Acte XIV des « Gilets jaunes » : Sauvages et imprévisibles !

lundi 18 février 2019

Lors de ce nouveau samedi de manif, le quatorzième depuis le 17 novembre, ce sont dans les villes de province que les désordres se sont exprimées de manière impromptue, allant bien au-delà des affrontements rituels avec les forces de l’ordre, comme à Paris, Toulouse, Bordeaux, Montpellier, où les batailles de rues étaient régulièrement ponctuées d’attaques de vitrines de ce monde d’argent et d’exploitation.

Au Mans (Sarthe), la manif (d’un peu plus de 300 personnes selon Ouest-France) s’est élancée en allant faire un tour par le commissariat de police de la rue Paixhans, où une quinzaine de flics était massée derrière les grilles. Quelques pierres et de pétards sont jetés en leur direction. Une vitre du pôle administratif est brisée. En prenant ensuite la direction des Jacobins, la permanence du député LREM Damien Pichereau se trouvant sur le trajet est littéralement saccagée. Ce n’est pas juste une ou plusieurs vitres qui tombent (comme ce fut déjà le cas lors des manifs précédentes du samedi et même parfois en semaine, hors de tout regroupement massif), mais tout le mobilier qui est retourné à l’intérieur. Un tag inscrit sur la façade est on-ne-peut-plus-clair : « pas de député, pas de président ».

Ensuite, le cortège continue sa route en direction du tribunal, où il s’arrête quelques minutes. En tout cas assez de temps pour que des enragés (en jaune ou non) saisissent l’occasion pour exprimer leur rage : si certains allument des feux de poubelles devant et autour du Palais de Justice, d’autres décident de l’attaquer à coups de pierre, détruisant ainsi plusieurs vitres du bâtiment institutionnel.

Vers 16 h, les vitrines de l’agence Ouest-France sont explosées à coups de marteau. Un individu aurait tenté de s’introduire dans la rédaction, selon les journaflics directement visés.

Mais les dégâts ne s’arrêtent pas là, d’après le journal local Les Nouvelles de Sable : rue du vert galant, une voiture décapotable est incendiée. Une barricade a été formée avec du matériel du chantier de la visitation. Au cours de l’après-midi, d’autres vitrines ont été fracassées, comme celles de l’agence immobilière Citya, l’agence Groupama ou encore la boucherie dans le secteur Gambetta Eperon.

A Nantes (Loire-Atlantique), plus de 1300 personnes s’élancent vers 14h de la Place du Commerce en direction de la préfecture. Une heure plus tard, les premiers gazages ont lieu alors que le cortège tente de se frayer un chemin vers la gare SNCF. Vers 16h, le Mac Do de Feydeau est visé par une tentative d’incendie. Des panneaux publicitaires JC-Decaux se font exploser les uns après les autres. Les jets de projectiles répondent aux salves permanentes de lacrymos des flics sur la Cours des 50 Otages, puis à proximité du château des ducs de Bretagne. Trois quart d’heure après la première attaque, le Mac Do de Feydeau est de nouveau la cible des émeutiers. A 19h30, 14 personnes ont été interpellées.

Trois vont être déférées devant un magistrat du parquet, ce lundi 18 février, pour des violences sur les forces de l’ordre. Deux hommes, 18 et 34 ans, vont être jugés en comparution immédiate. Un adolescent de 16 ans va être présenté devant une juridiction pour mineurs. On lui reproche des violences, mais aussi des dégradations de biens publics. Les douze autres ont été libérés avec des convocations devant le tribunal correctionnel dans les prochains mois. Ils sont poursuivis pour différents faits : outrage, rébellion, port d’arme, participation à un attroupement armé… Parmi eux, se trouvent sept mineurs, qui devront répondre de leurs actes devant un juge des enfants ou recevront une composition pénale (peine alternative aux poursuites).

A Montpellier (Hérault), deux caméras de vidéosurveillance de la Ville ont été volontairement saccagées, après que des individus cagoulés ont grimpé aux mâts où elles étaient fixées, dans le quartier des Beaux Arts et près du musée Fabre, sur l’Esplanade Charles de Gaulle. Une voiture de la police municipale, sans flic à l’intérieur et en stationnement devant une annexe du centre-ville, a eu ses vitres brisées par des jets de pierres, alors que les gendarmes mobiles étaient en train de charger les saboteurs inspirés.

Parmi les huit personnes interpellés et placés en garde à vue, figure l’auteur présumé de l’attaque de la caméra de vidéosurveillance aux Beaux Arts. Il a été interpellé en flagrant délit par la police.

Le samedi précédent pour l’acte 13, la Ville de Montpellier avait déjà déposé une plainte contre X, après que des pierres ont été lancées sur un véhicule de la police municipale, avec cette fois des agents à l’intérieur, lors du passage du cortège des Gilets Jaunes dans la rue de la Saunerie. Cet équipage se trouvait derrière les halles Laissac en vue d’assurer une protection des commerces. (Le Métropolitain, 17.02.2019)

A Besançon (Doubs), comme chaque samedi, rendez-vous était donné à 14h. Plusieurs centaines de personnes décident de s’éloigner du centre-ville et d’aller bloquer les gros axes de la ville, avec deux grandes banderoles : « Ni capitalisme ni fascisme » et « la solidarité est notre arme ». Le cortège s’élance en direction de la rue de Dole, où un détour est fait par la prison de la Butte, où deux personnes sont désormais incarcérées dans le cadre des manifs « Gilets Jaunes » : descris du type « Libérez nos camarades » ou « Libérez Jordan » fusent, et le cortège repart en direction de Micropolis, en bloquant la circulation. C’est à ce moment précis, au niveau du rond-point, qu’une voiture force le barrage et fonce dans la foule, manquant de peu d’écraser des manifestant.e.s. Mais la réponse est immédiate et le chauffard se fait calmer ses ardeurs : des vitres sont brisées, la carrosserie enfoncée.

