La révolte des agriculteurs persiste : dépendre des aides et du libre marché ou instaurer la sécurité sociale alimentaire ?

Les annonces du 1er ministre ne sont que du rafistolage pour continuer le même modèle dévastateur

vendredi 26 janvier 2024

Revue de presse choisie sur le gros mouvement de protestation des agriculteurs qui persiste malgré les enfumages gouvernementaux de ce vendredi.
Mais d’abord, quelques remarques :

Le gouvernement Macron représenté par le 1er ministre fait du blabla, promet des aides d’urgence (déjà en partie prévues) et quelques mesures superficielles.
Mais rien de sérieux sur le fond, aucune remise en cause évidemment du modèle agro-industriel ni du libre marché.
C’est du rafistolage et quelques offrandes pour tenter de calmer la révolte agricole et de diviser les paysans contestataires.
(en Drôme-Ardèche, certains barrages vont être levés vendredi soir ou vont l’être samedi, notamment ceux « contrôlés » par les syndidats FDSEA et JA)

Et au passage la nature est sacrifiée pour faire passer un peu les multiples effets néfastes du libre échange capitaliste généralisé. Les « normes environnementales » (qui seraient parfois à améliorer, vu qu’elles viennent d’en haut de manière bureaucratique et autoritaire) servent de bouc émissaire afin de pouvoir perpétuer un système productiviste et de concurrence mondialisée qui tuent les agriculteurs et démolit la planète. Les agri-managers productivistes co-responsables du désastre qui dirigent la FNSEA doivent être satisfaits.

Dans ce modèle de société étatique et capitaliste, s’en remettre à l’Etat et au Marché, qui sont les sources principales des problèmes, est une impasse suicidaire.
En rester à des objectifs réformistes et corporatistes est une impasse également. Car les problèmes sont vastes et profonds et dépassent l’agriculture, et puis il faudrait un rapport de force puissant, donc avec d’autres secteurs, pour vraiment faire basculer positivement les choses.

Si de nombreux consommateurs se tournent vers les produits alimentaires peu chers et de mauvaise qualité provenant de l’étranger et/ou du pire productivisme industriel c’est qu’eux aussi crèvent la dalle et ne peuvent boucler leurs fins de mois. Les inciter à acheter local est une impasse.
Dans ce modèle capitaliste, tout est contraint et lié : la dépendance aux emplois et la course à la fabrication d’argent pour le Capital entraînent tout le monde à la ruine et ne permettent pas de réelles améliorations pour tout le monde.
Ce ne sont pas les « richesses » (une expression à questionner...) qui sont partagées, mais la précarité et les désastres sociaux et environnementaux.

Si les prix des produits alimentaires augmentent, alors davantage de personnes ne pourront pas les acheter, ou alors il faudrait augmenter leurs salaires, mais les patrons diront qu’ils seront moins compétitifs et risquent de couler, et alors ils vont aussi augmenter les prix de ce qu’ils fabriquent, et on retrouve le problème que moins de gens pourront les acheter, etc.
Avec le modèle de société existant, tout le monde est pris dans des injonctions contradictoires intenables : produire à bas coût pour être compétitif et que ce soit achetable / produire de la qualité avec des revenus décents, multiplier les hard discount pour que les pauvres puissent acheter / se plaindre des importations de produits de mauvaise qualité qui concurrencent les productions locales, parler de souveraineté / laisser exister le capitalisme qui par essence détruit l’indépendance et l’autonomie, laisser se faire l’augmentation des prix des terres et des bâtiments / se plaindre de la concentration des terres et de l’impossibilité pour les jeunes de se lancer dans une activité agricole, etc. etc.
Sans révolte d’ampleur à même de faire basculer dans un meilleur modèle de société, les choses ne peuvent que se dégrader encore et encore, et le nombre de paysans se réduire encore, remplacés par des managers commerçants qui gèrent d’immenses exploitations via robots et logiciels.

En attendant une nécessaire, franche et salvatrice sortie de l’intenable modèle techno-capitaliste et étatiste, des formes de véritable « sécurité sociale alimentaire » à grande échelle pourrait aider à la fois les agriculteurs et les consommateurs, tout en avançant franchement question écologie et produits de qualité.

La révolte des agriculteurs persiste : dépendre des aides et du libre marché ou instaurer la sécurité sociale alimentaire ?

- Dans l’immédiat, les agriculteurs vont-ils se laisser endormir par le gouvernement et certains syndicats, ou vont-ils poursuivre et élargir la révolte ?

« Déverrouiller, libérer, simplifier » : les annonces de Gabriel Attal pour l’agriculture

- « Déverrouiller, libérer, simplifier » : les annonces de Gabriel Attal pour l’agriculture - Le Premier ministre a dévoilé, vendredi 26 janvier, ses annonces pour calmer la colère des agriculteurs. Il a avant tout misé sur la simplification et la suppression des normes.

