A certains moments de la vie, des choix s’imposent. Des choix qui définiront la suite de nos vies, aussi bien personnellement que collectivement. Ces moments-là sont rares. Ils donnent souvent le vertige. Ils peuvent accoucher du meilleur comme du pire. Souvent, dans ces moments de bascules potentielles, par crainte du pire, l’être humain préfère le statut quo. Ceux qui profitent du système l’ont bien compris et jouent à fond la carte de la peur.
A l’approche du joli mois de mai, nous sommes clairement dans une séquence où nos choix individuels vont définitivement décider de l’issue d’un mouvement social inédit par sa forme et son ampleur. Le rendez-vous du samedi 20 avril à Paris, tout autant que l’appel à une convergence avec les syndicats le 27 avril, puis l’inévitable 1er mai, suivi d’un 04 mai de convergence avec les luttes climatiques…. Nous savons que les jours à venir seront décisifs.
Les puissants le savent aussi, et le craignent. Et ils feront tout pour empêcher les citoyens de choisir le changement. A ce titre, l’incendie de Notre-Dame de Paris est particulièrement révélateur. Si leur tristesse n’est pas à remettre en question, la façon dont le pouvoir politique et économique s’est emparé de ce drame révèle leur jeu à peine voilé : utiliser la tristesse pour contenir la colère populaire. Beaucoup de (belles) choses ont déjà été écrites sur le sujet. Ce qu’il faut désormais, c’est remettre les choses à leur place et que le choc émotionnel n’empêche pas les citoyens de voir clair dans la situation.
Disons-le clairement et simplement : il n’y a aucun rapport entre l’incendie accidentel de Notre-Dame et la lutte des Gilets Jaunes. Comme il n’y avait aucun rapport en décembre avec le terrible attentat de Strasbourg. S’il fallait trouver un lien, il serait dans l’état de délabrement des bâtiments, aussi bien publics que privés, dû à une paupérisation lente mais inexorable de la société, au profit de quelques ultra-riches toujours plus riches. Ceux qui diront que manifester quelques jours après ce drame est indécent sont d’une immoralité extrême. Ils utilisent Dieu et notre humanité pour des intérêts privés et très loin des volontés divines. Car votre Dieu, quel qu’il soit, ne peut pas accepter qu’un milliard d’euros soit débloqué en une nuit pour reconstruire l’une de ses maisons et qu’il soit impossible de trouver quelques millions pour nourrir les plus démunis qui vivent à quelques mètres de cette cathédrale. Il ne peut accepter qu’on interdise les distributions de nourriture aux migrants, qu’on ferme des lieux d’accueil, qu’on coupe petit à petit toutes les aides sociales pour les plus démunis, qu’on laisse crever nos anciens dans l’indifférence générale. Et il se sentira bien plus proche des manifestants qui se battent depuis des mois pour une société plus juste.
Mr Macron, samedi, nous descendrons dans la rue, par milliers, pour crier notre colère. Nous le referons le samedi suivant, et le 1er mai. Et peut-être même les jours et les nuits entre. Et si cette colère génère une vitrine brisée ou une voiture brulée, ne vous risquez pas à glisser une quelconque allusion à Notre-Dame. Faire cela serait souiller la mémoire de ce lieu tout autant que celle des millions de croyants, dont des Gilets Jaunes. Cela vaut également pour tous ceux qui tenteront de canaliser une colère de rue en utilisant ce drame.
Aujourd’hui, le choix à faire, c’est celui de notre humanité. Vouloir retrouver des valeurs humanistes, tant prônées par de nombreux textes sacrés autant que par des œuvres libertaires, c’est aujourd’hui combattre le système actuel. Le pouvoir en a conscience et ne se laissera pas détruire sans avoir tout tenté.
Si nous baissons les bras dans les jours à venir, ce n’est pas une “simple” bataille que nous perdons. C’est l’espoir de retrouver notre humanité. De ne plus accepter que quelques milliers de personnes gagnent plus que des millions. Macron est la quintessence de ce que peut être le politique du 21e siècle : un produit marketing très attrayant en apparence, mais d’un mépris extrême pour les autres, notamment ceux qui n’ont pas “réussi”. Sa façon de gérer la révolte des GJ est à l’image du capitalisme d’aujourd’hui : indécent, sans limite, et sûr de lui.
Chacun de nous se retrouve donc face à un choix simple dans l’équation mais difficile dans ses implications : baisser les bras et laisser le pouvoir actuel en place. Cela signifie que les luttes sociales à venir subiront le même funeste sort que les dernières. Que le combat ne sera plus possible sur des réformes d’envergure, sur des changements de paradigmes, mais uniquement sur des petites mesures de branches et non structurantes. Ou alors se battre et ne rien lâcher jusqu’à ce que le système actuel tombe, littéralement. Cela signifie prendre des risques personnels et collectifs, s’exposer physiquement, juridiquement. Faire face également aux reproches des amis qui n’auront pas encore pris conscience qu’il s’agit bien d’une volonté de retrouver son humanité ; notre humanité collective.
Nous sommes donc à ce moment de nos vies où il s’agit de prendre nos âmes pour les utiliser comme armes face à ceux qui refusent de perdre leurs privilèges pour offrir une vie plus digne à des millions de personnes.
Un texte de Cerveaux Non Disponibles