Le cortège repart en direction du centre commercial de Chateaufarine (celui qui brasse le plus de thunes dans Besançon et son agglo), en empruntant l’axe principal, c’est-à-dire la rue de Dole. Alors que les gendarmes mobiles se sont positionnés et attendent de pied ferme les manifestants au premier rond-point d’entrée dans la zone, ces derniers déjouent le dispositif des bleus et optent plutôt pour déambuler à travers le quartier de Planoise. L’ambiance se réchauffe immédiatement et, face à l’afflux des jeunes du quartier (parfois des minots de 12 ans !), la patrouille de flics qui suivait la manif quitte le secteur à toute allure. Des abribus sont défoncés à coups de caillasses. Après plusieurs kilomètres de marche, le cortège se retrouve devant les portes closes du centre commercial de Chateaufarine, gardées par les vigiles. N’ayant pas marché tous ces kilomètres pour rester sages aux portes du temple de la consommation, certains enragés s’équipent de pierres, d’autres de caddies… et ça passe en force, faisant sauter les portes en verre de l’entrée principale. Des coups de pétards retentissent dans la galerie, les DABs aux écrans tactiles du Crédit Agricole sont fracassés, tandis que les plus déterminés partent à l’assaut de la marchandise : quelque-uns réussiront à ressortir avec des fringues expropriés en quelques minutes, juste avant l’arrivée des gendarmes. Une vendeuse dira : « On ne s’y attendait pas. Il y a eu un mouvement de panique, j’ai vu au moins vingt clients sortir en courant par la sortie de secours. On a dû baisser les grilles, sans trop savoir ce qu’il se passait au départ ». Lors de la dispersion sur le parking, deux personnes sont interpellées, l’une pour « jets de projectiles »et l’autre pour « outrages ». La première ressortira de GAV le lendemain après-midi sans suites.

Plus loin, le cortège se reforme et retourne en direction de la prison en prenant la rue de Dole. Mais un gros cordon de GM bloque la route d’accès vers la Maison d’Arrêt. La manif se retrouve coincée dans cette grande allée cloisonnée par les murs de la caserne militaire, avec des bagnoles qui continuent de circuler. Après quelques minutes, les gendarmes bombardent la foule de grenades lacrymos, dont certaines rebondissant directement sur les voitures. Des projectiles sont lancés en retour, des barricades de poubelles sont incendiées au milieu de la chaussée. Et le cortège repart en esquivant une fois de plus le dispositif des forces de l’ordre et en contournant la méga-caserne pour se rediriger vers le centre-ville. Après un défilé au pas de course tout l’après-midi, toute le monde se disperse au niveau du lycée Jules Haag, en se promettant de se retrouver samedi prochain.

A Belfort (Territoire-de-Belfort), près de 400 « Gilets jaunes » ont investi à la mi-journée le péage Belfort-Fontaine sur l’A36 pour la rendre gratuite, prévoyant de rester tout le week-end. Mais plus tard, l’opération qui consistait à lever les barrières a tourné au sabotage destructeur : « Sur les coups de 19 h 15, une cabine a été incendiée par des manifestants et des atténuateurs de choc, les blocs verts qui délimitent les pistes, ont été démontés. Un coffret d’îlot qui permet d’éclairer les cabines a aussi été vandalisé et les caméras de vidéosurveillance arrachées. Dans le sens Belfort-Mulhouse, la circulation se fait désormais sur deux voies, contre six normalement et sous la surveillance des forces de l’ordre » (Est Républicain). Selon France Bleu, « plusieurs départs de feu ont été observés dans la soirée sur le péage. L’un sur un tampon amortisseur, devant une cabine. L’autre dans un espace vert, à côté du péage. Le troisième sur un boîtier électrique ».

Toulouse (Haute-Garonne) : Plus de 5000 personnes ont défilé à travers le centre-ville. C’est vers 16h15 que des affrontements ont éclaté au niveau du théâtre de la Cité (ex-TNT), sur les boulevards. Les forces de l’ordre ont essuyé divers projectiles et répliqué en faisant usage de grenades lacrymogènes. Des incidents qui se sont poursuivis au niveau du Monument aux Morts, puis vers la Côté Pavée et au centre-ville. « Quelques incidents ont eu lieu à différents endroits à Toulouse avec des tags et appositions d’affiches, des feux de poubelles et des jets de projectiles en direction des forces de l’ordre », a précisé la préfecture. À 19h30, une source policière indiquait à Actu Toulouse que 17 personnes avaient été interpellées suite aux débordements.

Brétigny-sur-Orge (Essonne), aube du 16 février : Tags sur la permanence de la députée LREM de la 3e circonscription de l’Essonne


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