Depuis le sabotage par incendies des installations technique Orange à Crest, l’internet filaire est coupé un peu partout.
Pour les moins jeunes, on se retrouve un peu dans les années 90, quand internet n’était pas encore généralisé.
On vit une sorte de retour vers le passé. Au siècle dernier on lisait des journaux ou on regardait en direct une chaîne de télévision, on avait la météo sur des répondeurs téléphoniques alambiqués et la connaissance se trouvaient dans des livres. Incroyable non ?
Sauf qu’à l’époque l’espace social était organisé autrement, sans internet, et on ne pouvait languir ce qu’on ne connaissait pas. Tandis qu’aujourd’hui des habitudes ont été prises, presque tout passe par le web, et ça fait bizarre d’être privé de son joujou communicationnel omniscient, on se sent comme perdu, démuni, réduit, impuissant. L’ordinateur roi est devenu un peu manchot.
Encore que l’impact reste limité puisque pas mal de personnes ont des smartphones avec connexion internet illimitée.
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En cette période de pandémie dramatisée à outrance pétrie de couvres-feux imbéciles, de restrictions de déplacement liberticides et de rencontres physiques sous contrôles policiers, cette coupure d’internet est d’autant plus étrange et embêtante car c’était souvent le dernier moyen pour nous relier « librement » (virtuellement et à distance...) aux autres et à l’actualité du monde tel qu’il va.
On se retrouve alors à acheter un journal, à téléphoner à des ami.e.s, à avoir plein de temps libre pour lire, faire l’amour et flaner. Sauf que l’État maintient un couvre-feux militarisé à 18h, ce qui est particulièrement pénible pour les travailleurs de jour.
Ce sabotage important est l’occasion d’expérimenter un peu une autre manière d’explorer son existence, de tester un mode de vie plus sobre en énergie.
On peut aussi se rendre compte combien cette société est dépendante des réseaux, combien elle est fragile malgré ses délires de puissance. Il suffit d’un incident, attaque ou accident, et des tas de dispositifs sont atteints en cascade : paiements par CB, distributeurs de billets, communication avec les services publics, vie professionnelle, La Poste…
Plutôt que de réclamer davantage de redondance d’internet, de sécurité à la place de la liberté, de flics et de caméras, de 5G et de câbles filaires partout, l’intelligence écologique et sociale serait de réfléchir et construire une autre société, fondée sur les rencontres sociales et la convivialité, sur le partage et l’entraide, sur la mesure et la démocratie directe plutôt que sur l’échange utilitariste par écrans interposés sur fond de compétition partout.
C’est l’occasion de rechercher un contact rapproché avec le monde naturel, de s’y immerger sensoriellement, de plonger les mains dans la terre, d’humer le printemps, d’observer de plus près ces créatures animales et végétales éphémères largement inconnues, ignorées, piétinées, même chose pour les humains d’ailleurs. Plutôt que poursuivre la virtualisation du vivant, sa numérisation destructive, la robotisation de nos vies, aller vers l’incarnation, la chair, l’empathie, l’émotion de la rencontre sans filtres ni censures.
Peut-être qu’alors on se rendra compte que ce système hyper-technologique et marchandisé, cette civilisation industrielle, est une catastrophe permanente, qu’il tue, dans tous les sens du terme, le vivant et l’altérité, l’étrange et le mystère, la liberté et l’amour, en nous et partout autour de nous ?
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Peut-être qu’alors on voudra accepter que cette civilisation industrielle est incompatible avec une vie qui vaut la peine d’être vécue, qu’elle est un fléau mortel pour les fragiles mondes vivants peuplant la mince biosphère d’une planète minuscule errant dans un gigantesque univers incompréhensible ?
Peut-être qu’on souhaitera voir disparaître cette civilisation vampirique et ses armes de destruction massive ornées de progrès et de sciences ?
Peut-être qu’ensuite on agira pour provoquer volontairement cette disparition, et ainsi libérer des opportunités inconnues de mondes beaucoup plus riches et stimulants qu’une appli, un placement boursier ou un jeu en ligne ?
Peut-être qu’une panne, un soulèvement, une catastrophe, un sabotage sont des occasions précieuses parmi d’autres pour ressentir tout ça.
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