Joe Dalton au secours des cités

Du recyclage en politique

dimanche 29 avril 2018, par Etienne.

Pour enrayer la crise montant dans les cités, les Pieds Nickelés dégainent Joe Dalton. En voilà qu’elle est bonne la recette ! Et quelle originalité !

Le plan cité, sorti par magie de la manche du gouvernement – pas moins de 47 milliards d’euros - est un fatras de mesures recyclées à l’ineptie testée.
Du bel argent qui à coup sûr se perdra dans les sables mouvants de la technocratie et de la sociocratie. Technocratie et sociocratie, ce réseau dense de normes, règles et prétendus filets sociaux, qui dissimule en fait une nébuleuse fonctionnaire ou para fonctionnaire, dont le principal souci est de justifier sa propre existence. Lors d’une ruée vers l’or, les gagnants sont les vendeurs de pelle !
Plutôt que de recycler l’échec, on aurait pu explorer quelques propositions alternatives.

Première mesure

La première est simple : ce qui crée problème dans les cités, ce n’est pas d’abord le lieu, mais la misère qui cloue sur place. Donner des revenus pour permettre d’en sortir, de la cité ou de la misère, devenir autonome, voilà une partie de la solution. Comment : en exonérant les indépendants de toute charges sociales – quelque 50 % des revenus - dès lors que leurs ressources n’atteint pas le SMIC. Cette masse de charge écrasante décourage. Elle maintient la tête sous l’eau. Elle empêche de voir venir, d’acheter du matériel, de remplacer un véhicule, d’avancer.

Comme il est peu probable que l’emploi revienne en masse dans les cités, où piaffe au contraire une jeunesse qui n’a qu’envie de se créer un avenir, faisons-cela ! L’emploi ne reviendra pas : les cités se les créeront. Mais alors qui compensera le manque à gagner ? Les grandes entreprises pardi, qui, par ruse et pression, parviennent à ne payer en impôt que des taux dérisoires. C’est bien en effet là que le bât blesse.

Car dans l’esprit massif des Pieds Nickelés, l’emploi passe par l’investissement. Or celui-ci est désormais global – la globalisation c’est bien et inévitable, n’est-ce pas ? - Pour attirer ces investissements, qui vont et viennent librement à travers la planète en quête des meilleurs aubaines, il importe de grassement les rémunérer. L’ennui est que cette grasse rémunération, ces 15 % qu’exigent les investisseurs, passe par la destruction de l’emploi. Damned !

Le chômage nous coûte collectivement 35 milliards

Le chômage nous coûte collectivement 35 milliards, en seules indemnités. Dans le même temps, ceux qui réduisent le plus leur masse salariale engrangent les plus juteux profits ! Ruisselants d’effort et de sueur, les Pieds Nickelés se débattent dans ce cercle vicieux depuis les années 80. Un jour, probablement proche, ils devront expliquer cela à la Nation.

Pourquoi ce jour serait-il proche ? Car nos Pieds Nickelés nationaux n’aperçoivent pas la vermine populaire qui grouille à leurs pieds. Sortant des mêmes écoles, partageant les mêmes filiations, membres des mêmes coteries et cénacles, ils forment milieu : les uns les autres se renforcent dans l’illusion que l’univers est à leur semblance et partage leurs opinions. Ils sont aveugles !
Pour Joe Dalton et les Pieds Nickelés, les cités, les indépendants, les auto-entrepreneurs, tout cela vient de Mars !

Voilà pourquoi on continuera d’écraser de charges, de tuer dans l’œuf l’énergie de s’en sortir présente dans les cités et parmi les plus pauvres. Qu’on cesse de les harceler, de les contrôler ! Bazardons une bonne part de la sociocratie ! Libérons les petits de son harcèlement, de sa médiocrité, de sa morgue ! Libérons des charges sociales les faibles revenus ! Ne le fait-on pas pour les faibles salaires. Faibles salaires dont profitent surtout les plus grosses entreprises, qui pourtant détruisent l’emploi à qui mieux mieux.

