Nous ne vivons pas en démocratie. Cela doit apparaître de plus en plus clairement à de plus en plus de gens. Les manifestations actuelles des gilets jaunes semblent le suggérer. Le mot démocratie n’aurait jamais dû désigner autre chose que la démocratie directe. Le fameux pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. Le régime politique dans lequel nous vivons, le régime électoral républicain et libéral, que les institutions culturelles dominantes, les gouvernants et les médias qualifient de démocratie représentative (un oxymore), est « une aristocratie élective dans les faits », ainsi que l’écrit Francis Dupuis-Déri dans son livre La peur du peuple – Agoraphobie et agoraphilie politiques. Il ajoute d’ailleurs qu’il « est aussi possible d’y voir une monarchie, puisque l’aristocratie élue est dirigée par un monarque élu, le président — ou un premier ministre tout puissant face à une reine impuissante, comme au Canada ou en Grande-Bretagne. D’un point de vue étymologique, le mot monarchie désigne bien le pouvoir ou le commandement (arkhè) d’un seul individu (mono). Mais pourquoi donc faut-il qu’il y ait un chef dans un régime libéral ou républicain, en plus du corps de l’aristocratie élue ? Mystère. Avoir un chef d’État semble pourtant normal et naturel, et personne ne s’étonne que le roi ait simplement été remplacé par un président ou un premier ministre. »
Le peuple qui s’était révolté en 1789 contre le pouvoir en place se méfiait — à juste titre — de ceux qui disaient les représenter. En 1793, l’article 33 de la déclaration des Droits de l’homme affirmait que la résistance à l’oppression était la conséquence des Droits de l’homme. L’article 35 donnait donc au peuple la possibilité de s’insurger contre ses dirigeants : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »
Seulement, et malheureusement (mais heureusement pour Macron), dès 1795, les gouvernants, soucieux de rétablir l’ordre et de conserver leur pouvoir, vont réécrire une nouvelle « constitution ». Les hommes n’y naissent plus « libres et égaux en droit » et le droit de renverser les dirigeants par l’insurrection est supprimé.
C’est pourquoi les gilets jaunes, s’ils tiennent à vivre libres, à mener des existences décentes, et pas simplement à légèrement alléger leur calvaire, ne devraient surtout pas se contenter des maigres — et parfois étranges — revendications qui circulent, et encore moins des quelques concessions ridicules que le gouvernement propose ces derniers jours (moratoire sur la hausse des taxes, etc.), et devraient exiger rien de moins que la dissolution des structures de pouvoir antidémocratiques actuelles, au profit de l’instauration d’une véritable démocratie directe. Ils sont plus qu’en droit d’exiger la destitution de toutes les formes d’autorité illégitimes, et la redistribution égalitaire du pouvoir et des richesses ; et d’ailleurs, à moins d’une refonte totale de la société industrielle telle qu’elle existe aujourd’hui, la destruction de la planète est garantie, et donc celle des sociétés humaines. Cela requerrait, bien évidemment, une période de transition, et toutes sortes de processus qui pourraient et devraient être débattus par les gens eux-mêmes, assemblés dans les places publiques.
C’est pourquoi, aujourd’hui, bien que l’immense majorité des Français déteste Macron, aspire à une véritable démocratie et soutienne les gilets jaunes, notre cher monarque est intouchable. La loi l’autorise à réprimer — et même, potentiellement, dans le sang — n’importe quelle insurrection.
Paradoxalement — peut-être — tout cela ne constitue pas une raison de ne pas participer à une insurrection. Au contraire.
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