Témoignages sur la manifestation à Nantes du 14 septembre acte 44

Plusieurs témoignages qui ne seront jamais sur BFM ni dans le Daubé

dimanche 15 septembre 2019, par Gilets jaunes.

Voici quelques récits et analyses de la grande manif gilets jaunes qui s’est déroulée à Nantes le 14 septembre 2019, des textes que vous ne verrez jamais sur BFM ni dans le Daubé, ni sur France Bleue, ni sur France 2 ou TF1 :

14 SEPTEMBRE A NANTES : RENTRÉE SOCIALE, RÉPRESSION BRUTALE

- 4000 manifestant. Défilé interdit. Blindés et guerre psychologique - un post de Nantes Révoltée

Récit d’une journée de lutte à Nantes, pour l’Acte 44 des Gilets Jaunes, contre les violences d’Etat, mais aussi en écho à toutes les mobilisations qui traversent l’actualité.

Nantes acte 44 14 septembre 2019

UNE IMMENSE COLÈRE

C’est dans un contexte particulièrement tendu que cette grande manifestation de rentrée est organisée. Un mouvement des Gilets Jaunes ravivé après un été qui n’a pas été inactif, un pouvoir qui n’a pas cessé les provocations, de nombreux secteurs en grève, le député de Nantes frappé par le scandale des homards ... Et surtout, un été plombé par la noyade de Steve le soir de la fête de la musique, provoquée par la charge ultra violente de la police. Pendant trois mois, la ville a vécu au rythme de cette affaire d’Etat, et des surenchères d’une police toute puissante, qui est allé jusqu’à étrangler un manifestant jusqu’à l’évanouissement, lors d’une marche pour Steve. Les raisons de se révolter ne manquent pas. Et la mobilisation est importante, sur le plan symbolique comme dans les rues.

GUERRE PSYCHOLOGIQUE

Les autorités ont joué une nouvelle carte, particulièrement vicieuse : elle d’une usure psychologique pour détruire la mobilisation. La guerre psychologique est une tactique des guerres dites « anti-subversives » utilisées notamment pendant la guerre froide. Un intense travail de renseignement et d’infiltration, et une propagande méticuleuse ont été mis en place.

Pendant des jours, la préfecture multiplie les communiqués extrêmement alarmistes, qualifie la menace d’inédite, et fait croire que la ville sera dévastée. Pour compléter le tableau, la police annonce la découverte de « cocktails molotov », dans une poubelle aux abords du lieu de rendez-vous de la manifestation. « 22 cocktails », ça ne s’invente pas. Sur le compte twitter de la police, une photo montre en réalité des grandes bouteilles totalement vides, avec un peu de papier toilette au bout. La manœuvre est grotesque, mais les médias relaient l’intox sans aucun recul.

Les interpellations « préventives », sans motif, avant même la manifestation sont nombreuses. Des personnes sont arrêtées et embarquées au coin d’une rue, par un véhicule banalisé. Une voiture contenant des parapluies est saisie par les autorités. Un homard en papier mâché, qui devait amener de la joie dans le défilé, est volé par des policiers qui ont organisé pour l’occasion une véritable embuscade.

Même un vigile de France télévision est embarqué le samedi matin. « A 10h45, des policiers sont venus vers nous, agressifs, insinuant que nos cartes de presse étaient fausses. Mon garde du corps est à Waldeck. On n’arrive pas à le joindre » explique une journaliste. Enfin, le préfet a annoncé qu’il n’autoriserait qu’une seule rue aux manifestants : le Cours des 50 Otages. Tout est fait pour faire monter la tension, pour faire peur, pour détruire tout ce qui peut donner de la joie. Les autorités ont écrit un scénario mortifère qu’elles tentent de faire coller à la réalité. Ce samedi la ville est presque morte : pas de transport, tout est barricadé, le centre est désert.