Libérer tous les petits revenus de charges sociales : cette mesure efficace et de simple justice, ne se fera pourtant pas. Pourquoi ? Parce que la misère sociale justifie la sociocratie. La misère est son gagne-pain. Par ailleurs, la sociocratie, constitue la clientèle électorale des Pieds Nickelés rouges, roses ou bleus, dans un millefeuille inextricable de baronnies et de duchés néo-modernes. Voilà pourquoi cela ne se fera pas. Voilà pourquoi nous continueront vers l’abîme.

Seconde mesure : laisser les gens s’organiser, créer, décider.

Au-delà de l’effacement des charges sociales pour les petits revenus indépendants, la plus déterminante des mesures est certainement de demander aux habitants eux-mêmes ce qu’ils souhaitent faire de leur cité et de leurs vies. Non pas seulement leur demander. Mais leur donner aussi des droits : droit d’administrer en toute autonomie un budget consacré à un projet collectif librement déterminé. Cette méthode, quand elle fut tentée, partout fit merveilles.
Quant à faire revenir la République dans les quartiers, il y a l’art et la manière. Dans les années 70, des éducateurs travaillaient dans la rue, vivaient au sein des cités. Les hirondelles logeaient dans les quartiers, parmi les habitants. Pourquoi ne le fait-on pas ? Pourquoi n’y revient-on pas ?
Fondamentalement, on craint qu’en s’organisant, les gens, petit à petit prennent tout le pouvoir.
« On » a raison de le craindre.

Qui est « On » ? Ni plus ni moins que cette fiction qu’on nomme classes sociales, nomenklatura, élites, aristocraties, oligarchies. « On », pronom indéfini : car ce serait une erreur que de les réifier, de leur conférer un centre précis, des contours nets, une unité qu’elles n’ont pas : elles ne « veulent » pas sous l’effet d’un vouloir éclairé, défini, univoque. Elles veulent en tant que force politique et économique. C’est là qu’elles deviennent bien réelles.

Sauf originalité, penser c’est imiter

User de généralités pour décrire la réalité, c’est la caricaturer, se priver d’efficace. On parle en général : on dit « Louis XIV a construit Versailles ». Quand en réalité il l’a fait construire à sa gloire sans demander aucun assentiment au travail des foules qui ont financé ces travaux. En posant que « Louis XIV a construit Versailles », on englobe le manant et son maître ; on fait parler le maître pour le manant.
Mais au-delà, les représentations elles-mêmes, le beau, le bon, le bien, ne sont pas celles des gens, des masses, du peuple, mais celle qu’On privilégie. « On » qui parle partout , dicte tout, montre partout.

Un enfant battu croit normal d’être frappé et continue d’aimer ses parents. Pareillement les gens agissent et pensent comme « On » leur montre qu’il est normal de le faire. Ils croient normal d’être harassés de travail, méprisés. Ils croient normal que leur vie n’ait d’autre sens que de consommer. Consommer, voilà le bonheur et la solution ! On se méprend en donnant à la modernité de nom Civilisation. Car avec les temps présents, de tous les temps, jamais la Civilisation n’a connu une telle déréliction.
A l’occasion de la publication de ce énième « plan des cités », les réseaux sociaux bourdonnent de propositions extrêmes : « les expulser tous, ramener la République dans les cités, avec au besoin l’aide de l’armée ».
Plutôt que d’espérer chasser des cités ceux qu’on ne pourra jamais chasser, peut-être serait-il plus opportun de chasser les bras cassés qui nous dirigent depuis le Néolithique et 1792. Enfin !

Pour l’heure, « On » reprend les mêmes bras cassés

Pour l’heure, « On » reprend les mêmes bras cassés. Ils se planteront tout comme avant. Pendant ce temps, la populace qui n’y comprend rien, aux cerveaux lessivés de propagande, appelle à l’ordre - l’ordre qui leur fera tantôt tâter du bâton. On crie haro sur le bouc émissaire. Il est vrai qu’à courte distance les objets présentent plus de détails. A courte distance, la chose que voit le mieux est le bout de son nez. Continuons à regarder Kôh Lanta et des séries américaines, ça rend abruti : « On » aime ça. Ses médias s’emploient à nourrir l’anesthésie citoyenne.