AGRICULTEURS : LA COLÈRE SE DURCIT

Parmi les dizaines d’actions en cours dans le cadre de la grande colère des agriculteurs, quelques exemples bien ciblés :

➡️ À Clermont dans l’Hérault, le parking d’un Leclerc est labouré. Bientôt un champ à la place du bitume ? En tout cas, il va être difficile de se garer devant la grande surface.
➡️ Dans le Lot-et-Garonne, un Leclerc est recouvert de Lisier, à tel point que son hall d’entrée s’est effondré. Il va beaucoup moins bien fonctionner.
➡️ La Confédération Paysanne du Var défile à Draguignan avec 600 brebis et des tracteurs pour exiger des prix rémunérateurs et la fin des accordes de libre-échange. Un cortège contre le productivisme.
➡️ Les agriculteurs du Gers en route vers Toulouse pour bloquer l’aéroport où doit arriver le Premier Ministre.
➡️ À Lorient, les agriculteurs et les routiers bloquent un dépôt pétrolier.
Quand la colère ne se trompe pas de cible et s’en prend à la grande distribution, aux infrastructures et au productivisme, elle doit être soutenue.

- vidéo : https://fb.watch/pPm-o50oGb/

La révolte des agriculteurs persiste : dépendre des aides et du libre marché ou instaurer la sécurité sociale alimentaire ?

🚜 AGRICULTEURS : REJOINDRE LA COLÈRE

Depuis des mois, le monde agricole mène des actions pour montrer sa colère. Au début, le mouvement était totalement contrôlé par la FNSEA, détestable lobby de l’agro-industrie lié au gouvernement et largement responsable de la souffrance des petits agriculteurs. Ces derniers jours, l’explosion est générale, avec des actions paysannes dans tous les sens, parfois spontanées, et échappant à la FNSEA qui fait tout pour rattraper le train en route.

Rappelons trois éléments importants :

➡️ Les inégalités sont énormes dans l’agriculture avec 80% des aides captées par 20% des agriculteurs. Il n’y a pas un groupe monolithique qui serait « les agriculteurs ». Il y a une lutte des classes au sein du monde agricole, entre les petits, poussés au suicide ou à la misère, et les gros qui cumulent les terres, polluent et mangent les petits. Il y a dans ce mouvement des prolétaires et des millionnaires, c’est pour cela qu’il est si dur à comprendre.
➡️ Ce mouvement est massivement soutenu par la population. 87% des français approuvent les actions, selon un récent sondage. Tout le monde s’identifie au paysan qui galère alors qu’il trime jusqu’à épuisement. Surtout avec ce gouvernement de managers qui nous en fait baver et nous méprise, que tout le monde rêve de voir tomber. Aller à l’encontre de ce sentiment ultra-majoritaire, qui renvoie à l’imaginaire des jacqueries, profondément ancré en France, ne peut être que contre-productif.
➡️ Les agriculteurs ont les moyens matériels du rapport de force. Leur équipement, en particulier les tracteurs, ne peut pas être réprimé comme de simples manifestants à pied. Il suffit de quatre tracteurs pour bloquer une autoroute, cela change profondément la donne. On le voit à Nantes, où des tracteurs de paysans solidaires sont souvent présents dans les manifestations sociales : cela donne un sentiment de puissance et de sécurité face à la police. Le gouvernement laisse faire les agriculteurs pour le moment, pour des raisons stratégiques, mais il sait aussi que s’il lançait la répression, ce serait beaucoup plus compliqué que contre des lycéens ou des Gilets Jaunes.

Une fois ces points en tête, trois informations importantes montrent l’évolution rapide de ce mouvement de colère, et du soutien qu’il faut lui apporter :

➡️ Dans une note rendue mercredi, les services de renseignement alertent sur « le risque de débordement » de la base des paysans : « plus les jours passent, plus les risques de dérapage s’accentuent ». Ils estiment que les « syndicats risquent d’être débordés » et remarquent que « les syndicats expriment eux-mêmes leur surprise face à l’ampleur de la mobilisation. De nombreux représentants voient des agriculteurs non encartés, et particulièrement déterminés, rallier le mouvement ». Enfin, ils notent que « dans de nombreuses actions, la part des non-syndiqués est importante », en ajoutant que ces derniers « ne sont pas tenus de répondre favorablement aux consignes » syndicales. Cela veut dire que le gros syndicat collabo qui soutient l’agro-industrie, la FNSEA, pourrait être mis hors jeu au profit d’un mouvement bien plus intéressant qui ciblerait les vrais responsables de la souffrance des agriculteurs. Et dans ce cas, il est évident qu’il faut le soutenir !
➡️ De son côté, le 25 janvier, la CGT a appelé ses militantes et militants, « partout où c’est possible, à créer les conditions permettant de faire converger les revendications des salarié·es, des travailleuses et des travailleurs agricoles et des agricultrices et des agriculteurs. Nos échanges doivent permettre d’élargir la mobilisation et de créer des convergences sur les moyens de bien vivre de son travail ». Après une défaite très douloureuse sur les retraites, le mouvement ouvrier, s’il s’alliait avec les petits paysans, pourrait prendre sa revanche sur ce gouvernement.
➡️ Enfin, la Confédération Paysanne, syndicat historiquement à gauche de la profession agricole, opposée au productivisme, « affirme sa pleine solidarité avec les mouvements d’agricultrices et d’agriculteurs en France. Le constat est partagé : la colère exprimée est légitime, tant le problème de la rémunération du travail paysan est profond. Il y a 25 ans, la Confédération Paysanne dénonçait déjà les conséquences du libéralisme, du Larzac à Seattle. » La Conf’ réclame « un revenu digne pour tous les paysans et paysannes » et de « rompre avec le libre-échange » : des revendications à soutenir.

