GILETS JAUNES - ACTE 12 / VERS LA GRÈVE GÉNÉRALE ?

Superbe article et photos de La Meute !

dimanche 3 février 2019, par Auteurs divers.

# « GILETS JAUNES » - ACTE 12 / VERS LA GRÈVE GÉNÉRALE ?

Action - Répression - Solidarité. C’est le triptyque développé par le révolutionnaire brésilien Carlos Marighella dans son Manuel du Guérillero Urbain. Action - Répression - Solidarité, c’est l’idée qu’un mouvement insurrectionnel entré en confrontation avec les forces de l’ordre trouve dans la répression qu’il subit le meilleur de ses porte-voix. Que chaque matraque s’abattant sur celle et celui qui luttent fait naître davantage de camarades, qui dans un élan de solidarité spontanée, se joignent à la révolte.

Plus que jamais dans le mouvement des « Gilets Jaunes », l’Acte 12 de ce samedi 2 février semble confirmer cette théorie. A cheval entre la journée de mobilisation ancrée dorénavant dans la routine hebdomadaire, et les préparatifs de « la grève générale illimitée » du mardi 5 février, il est en tout cas sûr et certain que le mouvement insurrectionnel actuel ne désemplit pas ; y compris à Paris où celui-ci a profondément fait évoluer ses modes d’action.

Retour en images et en récits sur cette journée de mobilisation.

La Grande Marche des Blessé·es

Ce samedi de mobilisation fut placé sous le signe de la résistance à la répression. Depuis deux semaines déjà des appels circulaient enjoignant à participer à une seule et grande marche des blessé·es à Paris ; allant jusqu’à inviter les participant·es à témoigner de leur solidarité et s’affublant de faux bandages et de faux sang. Ces appels ont rencontré très vite un fier succès, qui s’est concrétisé hier dans la rue. Non seulement y avait-il beaucoup de monde venu en soutien, mais aussi de nombreuses victimes de la répression de ce mouvement prenant la tête de la manifestation au sein d’un carré de tête avec service d’ordre pour les protéger.

Mais le véritable succès de cette marche pour ce qui est de la solidarité contre les exactions de la police réside surtout dans l’alliance de fait qui s’est réalisée entre les victimes en général de la police, et celles mobilisées dans les « Gilets Jaunes ».
Aussi a-t-on pu apercevoir Ramata Dieng, soeur de Lamine Dieng tué par placage ventral par la police à Pairs en 2007, ou encore Assa Traoré, soeur d’Adama Traoré tué par les gendarmes en 2016 à Beaumont-sur-Oise (95).

Partie de la Place Félix Éboué - socialiste, Noir, et résistant de la première heure - la marche des blessé·es fut centrale au sein de la manifestation de ce samedi. Alors qu’elle s’avançait en direction de la Bastille, le carré de tête fut très vite entouré d’un gros cortège de « Gilets Jaunes » qui, à n’en plus douter au regard des slogans et des couleurs brandies, était fortement ancré à gauche.
Quelques mètres derrière, les cheminot·es marchaient aux cotés du Comité pour Adama, protégé de part et d’autre par une sorte de retour du cortège de tête et des black blocs.
L’ensemble de la marche, qui traversa de riches et déserts quartiers parisiens, se déroula sans accrocs avec la police, y compris lorsqu’une banque HSBC fut saccagée, créant un véritable et fastidieux débat au sein du cortège des « Gilets Jaunes ». « Allez plutôt vous attaquer aux ministères ! » , « Mais c’est qu’une vitrine de banque bordel, calme-toi, c’est pas grave ! » , « T’es sincèrement en train de défendre une banque qui te vole ? ».
C’est une fois arrivé·es à République que la tension monta. La place, comme à son habitude, était cernée par la police et les gendarmes. A peine un groupe de « Gilets Jaunes » s’approcha-t-il du Boulevard Saint-Martin qu’il fut arrosé au canon à eau et gazé pour dispersion.
La foule continuait d’arriver de Bastille sur République, plongée alors dans un diffus nuage de lacrymogène. En un rien de temps, la police avait tiré la fusée de sommation, bouclé la quasi-totalité des issues et s’acharnait sur les manifestant·es. La journée était finie.