HORS DES SENTIERS BATTUS

A midi, quelques centaines de personnes se retrouvent place Mellinet, sous le soleil. L’endroit est calme, spacieux. Un pic nic est distribué sur place. Malgré les annonces plombantes du matn, il y a de la musique, des échanges, quelques rires. Un hélicoptère survole le repas, tourne au dessus de la place minutieusement. Il disparaitra par la suite. Une opération d’intimidation et de renseignement, pour ficher les premiers arrivants. Peu avant 14H, le cortège s’ébranle, et remplit un boulevard. Il y a plus d’un millier de personnes, qui se faufilent dans les petites rues qui mènent centre-ville. Malgré un parcours hors des sentiers battus, le dispositif policier, important et mobile, arrive à éloigner les manifestants loin de la Place Delorme où ils devaient se rendre. Après plusieurs face à face, retour sur les bords de Loire. La manifestation rejoint un autre groupe de manifestants qui s’étaient réunis, malgré les consignes, à la croisée des trams. Il y a près de 4000 personnes.

En direction de commerce, c’est la surprise : une ligne de gendarmes empêche l’accès. Pourtant le seul endroit annoncé comme autorisé. Le préfet a menti. Comme d’habitude. En réalité il n’y a même pas une rue pour les manifestants : tout est interdit.

PRESSION MILITARISÉE

Les premiers rangs vont à mains nues au contact des forces de l’ordre. Bousculades, invectives, le cordon finit par lâcher à deux endroits. Des dizaines de personnes s’engouffrent dans les brèches. Grosse confusion, avec du gaz, des grappes d’agents au milieu des manifestants, des camions tagués, qui finissent par se rentrer dedans. Un policier qui tabassait un manifestant tombe au sol. De la peinture rose gicle. Ambiance électrique et échec du maintien de l’ordre. Mais derrière, le dispositif, militarisé, semble innombrable. Le cortège est arrêté quelques centaines de mètres plus loin, à Bouffay. Des lignes de bouliers et des blindés, qu’on n’avait pas vu dans le coin depuis les expulsions de la ZAD, sont déployés. Les premières lignes de la manif arborent des parapluies comme à Hong Kong. Tentent d’avancer. Une pluie de projectile répond aux grenades. Du feu arrive au pied des boucliers. Mais nous ne sommes pas à Hong Kong : le gros des manifestants contemple le spectacle, consomme l’évènement, laissant les parapluie seuls face à la répression. Le cortège reflue.

A partir de là, il n’y aura plus de manifestation, mais une série de heurts presque ininterrompus dans l’hyper centre. Charges violentes, et contre-charges, utilisation intensive de gaz, vitrines brisées malgré les protections qui bunkérisaient toutes les enseignes, abondance de tags. La détermination est là, mais il n’y a pas de perspectives face à un dispositif écrasant. La plupart des manifestants ne sortiront pas de l’étau dans lequel ils se sont mis. Quelques grappes, plus mobiles, parviendront à atteindre la gare, la mairie, et d’autres quartiers, démontrant qu’il est possible de déjouer la répression. mais ils seront bien peu nombreux. Autour de 17H, la violence redouble. Un homme est cloué au sol par un canon à eau. La BAC attaque. Les gendarmes matraquent. Il faut faire place nette.

Nantes acte 44 14 septembre 2019

NACITÉ

Les murs de policiers ne sont pas tombés, mais comme souvent, les Gilets Jaunes font preuve d’une extraordinaire ténacité. Il y a l’envie d’être là, de tenir la rue. Jusqu’à 19H, des slogans résonnent, des groupes refluent, puis reviennent dans les nuages de gaz, et épuisent les gendarmes qui cuisent comme des homards sous leurs casques. Les voltigeurs à moto font plusieurs arrestations, violentes. La rue Kervegan est dans les gaz. Des feux d’artifice crépitent alors que le jour décline.

Vers 21H, une manifestation bonus s’improvise, dans des rues vierges d’uniformes. Une alarme retentit, une vitrine trinque, un chantier sert de barricades sommaires et éphémères sur la voie de tram. Une bagarre éclate devant un bar, entre une bande hostile aux barricades et des manifestants. Un blessé de plus. La journée a été longue.

QUELLES PERSPECTIVES ?

Les libertés s’envolent dans l’indifférence des syndicats et des partis. L’ordre triomphe. Les marges de manœuvres s’amenuisent. Il y a eu des dizaines d’interpellations aujourd’hui encore. Tant que les manifestants ne seront pas soudés et solidaires entre eux, tant que les cortèges iront systématiquement se nicher au cœur des pièges tendus par la police, et tant les « black blocs » seront vus comme des prestataires d’un spectacle émeutier, il sera bien difficile de sauver le droit de manifester.

