Gilets jaunes - Revue de presse du 1er janvier 2019

Mépris envers les classes populaires et la démocratie, une simulation de décapitation poursuivie, justice de classe, mur de la honte...

mardi 1er janvier 2019, par Auteurs divers.

Pour bien commencer l’année, voici une sélection d’articles autour du soulèvement gilets jaunes :

Biarritz : exposition des blessés et mutilés par la police du régime

- Voici un extrait que je trouve particulièrement intéressant de l’article Force Jaune / Vert / Rouge : l’écologie politique en gilet, qui pose des questions pertinentes :

La question qu’il faut à présent poser est donc la suivante : quelles forces, parmi celles qui se disputent aujourd’hui la formulation d’une écologie progressiste, sont-elles susceptibles de donner corps aux aspirations à une autre manière d’habiter le territoire qu’ont exprimé les gilets jaunes ? Prenant là encore le risque du schématisme, on peut distinguer trois tendances, qui tendent parfois à se recouper.

La première tendance se caractérise par des modalités d’action « citoyennes » : elle place tous ses espoirs dans la formation d’un corps de citoyens éclairés, organisé en associations soutenues par des ONG dont l’objectif est de peser, par la voie de pétitions, du lobbying ou d’actions en justice sur les décisions des gouvernements. À cet égard, il est tout à fait significatif que « l’Affaire du siècle [14] », ce projet lancé par des ONG qui entendent attaquer l’État en justice pour non-respect de ses obligations climatiques, intervienne au moment même où le mouvement des Gilets Jaunes revendique la mise en place d’un « Référendum d’Initiative Populaire ». Certes, là où la campagne « l’Affaire du siècle », dont la pétition a à ce jour récolté plus de 800 000 signatures, vise à faire jouer les tribunaux administratifs pour rendre la politique gouvernementale conforme à son programme et au droit international, le « RIC » vise quant à lui à peser directement sur le gouvernement, en le contraignant à mener une politique décidée par « le peuple ». Mais dans les deux cas, l’État apparaît à la fois comme la cause des obstacles à la justice sociale et environnementale et comme la solution toute trouvée à la résolution de la crise. À cette première contradiction s’en ajoute une seconde : le Référendum comme la Pétition tendent à saper la légitimité de la représentation parlementaire tout en s’adressant au gouvernement dans l’espoir qu’il assure un élargissement des pouvoirs démocratiques. Or, cette nouvelle alliance entre écologie citoyenne et référendum populaire ne risque pas seulement d’étouffer l’inventivité pratique qui s’est déployée dans la rue et sur les ronds-points. Elle est également vouée à l’échec. Car d’un côté, le Référendum vise à produire des lois sans avoir les moyens de les discuter ou de les appliquer. De l’autre, la Pétition vise à contraindre l’État à appliquer la loi sans avoir les moyens de la produire. Une même question se trouve ainsi contradictoirement posée et neutralisée : la question du pouvoir.

C’est précisément cette question qu’affronte directement la seconde tendance, qui cherche à réinventer dans un monde qui se réchauffe la stratégie classique du mouvement ouvrier : celle de la prise du pouvoir d’État dans le but d’assurer la transition écologique et énergétique grâce à une planification de l’économie [15] Cet objectif stratégique est susceptible de différentes variations tactiques, de la « révolution citoyenne » appelée de ses vœux par la France Insoumise à l’appel à « assiéger et prendre d’assaut les palais » pour lutter contre le « réchauffement climatique global15 » lancé par Andreas Malm. L’argument selon lequel seul l’État concentre un degré de force suffisant pour exproprier les grands pollueurs ne manque assurément pas de poids, de sorte que cette seconde position apparaît plus adaptée à l’urgence climatique et à l’ampleur des changements économiques et sociaux qu’elle impose. Mais il n’est pas sûr qu’elle soit plus réaliste, et ce pour des raisons aussi bien structurelles que conjoncturelles. D’un point de vue structurel, l’État néolibéral qu’incarne aujourd’hui le gouvernement Macron n’est plus l’État national-social que les institutions du mouvement ouvrier pouvaient investir, et dont on voudrait aujourd’hui s’emparer pour forcer des mesures de justice sociale et climatique. C’est l’État-entreprise ou managérial, simple relais du « capitaliste collectif » dont parlait Engels et qui agit dorénavant à l’échelle de l’Union Européenne. Il n’est donc plus un moment, ou un espace, de la lutte des classes, mais son principal acteur. Or, d’un point de vue conjoncturel, c’est la conscience de ces transformations de la forme-État qu’ont exprimé en pratique les gilets jaunes par leur refus de la représentation et de la négociation. Ignorer ce refus, c’est ouvrir un boulevard aux tendances les plus nationalistes du mouvement, dont on a déjà souligné qu’elles pouvaient aisément déboucher sur un autoritarisme vert face auquel le souverainisme social repeint aux couleurs bleu-blanc-rouge de la FI ferait pâle figure.

Reste donc une troisième tendance, qu’on peut qualifier de « communaliste » : sa tactique, c’est la réappropriation des territoires, l’ouverture d’espaces sur lesquels peuvent s’expérimenter d’autres modes de vie et d’autres rapports à la terre. Le cycle d’occupation des places ou les ZAD en sont des exemples dorénavant classiques, avec lesquels la construction de cabanes sur les ronds-points ou l’occupation d’une ancienne sous-préfecture à Saint-Nazaire entrent aujourd’hui en résonance [16] On a ici affaire à des modalités d’action par lesquelles la lutte se construit contre l’État, ne serait-ce que parce qu’elle déborde les formes qu’il impose habituellement aux mobilisations. Mais l’horizon stratégique de ces luttes est quant à lui plus flou : s’agit-il d’amorcer un processus d’expansion des communes, voire de l’instituer sous la forme d’un néo-fédéralisme qui se substituerait progressivement au maillage économique du Capital et au zonage administratif de l’État ? Ou s’agit-il plutôt de jouer le second de ces espaces contre le premier, d’investir par exemple les mairies pour les transformer en relais des revendications émises par les gilets jaunes dans l’espoir de briser de l’intérieur l’unité des appareils d’État plutôt que de s’en emparer [17] ? En d’autres termes : faut-il se situer hors et contre l’État, ou dans et contre lui ? La question est ouverte, mais ce qui est sûr, c’est que la stratégie d’occupation communaliste des territoires rencontrera fatalement, lorsqu’elle ne l’a pas déjà rencontré comme à Notre-Dame-Des-Landes, la question communiste de la propriété privée. Car aujourd’hui comme hier, c’est autour de cette question que s’articulent la domination politique et l’exploitation économique. Et aujourd’hui plus qu’hier, seule la résolution de cette question, sous des modalités à réinventer, laisserait espérer une véritable abolition du capitalisme fossile. Soulever la question de la propriété privée du sol et des moyens de production au sein des gilets jaunes ou de ce qu’ils deviendront, faire en sorte que le jaune et le vert tirent vers le rouge, voilà en tout cas la forme que pourrait prendre notre intervention [18] .


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