« 2005, première sommation - 2019, Révolution »

Le 16 novembre 2018, à la veille du premier Acte des « Gilets Jaunes », voici ce que nous écrivions dans un des articles de LaMeute : « De toute évidence, il y a très peu de choses en commun entre l’insurrection de 2005 et ce que donnera sans doute la journée de demain. Peut-être même n’y a-t-il rien en commun. Mais force est de constater que les deux partagent le mutisme des milieux militants des diverses gauches. Quiconque ne veut pas entendre n’écoute pas. Et en écoutant bien, c’est se tromper que de ne réduire le mouvement des « Gilets Jaunes » à un simple ras-le-bol contre la hausse des prix des carburants. Les causes sont plus profondes, et inaudibles aux militant·es des hyper-métropoles que nous sommes pour beaucoup. »
De deux choses l’une. Sans doute pouvons-nous dire que nous avions raison - et que ce temps est révolu. Car si nous lisions dans la presse ces derniers jours que les quartiers populaires ne se joignaient pas au mouvement des « Gilets Jaunes », c’est une réalité toute autre qui frappe au premier abord sur le terrain. Les manifestations des « Gilets Jaunes » sont devenues la concrétisation de l’alliance des France périphériques, banlieusarde et paysane.

A travers les violences policières qui éborgnent de Lille à Toulouse, les « Gilets Jaunes » du monde rural découvrent la réalité des conditions de vie dans les quartiers populaires, ou comme l’affirmait une internaute, que « ça fait des décennies que les gens de quartiers sont des Gilets Jaunes ». Un changement des mentalités qui, a minima, ne peut qu’être bénéfique pour les gens des quartiers populaires las·ses de la stigmatisation perpétuelle, mais qui implique également une reconsidération des a priori racistes de toute une partie de la France n’ayant jamais vu ni de Noir·es ni de Maghrébin·es.

Si dans d’autres villes mobilisées les réactions antiracistes sont plus spontanées qu’à Paris, et y compris de la part de « Gilets Jaunes » non-militant·es, la situation sur la capitale est toute autre. Lors de l’Acte 11, les Zouaves Paris s’en étaient certes pris au NPA - ce qui a fait couler beaucoup, beaucoup, beaucoup d’encre dans le milieu militant et en-dehors - mais peu de lumière a cependant été faite sur leurs actions contre un militant du Comité pour Adama ou des militant·es pro-migrant·es. Quoi qu’il en soit, la réponse lors de cet Acte 12 a été une riposte de l’ensemble de la gauche radicale venue protéger et seconder les personnes vulnérables à ce type d’attaques, et ce de manière efficace.

Le chemin de la grève

A l’heure qu’il est, difficile de prédire si la « grève générale illimitée » du 5 février sera un véritable succès ou un total fiasco. A l’image des 12 semaines de mobilisation, il y a cette sensation étrange et satisfaisante à la fois de naviguer à vue, en-dehors de tout calendrier imposé par l’agenda gouvernemental ou la rédaction d’une loi à adopter.

De toute évidence, cependant, une grève générale, de surcroît illimitée, ne se décrète pas. Elle se construit. L’histoire sociale démontre que ce n’est pas un déclic spontané seul qui apporte au gouvernement sa catastrophe qu’est la grève générale. C’est aussi le soulèvement par segments de la population, de tous les leviers des classes laborieuses, un à un, qui tous ensemble actionnés cessent toute production tant matérielle qu’immatérielle.

Pour que cette grève générale fonctionne, « Gilets Jaunes » et CGT ne disposent plus que de quelques jours pour s’approcher de chaque catégorie de la population, des lycéen·nes aux retraité·es, pour tirer tous les rideaux et descendre dans la rue. Somme toute, tout sauf une mince affaire.

Quoi qu’il advienne de ce mardi, il faudra au moins retenir une analyse de cette date déposée. Jusqu’ici, les mobilisations nationales coordonnées des « Gilets Jaunes » n’avaient lieu que le samedi, et prenaient un caractère strictement insurrectionnel. Voici à présent que l’on s’attaque à la semaine, et à la production pure et dure. Il s’agira pour les « Gilets Jaunes » de transformer cette « grève générale illimitée » en « grève générale insurrectionnelle ».

Source : © LaMeute

- Photos excellentes à découvrir sur leur page


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