Une interview intéressante de Damasio, qui donne envie de lire son dernier livre, Les Furtifs
Alain Damasio : « Créer une pluralité d’îlots, d’archipels, est la seule manière de retourner le capitalisme » - Comment vivre dans des villes privatisées, où notre attention est contrôlée et sollicitée en permanence, et nos corps pistés à chaque instant ? Le dernier roman d’Alain Damasio, dont l’action se déroule en 2040, explore ce monde possible, avec justesse, de manière sensible et réaliste. Il nous invite à sortir d’urgence de nos « techno-cocons », à expérimenter de nouvelles manières d’être au monde et de résister, pour reprendre le contrôle sur nos vies. Attention, entretien décapant.
Extraits :
Chaque régime de pouvoir a sa façon d’être renversé. Dans le régime féodal, hyper-hiérarchique, c’est simple : on coupe la tête du roi ! On en est prisonniers depuis deux siècles, de ce mythe de la Révolution française, tellement massive et presque magique…
Aujourd’hui, on est en « démocrature » – c’est-à-dire avec des éléments de démocratie et des éléments de dictature, mais globalement plutôt en démocratie – et dans un système où tous les pouvoirs sont disséminés, dans un réseau, un maillage : on ne peut pas retourner ça comme une crêpe. Dans un régime aussi intégré, aussi cybernétique et aussi corrélé, il faut plutôt des îlots.
Vous soutenez le mouvement des Gilets Jaunes ?
Acter qu’ils ne voulaient pas de représentants, que la représentativité au Parlement était une aberration, est un truc génial. Mis à part peut-être le Comité invisible ou le site Lundi matin, personne ne l’avait fait. Les Gilets jaunes ont destitué systématiquement toute tête qui voulait se présenter en leur nom, en disant que tout personne qui prétend représenter un mouvement de cet ordre-là est un usurpateur ou un clown. C’est quand même nouveau, et c’est un vecteur d’optimisme très fort…
Vous ne croyez plus au combat électoral ?
Plus du tout. En tout cas pas sur cette période-là. Je pense qu’il a été totalement dévoyé. Pour autant je ne suis pas d’accord avec le Comité invisible qui destitue complètement l’idée-même d’élections ou de vote : cela reste un mode pratique et pragmatique. Mais c’est le plus bas niveau de l’action politique. Tu fais plus en allant chercher ton panier à l’Amap et en consommant intelligemment qu’en votant… Idem pour les logiques collectives : tu fais 10 000 fois plus en soutenant la ZAD ou en manifestant, qu’en votant.