Faute de sens, on s’en bâtit : le Jihad pour certains, promesse d’ordre et de fixité, surtout quand dans ses recoins sales, la République n’a rien donné, pas même l’instruction ou le respect, juste du ravalement de façade. Pour d’autres, l’utopie, c’est la Nation, retrouvée dans ses anciennes frontières et son ancienne race.
Voilà une bien belle trajectoire de collision civile !

Pourquoi, en premier lieu, avoir construit des cités ?

Pourquoi, en premier lieu, avoir construit des cités ?
Les cités : en premier lieu ne pas en construire du tout de cités eût été préférable. Il aurait fallu façonner un développement économique simplement stable, parallèle à la démographie, sans plus. Pour cela on aurait organisé le territoire, le travail, les déplacements, l’énergie, l’habitat, le droit, et tout le reste, différemment. Il n’y a aucun raison que cela ne fût possible.

Cela ne fut pas, parce qu’on n’aperçut pas ces solutions, ou parce qu’en haut lieu, on le voulut pas. Les gens, à part de rares originaux, calquent leurs opinions sur la majorité, opinions que les élites façonnent à leur image. Les gens suivirent benoitement, à l’encontre de leurs intérêts fondamentaux.

A l’Ouest, les élites des années 70 agitaient les drapeaux du monde libre, riche et en vacances. A l’Est d’autres satrapes, communistes ceux-là, promettaient des lendemains chantant. La liberté, le bonheur demain, justifiaient maintenant l’aliénation par le travail, les exploits de Stakhanov, le taylorisme qui réduit l’homme.
Vainqueur, seul en scène, le capitalisme redouble depuis sa course folle, talonné par le capitalisme rouge. Tout cela court comme panurge vers le précipice général. De son côté le travail libérateur n’a jamais été aussi aliénant, mal payé, éprouvant, destructeur, monstrueux : il ne s’est pas accru, mais raréfié, morcelé, parcellisé, automatise, informatisé, robotisé, virtualisé pour devenir bientôt une exception.
Mais « On » nous persuade par les mille moyens de Sa puissance que Sa vision à Lui est la meilleure et qu’il faut Le suivre pour que demain … pour que demain, quoi au fait demain ?
Sait-on quel objectif positif nous poursuivons encore en tant qu’être collectif ?Vers quelle promesse, quel rêve tourner encore nos regards et nos efforts ? Rien.
Rien sinon la réforme pour « être compétitif ». Non plus travailler pour la paix et le bonheur, mais pour soutenir … en temps de paix … l’effort de guerre compétitif. Il faut lutter, sinon sombrer. Il suffit donc que le cercle des marchands démontre aux gens qu’il leur faut travailler dur parce que leur pain dépend de leurs bonnes ventes. Façon à eux de voir. Car les gens pensent au contraire que leur travail produit les marchandises vendues, source des profits réalisés, que le marchand garde pour lui. Les gens pensent qu’il y aurait mieux à faire.

Culture, nature, violence

Toute l’histoire depuis le Néolithique, est marquée du sceau de la violence et de la brutalité de l’homme envers l’homme, ou plutôt de l’homme qui ne reconnaît pas en l’autre un homo sapiens à son image.
Violence intraspécifique, comme chez les fourmis, diraient les éthologues. La violence comme trait de civilisation, ni tout à fait de culture, ni tout à fait de nature, a fini par imprégner le plus profond la psyché humaine. Il est devenu un méme, un objet d’évolution autonome, dépassant l’histoire.
Violence, brutalité, exploitation : on retrouve des tares identiques dans les sociétés de singes. Ainsi, sur un film d’éthologue filmé sur une île à l’Ouest des côtes de Californie, voit-on une guenon dominante attendre que la mère d’une jeune femelle s’éloigne. Elle saisit l’enfant, l’amène à l’eau proche, lui maintient la tête sous l’eau à deux reprise quelques secondes, avant de prestement la rapporter au point de départ, en surveillent furtivement le retour de la mère !
Ce biais de violence social et politique n’est pourtant pas une fatalité. Certes, cet héritage est presqu’aussi lourd qu’un instinct. Mais il existe d’autres pistes, des bifurcations à tenter, des futurs alternatifs. Futurs possibles, sauf, si tout s’effondre avant. Espérons alors l’agonie la plus brève. L’idéal serait un astéroïde, genre Yucatan. Faut pas rêver.