Inventons de nouveau moyen de résister.

Nantes acte 44 14 septembre 2019

🔴 Ce soir, je n’ai qu’un seul mot : DEGOUTEE !!!

Dégoutée de voir les médias habituels dirent, encore, que le mouvement des Gilets Jaunes était mort ! Et que le Black Bloc prenait le pas sur nous, gilets jaunes !
C’est vrai, ils étaient à Nantes, et nombreux ! Merci à eux ! Car grâce à eux, nous autres, gilets jaunes, on se fait moins taper sur la gueule ! Quoi que d’après ce que j’ai vue aujourd’hui, les nôtres ne se laissent plus faire, foncent et forcent les barrages ! Bravo à vous tous citoyens en colère !!!
J’ai vue des hommes, des femmes, aller au contact, défendre les leurs, défendre une femme handicapée, renversée dans son fauteuil au sol par les Fo...
Ils étaient des milliers de personnes à avoir répondu à l’appel national ce samedi 14 septembre pour l’ acte 44 à Nantes ! J’ai vue les lives !
Cocktails molotov contre gaz lacrymogène ! Par moments, on ne voyait plus rien tant le nuage de gaz était dense ! J’attends le live de Yacine - Civicio - et son condensé. Et « nous n’avons aucune revendication » ? Mais de qui ils se foutent sérieux ? Ce sont les mêmes depuis 10 longs mois !!! 10 longs mois bordel !!!
Il y a eu de nombreux blessés à Nantes, de nombreux malaises, suite au gazage excessif des FO, et tout le monde va trouver ça normal, car ils étaient sur une manif non déclarée ??? Des passants, sortant de magasins, pris dans les gaz et c’est normal ? J’ai vue des FO complètement dépassées, car les manifestants les prenaient à revers, les faisaient courir d’une rue à l’autre ! J’ai entendue des appels à se rassembler quand le cortège était « cassée » les manifestants se retrouvaient plus loin, dans une autre rue ! Bravo ! un grand bravo ! oh les ami(e)s si vous saviez comme je suis fière de vous tous aujourd’hui ! La stratégie paie !
A Paris, ils étaient nombreux aussi ! MAIS... manif déclarée ! Encadrée par des FO qui vous disent quand avancer, quand s’arrêter, quand tourner à droite, quand tourner à gauche, STOP ! Ca suffit ! Vous avez quoi de plus avec une manif déclarée ? Vous vous faîtes gazer la tronche pareille !! Stop ! Arrêtez de jouez aux moutons, sérieux !
J’ai vue la prise de la gare à Toulouse ! J’ai vue des manifestants à l’aéroport d Orly pour dire NON à sa privatisation, j’ai vue des petits ronds-points repris, petit matraquage en règle de dangereux « papis et mamies », j’ai vue tellement de choses les ami(e)s !
Des cocktail Molotov lancés sur les Fo, j’ai vue des retraîtés de 85 ans dans des manifs, j’ai vue des manifestants avec des parapluies qu’ils se faisaient confisquées, j’ai vue à Nice, des menottes, des affiches, des slogans hostiles à un certain commissaire (CHASTAING) rendu célèbre par l’affaire Legay, les Gilets Jaunes ont interpellé les policiers devant le commissariat Foch !
Les Gilets Jaunes aujourd’hui dans le centre commercial des Grands Hommes de Bordeaux : "travaille, consomme, et ferme ta gueule" fût leur slogan...
J’ai vue tellement de lives que vous m’avez envoyé, ami(e)s du groupe ! Je n’ai plus les mots !
Là, aujourd’hui le samedi 14 septembre 2019 pour l’acte 44 - vous m’avez fait rêver ! Fait rêver, qui comme me l’écrivait un ami rappeur, gilet jaune incarcéré , courrier que j’ai reçu ce matin « Même s’ils m’enferment, ils peuvent pas m’empêcher d’être libre... »
Pour toi L. Kévin et pour tous les autres gilets jaunes incarcérés, nous sommes encore et toujours là ! Cet acte 44 est pour vous aussi !
Et même s’ils essaient de nous museler, de nous réprimer, de nous gazer, de mettre leur répression en marche, nous ne nous laisserons pas faire, et c’est ce que j’ai vue aujourd’hui !
Rendez-vous le samedi 21 septembre 2019 ! Tous, partout, où que vous soyez !
Lilou le 14 Septembre 2019

Témoignage de Jay Le Quid

Je ne sais comment débuter ce récit que je m’apprête à vous raconter tant celui-ci présente des circonstances que peu de mots peuvent encore qualifier.

