On a souvent tendance à assimiler pacifisme et non-violence absolue, alors qu’en réalité il a toujours existé des courants pacifistes qui ne rechignaient pas à accepter et utiliser des formes de violences en cas de nécessité et d’absence d’autres options.
Historiquement, on voit que la recherche de la paix et de la justice est aussi passée par des formes d’auto-défense violente, individuelle ou collective.
Quelques définitions et remarques.
Définition sur Wikipedia :
Le pacifisme possède deux acceptions possibles incluant l’action des partisans de la paix, ou une doctrine de la non-violence. Bien que reliés, les deux concepts se distinguent du point de vue de la théorie et de la pratique. Le pacifisme est la doctrine et l’action des partisans de la paix ou du rétablissement de la paix. Les socialistes d’avant 1914 (Jean Jaurès), les Zimmerwaldiens durant la Première Guerre mondiale, les opposants aux guerres coloniales ou les partisans de la paix professent un pacifisme qui n’est pas toujours assimilable à la non-violence. La vision du pacifisme associé à une personne refusant le recours à toutes formes de violence est par contre beaucoup plus répandue.
- Face à un système brutal et verrouillé, le pacifisme assumé est parfois obligé d’être violent
- Les tyrans se foutent de notre exemplarité morale et de nos gestes sacrificiels
A part des psychopathes et des puissants avides de pouvoir et d’argent, la quasi totalité des humains préfère la paix à la guerre.
Malgré tout, les humains ne sont pas forcément pour autant pacifistes, c’est à dire qu’ils n’oeuvrent pas forcément au quotidien pour bâtir une société excluant le recours à la guerre et l’existence d’injustices.
D’après le texte ci-dessous, les pacifistes ne sont pas forcément adeptes du dogme de la « non-violence » :
Voir des analyses philosophiques sur "Le pacifisme peut-il exclure toute violence ?, sur un site catholique, extrait :
La paix d’une citée est parfois très grandement malmenée, de sorte que plus aucune solution ordonnée ne peut rétablir la paix. Doit-on alors la laisser tomber dans un état de conflit durable ? C’est ce que l’on pourrait penser si l’on refuse toute violence au nom du pacifisme. Mais dans ce cas, on légitime une violence bien pire.
Il n’est malheureusement pas toujours possible de ne pas utiliser la violence, lorsque le danger qui menace la paix est trop grand et que la situation s’empire si l’on reste dans une résistance passive. A l’échelle d’une cité, c’est le cas de la guerre juste (mentionnée plus haut), de l’emprisonnement des malfaiteurs…
A l’échelle individuelle on parlera de légitime défense.
La finalité de l’acte n’est pas d’utiliser la violence, mais d’empêcher l’agresseur de nuire. Or il arrive que le fait d’empêcher ce dernier de nuire, peut nous faire utiliser la violence, entraîner la mort à l’agresseur. Il est moralement licite pour la personne de se défendre si son intention est celle de conserver sa vie et si les moyens utilisés sont proportionnels à la fin visée.
Si au nom d’un pacifisme mal compris, on se refuse toute action lorsque la cité est en danger, on devient, en partie, moralement responsable de l’agression qu’elle subit.
(...)
Le pacifisme ne peut donc pas complètement exclure toute forme de violence. Il existe des actes de résistances pacifiques non violents, cela est possible. Cependant le pacifisme nécessite parfois une tolérance de la violence, voire son utilisation pour empêcher un mal plus grand de se propager. Si cette violence n’est pas tolérée, alors le pacifisme peut nuire à la paix, ce qui n’est plus du pacifisme. Une forme de pacifisme qui voudrait une absence de conflit à tout prix, serait, en réalité, intrinsèquement violente car tyrannique.
Pour le côté historique, voir : Une histoire de l’auto-défense populaire - Pour combattre la violence sociale, les opprimés peuvent organiser leur auto-défense. Les femmes et les minorités participent à une résistance populaire.
Face à la répression, l’auto-défense collective devient un enjeu important. Les violences policières réactivent cette dimension. Les Black Panthers restent l’exemple le plus emblématique de cette pratique d’auto-défense face à la police et l’Etat. Mais il existe toute une généalogie de la défense face aux oppresseurs, des esclaves jusqu’aux femmes. La philosophe Elsa Dorlin retrace une archéologie de cette pratique dans le livre Se défendre. Une philosophie de la violence. (...)
Les observations historiques et philosophiques amènent donc à constater qu’un pacifiste convaincu doit forcément admettre, soutenir et pratiquer s’il le faut, des formes d’actions violentes quand la situation est bloquée, et dégénère (c’est typiquement le cas de la civilisation techno-industrielle) dans des problèmes bien pires que les problèmes éventuellement créés par les actions violentes.
Je ne rentrerai pas ici dans le débat plutôt subjectif et compliqué sur ce qui est considéré comme violent ou non-violent. En tout cas, la plupart du temps les luttes évitent la lutte armée, et utilisent l’émeute, les dégradations, le blocage, la grève sauvage, le sabotage. L’atteinte aux biens comme moyen d’auto-défense semble privilégiée à l’atteinte aux personnes.
Je remarque que, ainsi que nombre d’historien(ne)s des luttes l’indiquent, les grandes victoires (contre l’oppression et les injustices, on ne parle pas ici de petites réformes) sont obtenues le plus souvent dans une conjonction des formes d’actions « non-violentes » (légales ou illégales) et « violentes » (différentes formes de contre-violence, de légitime défense), appelée « diversité des tactiques ».
On peut aussi constater que le système actuel, la civilisation techno-industrielle, est très très violent et destructeur envers les humains, la nature, les plantes et les animaux. Et les écologistes et autres anticapitalites ont pu constaté qu’il est très difficile de faire changer fondamentalement les choses uniquement par des moyens dits « non-violents ». On se trouve donc jusqu’au cou dans la situation indiquée dans l’article catholique cité au-dessus.
Des sondages indiquent que de moins en moins de monde compte vraiment sur les élections pour engager des changements fondamentaux vers la justice sociale et l’écologie. Sur quoi celà va-t-il déboucher ? Des grèves générales ? Une auto-défense populaire étendue ?
- Face à un système brutal et verrouillé, le pacifisme assumé est parfois obligé d’être violent
- Les sociopathes au pouvoir sont insensibles aux arguments moraux
Du coté des révolutionnaires et anarchistes, on trouve aussi des critiques du dogme de la non-violence, exemple :
Comment la non-violence protège l’État – Chapitre 1 : La non-violence est inefficace (...) Encore et encore, les gens qui luttent non pas pour une réforme symbolique mais pour une émancipation complète – la récupération du contrôle de nos propres vies et le pouvoir de négocier nos propres relations avec les gens et le monde autour de nous – s’apercevront que la non-violence ne fonctionne pas, que nous sommes confrontés à une structure de pouvoir qui s’auto-perpétue, est immunisée contre les appels à la conscience, et suffisamment forte pour mater ceux qui désobéissent ou refusent de coopérer. Nous devons nous réapproprier l’histoire des résistances passées pour comprendre pourquoi nous avons échoué et comment, exactement, nous sommes parvenus aux réussites limitées qui sont les nôtres. Nous devons aussi accepter que toutes les luttes sociales, exceptées celles menées par des personnes totalement pacifistes et donc inefficaces, comportent une variété de tactiques. Une fois que l’on a réalisé que jamais dans l’histoire la non-violence n’a mené à des victoires véritablement révolutionnaires, on peut alors examiner d’autres graves défauts de la non-violence.