La violence est une impasse anthropologique : pas une fatalité. Les éthologues savent qu’il existe parmi les singes dominants, des despotes et des débonnaires, qui, eux, ne violent pas les femelles, sont doux avec les enfants. Certains spécialistes estiment que Chimpanzés et Bonobos, formaient au départ une seule et même espèce. Ils sont d’ailleurs interfertiles.

Les chimpanzés ont adopté la violence et la domination comme modèle culturel, politique et social. Les Bonobos ont choisi l’amour et de la réduction des tensions comme centre de son en-soi. La violence et l’exploitation ne sont pas de nature, mais de culture. Pas de fatalité, pas de nécessité !

Toutes les aristocraties sont fondées sur la brutalité

Toutes les aristocraties sont fondées sur la brutalité, l’accaparement, la guerre, le pillage. Les élites, de tous temps, sauf quand elles n’existaient pas, ont constitué la marge la plus brutale, la plus vile, des homos sapiens. Il faut en sortir. Comme il faut sortir les cités de la misère, du désespoir, seins de la violence. Un sourire : le rôle croissant des femmes.
Voilà bien le fond de ce qui se trame politiquement dans les cités – politique non pas au sens de doctrine, de discours, de parti organisé -mais quelque chose sans formulation, bourré de tensions, parce qu’informulé justement. Sans boulot, sans argent, sans ascenseur social, sans échappatoire, la vie des cités est sans rêve ni objet. Sauf pour certains activistes caressant l’utopie d’une société tournée vers Dieu, apaisée, prévisible, conforme à la Charia, la Loi, l’ordre divin.
Cités, usines, consommation
Si les cités ont existé, comme aujourd’hui les banlieues pavillonnaires, ce n’est pas par nécessité. Pas seulement. On eût pu faire autrement. C’était pour abreuver et loger une main d’œuvre nécessaire au fonctionnement des usines et d’une économie qu’en haut lieu on croyait devoir profiter à tous. C’était leur vision, convaincue, naïve et erronée.

La main d’œuvre étant trop rare, on a immigré des travailleurs d’Afrique. Pour nourrir les usines, « on » a pillé les ressources naturelles de leur pays d’origine, en corrompant leurs gouvernements. Ce faisant, on a tué le développement de ces économies, suscitant en masse les candidatures à l’exil. Avec une double conséquence contradictoire : la pression à la baisse sur les salaires et l’exaspération des populations faces aux strates nouvelles venues. La stratégie du choc est bonne pour les élites ?
Que font les Pieds Nickelés pris dans cet étau ? Double étaut. Cr par ailleur, l’impôt ne rentre plus. Il ne peut plus rentrer. Car taxer les gros évadeurs reviendrait à tarir la source des investissements, indispensables à la compétitivité nationale. Croit-« on ». Compétitivité qui par ruissellement profitera à tous, assurera la stabilité sociale. Mais pour rester, les grands investisseurs demandent une rétribution élevée. Et pour cela l’emploi rare et bradé est nécessaire.
Comment ne pas voir que c’est sur cette trame mitée que se joue le drame des cités ? Enjeu politique au sens plein, engageant la République au plus profond d’elle-même.

Sortir du piège de la cité ? Pour les uns, par l’Islam, pour les autres la Patrie. Pour tous au fond, un même désir d’ordre et de stabilité. Or le profit exige la destruction de tous les liens sociaux, de toutes barrières morales : à ce prix seulement, tout deviendra marchandise : les personnes, le patrimoine génétique, les embryons, les ventres ! Il faut pouvoir sans mauvaise conscience, escroquer, tromper, truander. Que nul préjugé moral absurde ne vienne affecter la performance des vendeurs !

Heureusement, les Pieds Nickelés et Joe Dalton vont régler le problème des cités. Ils promettent 47 milliards pour astiquer les vieilles recettes. Ils réussiront jusqu’à la catastrophe. Ne sont-ils pas aidés, dans leur fine analyse politique, par Rantanplan ?


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