Mieux vaut Pippi

lundi 5 août 2019, par janek.

Je l’admets, moi aussi j’ai été frappé par la jeune fille suédoise avec des nattes. J’en suis tombé amoureux presque instantanément. Son indépendance vis-à-vis des adultes, son courage face aux forces de l’ordre, son défi des conventions sociales, sa volonté débridée de vivre dans un monde fabuleux et complètement différent de ce à quoi nous sommes malheureusement tous habitués, son amour pour la nature… enchanteur, vraiment. Voilà pourquoi je trouve déprimant que la tendre et souriante Pippi Longueschaussettes* soit aujourd’hui oubliée en faveur de la pédante et boudeuse Greta Thunberg, initiatrice de la grève lycéenne pour le climat.

Pippi savait tirer au pistolet, Greta sait parler aux dirigeants politiques. Pippi avait une telle force qu’elle pouvait soulever un cheval, Greta dispose de tels soutiens qu’elle intéresse les médias internationaux. Pippi était fille d’un obscur marin, Greta est fille d’artistes célèbres. Pippi avait à ses côtés le cheval Oncle Alfred et le singe Monsieur Dupont, Greta a à ses côtés le publicitaire Ingmar Rentzhog et l’ancien vice-président des États-Unis Al Gore. Pippi possédait un trésor de pirates pour satisfaire ses besoins vitaux, Greta appartient aux start-up technologiques qui doivent satisfaire leurs exigences commerciales.
Pippi a encouragé des générations d’enfants à croire en eux-mêmes et à leurs rêves les plus fous (vivre en liberté), Greta encourage les classes dirigeantes à se corriger elles-mêmes pour réaliser leur ambition la plus banale (sauver le capitalisme). Avec son univers fantastique, Pippi la rebelle (nous) mettait à l’abri de la loi et de l’ordre, avec son univers de realpolitik, Greta l’activiste (les) met à l’abri de la révolte et du désordre.

Quelle différence abyssale !

Aujourd’hui, des manifestations pour protester contre le changement climatique se sont déroulées partout dans le monde. Il s’agit du Vendredi pour le futur, l’idée inspirée par Greta (ou par ceux qui le font pour elle) d’une grève globale pour le climat. Mais quelle est la principale cause du réchauffement climatique ? L’activité industrielle pour la production de biens et de services. Et qui exerce, soutient et finance cette activité ? Les petites et grandes entreprises, avec l’appui direct de l’État. Est-ce la raison pour laquelle tous ces activistes de l’environnement demandent aux bureaucrates et aux responsables de promouvoir des lois et des initiatives permettant le développement d’un capitalisme vert et durable ? Etant eux-mêmes les responsables du changement climatique en cours, pourquoi ne serait-ce pas à eux de résoudre les dégâts qu’ils sont en train de provoquer ? Cette demande n’est pas plus que logique, c’est au fond une prétention complètement stupide. Demander à l’État et aux grandes industries de baisser drastiquement leurs émissions de dioxyde de carbone revient à demander à un requin de réduire drastiquement sa quête de nourriture. Le requin avide de chair continuera à massacrer les êtres vivants, tout comme le capitalisme avide de profit continuera à piller les ressources naturelles. La solution ne peut venir de ceux qui font partie du problème.

Marcher en défense du climat pour demander une politique plus écologique à la classe dirigeante est une excellente gymnastique de l’obéissance. On bouge les jambes pour s’en remettre aux parlementaires, on agite les bras pour dépendre des ministres, on secoue la tête pour s’incliner devant les gouvernants. On se met en mouvement, mais seulement pour prendre (et se faire prendre par un) parti. Mens servile in corpore sano, esprit servile dans un corps sain. Voilà pourquoi la pacifique et affable Greta est tant appréciée par les politiciens les moins vulgaires et les moins réactionnaires.

Pas par moi en tout cas. Je n’en peux plus de l’entendre. Hep, vous ne voulez pas plutôt vous enticher de l’autre jeune fille suédoise, celle aux cheveux roux, celle qui s’habille de façon bizarre, celle qui s’en fiche d’avoir des taches de rousseur, celle qui porte des chaussures cinq fois supérieures à sa taille, celle qui s’enthousiasme « à l’idée de voir l’île de Couricoura ; s’allonger sur le rivage et plonger le gros orteil dans la véritable Mer du Sud, tandis qu’il suffit de bâiller pour que tombe une banane bien mûre » ?

Traduit de finimondo.org dans avisdetempetes.noblogs.org – numéro 16

* Ndt. Pippi Långstrump en suédois, soit Pippi Longueschaussettes, héroïne de la littérature pour jeunesse dont le nom est traduit ainsi dans la plupart des langues, est devenue Fifi Brindacier en français. Son éditeur Hachette a par ailleurs totalement aseptisé la traduction des trois romans d’Astrid Lindgren, en les rééditant sans vergogne à l’identique dans leur version falsifiée de 1951 à 1995.

P.-S.

repris de cracherdanslasoupe


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