Lors de l’acte 44 qui avait lieu à Nantes le 14 septembre 2019, il était aux environs de 18h30 lorsque nous fûment entièrement nassés sur l’axe qui relie le Cours de la Bourse à l’Allée Brancas ainsi qu’au niveau du Cours Roosevelt qui lui est parallèle.

A ce moment des faits, je m’étais retrouvé sur la Place du commerce qui longe l’axe Cours de la Bourse Allée Brancas. Les sommations d’usage retentissaient via un haut-parleur à l’adresse des manifestants qui leur ordonnaient de se disperser. Mais comment aurions-nous pu nous disperser alors que nous étions totalement nassés ? J’y vis alors un paradoxe qui laissait apparaître une absurdité qui me paraissait ressortir soit d’une incompétence notoire, soit d’une toute autre stratégie que j’allais alors vivre ainsi que nombre de personnes qui se trouvaient alors Place du Commerce.

Alors que je déambulais sur la Place du Commerce bondée en direction de la ruelle de Thurot, je vis les effectifs au complet de la BAC de Nantes surgir au niveau du parvis du bâtiment néo classique qui surplombe la place et se postèrent en rang d’oignons face au public qui se trouvait alors sur cette dernière. Les agents de la BAC tenait la foule en joug avec leurs lanceurs de LBD en position de tir tendu ainsi qu’avec leurs lanceurs de grenades de désencerclement. La foule fut soumise à un feu nourrit (LBD + grenades de désenserclement), délibérément et directement dirigé, et ce sans la moindre distinction, sur des personnes qui n’étaient pas armées et ne représentaient aucune menace. J’entends encore les cris de terreur de tous ces gens pris à parti tentant de fuir par la ruelle étroite de Thurot malgré les lacrymogènes et les grenade de désencerclement qui nous atterrissaient sur le coin de la figure. J’entends encore et encore le claquement des balles de défense au moment de leurs lancers au milieu des cris et des hurlements de la foule terrorisée. C’est un élément qui m’avait particulièrement marqué. Je vois encore les mouvements de panique suscité par ce que l’on pouvait qualifier d’un véritable abattage, j’aperçois encore tous ces visages terrifiés par la peur instinctive commune à celle qui s’exprime lorsque l’on sait que la mort approche, et le stoïcisme et l’attitude méthodique des agents de la bac exécutant leur basse besogne. J’assistais alors à une authentique exécution en règle.

Concomitamment à ces faits innommables, il était opportun de se demander pourquoi une telle offensive policière avait-elle visé particulièrement la Place du Commerce alors que le reste du périmètre nassé ne subissait que peu ou pas d’assauts de la part des troupes anti émeutes. Devait-on y voir la volonté délibérée de la police d’en finir une bonne fois pour toute avec cette manifestation en faisant des personnes présentes sur la Place du Commerce un exemple visant à intimider le reste du cortège, comparativement à la méthode qu’usait les Allemands durant la deuxième guerre mondiale alors que ceux-ci usaient d’otages afin de faire des exemples à destination des récalcitrants à l’occupation de la France ?
La Place du Commerce présentait une facilité en termes de taille de surface que de sa configuration dessinée par les façades des hauts immeubles qui l’entourent. Ainsi, une telle configuration pouvait permettre de confiner un nombre de personnes conséquentes de personnes qui fussent aisées d’avoir à portée de tir dans ce sinistre balle trappe organisé par les agents de la BAC de Nantes et de créer un impact psychologique sur le reste du cortège.

Au vu des actes récents perpétrés par les agents de cette faction de la police Nantaise, ceux-ci devront à un moment ou à un autre rendre des comptes, ne serait-ce qu’au nom de leurs victimes.


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