Je tiens ici à témoigner de ce que j’ai vécu, de ce que j’ai vu, de ce qui m’a d’abord profondément surpris pour ensuite me révolter lors du carnaval de Die auquel j’ai participé mardi dernier.
Prévenu la veille par sms de la tenue de ce carnaval, je m’y rend avec ma fille, ravi comme moi de pouvoir prendre l’air, se barioler, se changer les idées, s’évader de ce monde froid qui prend racine. Nous nous préparons comme il se doit, choisissons nos costumes, les essayons et prenons le chemin de Die sous un beau soleil.
Sur place, déjà une centaine de personnes, de la musique, des enfants, des rires, de la farine, des confetis de la musique, de la joie, des sourires magnifiques, des jongleur.se.s... en grande majorité masqués.
Absent au début, quelques gendarmes se positionnent à distance, observent, prennent des photos et des vidéos.
Vers 13h, le cortège s’élance en direction de la cathédrale, un groupe de musicien accompagné d’un caramentran « fait maison » symbolisant un virus, ouvre la déambulation dans les petites rues du centre suivi par 150 à 200 carnavalier.e.s.
Aux fenêtres, de nombreux habitant.e.s tapent dans les mains, prennent des photos, applaudissent. Ma fille, d’abord un peu apeurée (c’était un de ses premiers carnavals, certains déguisements ne lui plaisaient pas trop...) se prend au jeux, lance de la farine, tape dans ses mains et se laisse emporter comme moi par cette vague collective, fraiche, simple, débordante de vie.
Sur la place à proximité de la cathédrale, la déambulation fait une petite pause puis reprend son chemin. Elle n’a pas fait 50 mètres que quelques gendarmes (2,3 ?) décident de se prendre au caramentran et à la personne qui le portait avec une menace d’amende si il continuait sa route. D’autres personnes, principalement les musicien.ne.s subissaient aussi la menace de 135 euros d’amende pour participation à une manifestation non déclarée.
La Stupeur est générale, la magie du moment et l’ambiance retombent d’un cran... S’en suit une discussion houleuse, principalement avec un des gendarmes, le responsable à priori, qui ne veut rien savoir, qui élève la voix, qui ordonne la mise en garde à vue du caramentran, qui continue de menacer les personnes présentes, les familles, d’amendes.
Quelques personnes s’éloignent, une amie quitte les lieux en pleur avec sa fille qui ne comprend pas ce qui se passe.
La foule encore sur place accepte de laisser le caramentran sous bonne garde et décide de repartir... à nouveau stoppée par quelques gendarmes, la main sur leur gazeuse avec leur responsable qui s’en prend à un des musiciens et tente de lui prendre son instrument de manière agressive. Le ton monte, l’ambiance se tend, la magie est, cette fois-ci, bien loin. Le retour dans le monde du contrôle, de la répression, du « travaille, consomme et ferme ta gueule » qui est scandé, me glace. Une belle réaction collective me réchauffe tout de même un peu mais le coeur n’y est plus. Je décide de quitter a la place vec ma fille, ne souhaitant pas qu’elle assiste plus à cette scène suréaliste d’un monde qui devient irrespirable, qui nous infantilise, qui nous méprise, qui nous déshumanise.
Comment en est on arrivé là ? Comment une simple marche festive sans prétention autre que se retrouver, se faire du bien, rêver, colorer nos vies peut faire l’objet d’une telle agressivité des forces de l’ordre ? D’un tel dispositif ?
Sur le chemin du retour, j’essaie de me détendre, de ne pas trop montrer à ma fille ma stupeur, ma tristesse aussi. Je lance une chanson que nous avons l’habitude de fredonner tous les 2 mais le cœur n’y est pas. Je pensais alors qu’on allait rejoindre tranquillement notre véhicule puis notre domicile... Je comprends vite que ca serait un peu plus compliqué que prévu...
Au loin, j’aperçois d’abord une personne qui court, puis une autre... Nous assistons en fait à une véritable chasse à l’homme et à la femme de gendarmes qui poursuivent et traquent certaines personnes déguisées, à pied et en voiture. J’en vois qui prennent peur, qui paniquent, qui se cachent. Je me pince, ce carnaval n’est qu’un mauvais cauchemard, je vais me réveiller... mais non, je suis bien avec ma fille en train d’assister à une traque de citoyen.ne.s qui ont osé venir s’amuser, chanter, danser, vivre. Une traque qui a duré un ptit moment dans la ville m’a t’on confié.
Une question me turlupine après une bonne nuit de sommeil, allons-nous nous laisser faire, allons-nous accepter encore longtemps cette mascarade de vie sans goût qu’on nous impose ? Allons-nous ranger nos confettis et nos costumes ?
je sais que de nombreuses personnes ont été choquées, que certaines ont été verbalisées, qu’au moins une personne a une convocation pour une audition à la gendarmerie. N’hésitez pas vous aussi à témoigner !
Antecume
(A celles et ceux qui rejetent l’anonymat, je le fais parce que je me dis qu’une police capable de traquer physiquement est bien capable de traquer numériquement et me coller une prune de 135 euros possiblement doublée, ca ne m’étonnerait pas, pour ma fille)
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