d’avocats investir le Palais de Justice de Paris et y chanter : « On est là ! » est une image fantastique. Les bases militantes des vieux syndicats comme la CGT ou FO, mais aussi dans des organisations plus jeunes et moins sclérosées comme Solidaires ou Sud, débordent les stratégies du compromis des directions et mettent en avant des formes d’actions directes. Parallèlement, la répression monte d’un cran et, par exemple, les lycéens opposés aux E3C ont font l’amère expérience. Des mineurs sont placés en garde-à-vue plus de 24 heures, ce qui veut dire que le procureur a autorisé la prolongation de la GAV !

Le vecteur d’information des GJ, celui qui leur a permis de se coordonner, soit les réseaux sociaux, est menacé par la censure. Les lois relatives au fake-news et à la « haine sur internet » le baillonne et des dizaines de milliers de publication ou de pages entières sont déjà censurées.Il est à craindre que cet outil perde de sa force dans les temps qui viennent et nous isolent de nouveau les uns des autres. Pour un exemple évocateur, rendez-vous sur la page Facebook de Luttes Invisibles qui est régulièrement censurée.
La police, sous la coupe de ses syndicats majoritaires, est devenu un appareil de non-droit où tous les abus de pouvoir sont possibles. J’ai vu pareille dérive en Belgique avec la Gendarmerie qui était devenue, dans les années 80 et 90, un Etat dans l’Etat, et était noyauté par des fascistes, souvent des officiers, proches des réseaux Gladio ou de la Loge P2. Les scandales (du trafic d’armes au tentatives de déstabilisation de l’Etat), étaient tels que la Gendarmerie finit par fusionner avec la Police pour tenter de noyer le poisson ou de diluer le poison. Je retrouve ici et maintenant cette sale ambiance que j’avais identifié il y a plus de 25 ans.

Voilà où nous en sommes. Je ne ferai ici aucune propective. Je ne parlerai pas d’effondrement, de pénuries alimentaires, de ravages climatiques. Je vais en revenir au début de mon texte pour proposer de réfléchir à une stratégie.

Pour contrer la répression, les interdictions de manifester et les menaces de censure, je pense que nous devons massivement réinvestir l’outil syndical car nous nous retrouvons un peu dans la peau de nos ancêtres ouvriers d’il y a près de deux siècles. Nous avons besoin de cette force du faire-ensemble. Nous pouvons selon nos goûts (plutôt organisation ou plutôt coordination) participer à promouvoir l’action directe dans les syndicats. Soit dans les syndicats traditionnels aux côtés des syndiqués Gilets Jaunes ou ayant fait leur la culture des GJ, et contribuer à transformer à nouveau ces organisations en outil de lutte et non de gestion, ou nous pouvons rejoindre la CNT, seul syndicat encore révolutionnaire (et tous l’étaient au XIXe) pour y partager nos expériences et nos luttes avec leurs militants dans une forme auto-gérée. Ou même créer de nouveaux syndicats.

Nous ne pouvons plus compter sur la spontanéité et l’improvisation relayée par les réseaux sociaux. L’Etat a progressé dans sa compréhension du mouvement, l’Etat et les classes dominantes savent ce qu’ils veulent.
Ces dernières sont organisées en structures de réseau aux objectifs parfaitement déterminés. Nous devons leur opposer nos propres organisations où nous pourrons maîtriser et faire circuler l’information, parce que nous ne pouvons plus compter sur un internet libre et aisé d’accès.

Contre la répression, l’exploitation, l’extension de la misère et la censure, organisons-nous !

Voir en ligne : Luttes Invisibles


Forum de l’article

  • Gilets Jaunes : face à la répression, la nécessaire mutation Le 19 février 2020 à 10:14, par lilian

    cher e s toust e s !
    Tout d abord,la question de la répression : elle exprime jusqu ou iront les tenants du Capital pour nous baillonner, au propre comme au figuré,et si il vous plait de brocarder Macron, ne pensez pas l herbe plus verte ailleurs ! Les communistes passéistes,adulateur de pays qui leur paraissent exotiques et emprunts d un passéisme qu ils adulent,ont dans leur adn la répression féroce, n en déplaise aux fan du bourgeois tribun« marseillais ». Je ne parle biensur pas communistes libertaires ! L herbe ne sera pas plus verte chez les « socialistes », ni les souverainistes fascisant, tous réprimeront notre soif de justice sociale ! Je trouve ainsiqu il est vain de partager des vidéos sanguinolentes de répression, on en est tous conscient e s deja, pas plus que de grimer le logo lrem avec des croix gammées : en quoi cela s avere t il constructif ? Concernant la spontanéité, en utopiste Romantique ,je ne la dénigrerai pas, je ne la confonds cependant pas avec le manque d organisation et de coordination ! Ainsi, un regroupement spontané et impromptu devant le commissariat, une manif organisée du jour au lendemain contre une loi inique genre interdiction de faire la manche, me paraissent « pertinents ». Au plaisir d échanger !

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