CRS : discipline et violences

mardi 8 janvier 2019, par Etienne.

L’autre jour au rond-point de la croix de Romans à Crest, alors que le gong grave d’un gamelan aux sons qui portent loin résonnait dans le brouillard, je discutai avec un officier de gendarmerie : « Nous sommes en sympathie avec les Gilets jaunes. Mais j’ai fait une promesse à l’Etat en m’engageant à le servir : alors j’obéirai aux ordres ».

J’ai fait remarquer à l’officier qu’il se trompait : il n’avait pas fait serment à l’Etat de le servir, mais au Peuple celui de le servir, l’Etat n’étant que le récipiendaire précaire de la volonté populaire, qu’il savait reprendre, comme le montrait la révolution de 1789, fondement de la République. De sorte que défendre la République c’est aussi défendre l’esprit révolutionnaire, son essence, expliquai-je à l’officier.

Il arrive que la volonté populaire retire à l’Etat les pouvoirs qu’elle lui a provisoirement confiés. Pour le gendarme, il y se crée un conflit moral. A quelle légitimité se vouer ? En dernier ressort, le souverain est le Peuple, fait de gens, pas l’Etat, fait de fonctions. Le peuple est fait de chair, d’affections et amitiés, de relations, de réputation, de considération. L’Etat est une idée abstraite. Il faut s’en souvenir au moment de l’action.

Alors, CRS, gendarmes, lorsqu’il vous sera demandé, non plus de maintenir l’ordre mais de créer la terreur parmi les honnêtes gens, pour les contraindre à ne pas manifester, ordonné de tirer pour tuer, posez les casques. Un Etat qui produit de tels ordres perd toute légitimité.

C’est à l’intérêt collectif que s’adresse ton serment : si l’ordre est de tuer le peuple, cet ordre est illégal. Le peuple ne peut décider de se tuer lui-même. Si tu tires, tu deviens criminel.

Si dans la bagarre, quand la haine et la colère montent des deux côtés et suscitent des actes regrettables, défendez votre vie, si vraiment elle est en jeu : un homme en vaut un autre. De ta part, flic, malgré ta colère, le danger, la fatigue, la haine qui monte devant la bêtise et la hargne, défends ta vie si nécessaire, mais n’obéit à aucun ordre qui te disant de tirer sur les gens. Ne tue pas sur ordre, ne terrorise pas sur ordre. Tu perdras tout honneur, souillée à toujours ta mémoire devant tes enfants, tes proches tes amis, et ta propre conscience.

Ceux qui ont pris le pouvoir en rusant avec la démocratie t’utilisent, homme et femme des forces de l’ordre, dont le salaire dépend. Tu n’es pas un salarié « habituel ». Tu n’as pas un emploi, mais une fonction, que te délègue le peuple, via l’Etat, cette entité qui a la fonction générale d’organisation et de d’administration de la société au nom du peuple, et ne doit jamais tomber aux mains d’un clan, d’une clique, d’un gang de ploutocrates.

Est-ce encore le cas ? Les princes et les chefs, sans nul doute, ont lu Machiavel. Machiavel ? Il s’agit de mécanique politique : comment diviser, épuiser, retourner, séduire, mépriser, paraître, acheter, jouer l’un contre l’autre ? Mais Machiavel parlait pour des princes dont les sujets ne dépassaient pas quelques centaines de milliers dans de toutes autres époques. Les princes étaient sans société civile, sans internet.
Ils sont tous énarques, clones tous plus ou moins, fils ou filles de, financiers, une poignée d’affairistes de haut-vol, sans autre nationalité que celle du profit. Ils ne sont plus l’Etat. Ils abandonnent les territoires, les gens, les jeunes, les vieux. Ils sabotent l’Etat. Ils t’utilisent, contre les gens, connaissant Machiavel. Ils savent comment terroriser l’opinion. En utilisant les forces de l’ordre pour cela ! Toi CRS, policière, policier, seras-tu le bras de leur infamie ?

Le CRS, le flic : comme il est facile d’en faire le bouc émissaire des colères du peuple. Jeté en pâture à la caillasse, tampon interposé entre les colères légitimes du peuple, dont sont flics et CRS, et des élites discréditées aux abois.
Un jour, malheureusement, le choix se posera peut-être : tuer le peuple, ou poser les casques ? Le gendarme, la gendarme, posera le casque, sauvera son honneur et se couvrira de gloire démocratique !

Avec l’officier du rond-point au gamelan, dit de la croix de romans à Crest dans la Drôme, nous nous séparâmes, non sans qu’il ait d’abord conseillé : « Revenez au printemps, quand il fera plus chaud. Nous y serons. La pluie, le froid : c’est difficile en ce moment. ».


Forum de l’article

  • CRS : discipline et violences Le 9 janvier 2019 à 13:20, par rodinux

    Je soumet une suggestion que j’ai vu passer sur un réseau. Lors de la prochaine manifestation, en soutiens aux bléssé·e·s par tirs de flashballs et grenades, venir manifester en se bandant les visages avec des bandages...

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