Nous étions des millions dans la rue au printemps dernier sur les retraites, cela n’a pas suffit. Nous étions des millions en jaune sur les ronds-points en 2018 et 2019, cela a fait trembler le pouvoir, mais il a tenu. Ces révoltes ont été vaincues, mais la colère n’est jamais retombée. Si tout le monde frappe au même moment, Gilets Jaunes, jeunesse, monde ouvrier et agriculteurs, tout est possible.

🛒DES SYNDICALISTES PAYSANS LANCENT UNE OPÉRATION COURSES GRATUITES

Pendant que les petits agriculteurs sont dans la misère, la grande distribution réalise des profits énormes. Surtout grâce à l’inflation : ce sont les grands groupes qui ont réalisé un maximum de marges pendant que ceux qui produisent la nourriture s’endettaient encore plus ! Par exemple le groupe Auchan, possédé par une des familles les plus riches de France, incarnation des profiteurs de la crise.

Ce vendredi matin, la Confédération Paysanne rejointe par des syndicalistes de la CGT et de Solidaires a donc lancé une opération anti-inflation à Chasseneuil-du-Poitou, près de Poitiers !
Réunis sur le parking du McDonald’s, les manifestants ont déjoué les prévisions des gendarmes et sont entrés dans le magasin Auchan pour offrir des courses gratuites aux clients.
Les syndicalistes ont déclaré au patron de l’enseigne « Nous voulons vivre dignement de notre travail » et ont pris le micro pour annoncer que c’est « comme une opération péage gratuit sur l’autoroute ! » mais dans le supermarché.
Revendiquant une « alimentation de qualité à des prix raisonnables », ils ont dit aux clients : « terminez vos courses tranquillement et à la caisse, nous allons vous laisser passer. » Une belle opération, généreuse, utile, populaire, et qui frappe directement les responsables de la souffrance paysanne !

- vidéo : https://fb.watch/pPxUrkKC7T/

(posts de Contre Attaque)

MASSIF ETTERMINÉ, LE MOUVEMENT DES AGRICULTEURS PREND DE L’AMPLEUR.

Blocages de plusieurs centaines de kilomètres d’autoroute, rassemblement devant les préfectures, actions contre la grande distribution, mise à l’arrêt de l’importation étrangère en vidant les camions, moutons en villes, incendies de bâtiments, blocage de dépôts pétroliers,
En seulement quelques jours, le mouvement a pris une ampleur telle, que personne ne peut désormais l’ignorer.

Nous sommes allés sur différents blocages, et voici ce qui en ressort :

1 – La FNSEA n’est pas du tout hégémonique. La plupart des agriculteurs ne sont pas syndiqués. Sur la A13, les agriculteurs ne veulent pas des syndicats qui « ne servent que leurs intérêts », La FNSEA-Normandie s’était même désolidarisée de l’action de blocage.

2 – Ce ne sont pas les gilets jaunes, car ce n’est pour le moment pas interprofessionnel, mais des actions comme le blocage d’un dépôt pétrolier à Lorient avec des travailleurs du BTP montre que le mouvement peut être rejoint et se généraliser.

3 – Les personnes présentes ont des profils différents : Ouvriers agricoles, exploitations céréalières et élevages entre 150 et 250 hectares ou maraîchers d’exploitations plus modestes entre 50 et 70 hectares.

Dans le viseur, l’importation de produits autorisant des produits interdits en France : « On bouffe de la merde plein de produits dégueulasses, et en plus on l’importe de l’autre bout de l’europe. Et ça se dit écolo », mais aussi la loi sur la mise en jachère de 4 % des terres : « Je dois avoir désormais 8 hectares en jachère. Moi je paye un loyer sur mes terres. Je dois donc payer 8 hectares que je ne peux pas utiliser. C’est absurde, c’est de l’écologie punitive ».

Une certaine gauche continue et continuera de délaisser la question agricole. Les écologistes bien planqués à paris continueront à ne rien comprendre à la situation. À droite et à l’extrême droite on s’empresse de vouloir récupérer le mouvement alors que ce sont les politiques libérales qui, depuis 30 ans ont mis à mal la profession.

Rien de tout ça ne doit nous importer. Tout ce qui aura lieu, se passera sur les blocages. Allons y, pour la justice sociale et climatique. La vraie.

- vidéo : https://fb.watch/pPFH6XaKOx/

(post de CND)

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